Photoreflex, Digibao, Zeclic, Photoway, Photoweb, Photomania, Pixmania, Wistiti, Extrafilm, etc. Nombreuses sont les start-up qui ont investi l’univers des travaux photo en ligne, s’inspirant des business model créés outre-Atlantique.Transfert sur CD-Rom des négatifs photos argentiques, tirages sur papier de qualité à partir de fichiers numériques, possibilité de retoucher ses clichés numériques, de réaliser des montages et trucages en tout genre, etc. Loin de se cannibaliser, la complémentarité entre l’argentique et le numérique offre de nouvelles opportunités au photographe amateur. Des applications ludiques et pratiques rapidement identifiées par de jeunes pousses, les premières à se positionner sur ce marché.L’objectif : inciter l’internaute à consommer de la photo autrement. Trois innovations constituent le fondement de leur modèle. D’abord, la numérisation et le stockage des clichés. Inutile d’empiler ses photos dans un placard, archiver en ligne ses négatifs argentique ou numérique permet à l’internaute de conserver ses souvenirs sur un support à l’épreuve du temps. Les sites proposent aussi d’héberger gratuitement les photos des internautes sous la forme de véritables albums virtuels. Le photographe amateur dépose les clichés du baptême du petit dernier et les fait partager à ses proches via un mot de passe, de n’importe quel ordinateur dans le monde. Chaque membre de la famille ou ami peut y déposer à loisir ses commentaires.
Une faible rentabilité
Ce service connaît un véritable succès car il renoue avec l’aspect communautaire cher aux internautes. Enfin, la troisième innovation fournit un service de travaux photos à la demande.Inutile de développer les 36 clichés qui célèbrent les noces d’argent des parents, seules deux ou trois photos immortalisent généralement ce moment inoubliable ! Il suffit à l’internaute d’envoyer sa pellicule dans une enveloppe préaffranchie par le fournisseur. Son contenu numérisé s’affiche sur un espace sécurisé, et il peut commander en ligne les tirages papier des photo qu’il a sélectionnées. Les clichés lui seront retournés sous quelques jours par La Poste. Certes, le coût est légèrement supérieur aux prix pratiqués dans les points de vente traditionnels ?” 0,43 euros à 0,76 euros (2,80 francs à 5 francs) pour un tirage 10 x 15 ?” mais les tirages effectués à partir d’un appareil numérique ou argentique sont généralement satisfaisants…Si le service proposé offre une valeur ajoutée à l’internaute, qui peut effectuer ses manipulations confortablement assis dans son fauteuil, est-il pour autant rentable ? A priori non, comme en témoignent les difficultés de ces jeunes pousses, fragilisées par une concurrence massive et un marché encore embryonnaire. La viabilité de leur modèle économique, qui repose sur la gratuité, reste encore à démontrer. Leur seule ressource provient de la marge calculée à partir des tirages photos et de la publicité. Or, le marché est encore confidentiel. Digibao, qui a fait le pari du tout numérique, annonce 3 000 tirages par jour, le pionnier Photoreflex annonce à peu près les mêmes chiffres. Photomania affiche plus de 134 000 tirages et une communauté de près de 5 000 membres… Des chiffres qui ne cessent de grimper mais qui restent encore marginaux. Sur les 120 millions de films développés par an, 2 % seulement seraient numérisés.
Les labos affûtent leur stratégie
” Nous sommes dans une phase d’évangélisation du marché. C’est à nous de défricher un terrain totalement vierge “, constate laconique, Patrick Berkhouwer, l’un des deux fondateurs de Photoreflex. Résultat : certains acteurs boudés par les investisseurs sont contraints de se diversifier. Pour l’éditeur du site grand public Picbull, c’est même devenu un impératif : ” Il y a trop de monde sur ce marché. Qui peut se payer une campagne de pub pour amener du trafic et rentabiliser le site ? Personne. Nous n’avons pas les moyens d’un Kodak ou d’un Fuji “, s’exclame Jérome Darsouze. ” Ces start-up n’ont pas d’avenir “, assène Alain Choquet, directeur du magazine professionnel Picturesnetgate.com…” Elles travaillent avec des minilab, n’ont pas de logistique ni de puissance industrielle “. À l’heure où les majors se préparent à investir sur la toile, l’avenir de ces pure players reste en suspens…Flairant un business potentiel, mais soucieux de ne pas cannibaliser leurs réseaux de distribution, les acteurs traditionnels articulent leur stratégie internet autour du modèle click and mortar. Que ce soient les laboratoires ?” Fuji, Kodak, Cewe Color, Spector ?” ou les chaînes de magasins ?” Photoservice, Phox, Photo Station ?”, le business model est à peu près le même : un site internet qui propose une prestation de travaux photos en ligne et la récupération de la commande dans le plus proche point de vente.Précurseur dans ce domaine, le site fujifilmnet.com comptabilise 200 commandes par jour. Néanmoins, la visibilité du site reste confidentielle et le laboratoire se montre peu disert quand à sa future stratégie. ” Nous ne sommes que l’interface des magasins de photo, avance le directeur des nouveaux marchés Olivier de Beaufort. Le numérique ne génère que 5 % de notre activité. “Plus ambitieux, Kodak procède par croissance externe pour s’imposer sur ce marché. Le laboratoire a annoncé récemment le rachat de la start-up californienne Ofoto, spécialiste des travaux photos en ligne, qui compte 1,2 million d’utilisateurs aux USA. “ Nous préférons racheter des compétences technologiques et un savoir-faire pour proposer de nouveaux services “, confie le responsable numérique Philippe Saffon. ” Aux USA, le marché est saturé, quelques centaines de start-up ont investi ce business pour s’éteindre aussi vite. Le modèle économique n’est pas rentable “.Et la stratégie de Kodak est sans appel : il facturera toutes les prestations proposées à l’internaute (archivage, création d’un album virtuel et bien sûr travaux photos). ” Certaines start-up nous suivent et commencent à faire payer ces services. En France, on y viendra, confirme Philippe Saffon. Nous avons des projets de partenariat dans l’Hexagone avec nos réseaux mais rien n’est officiel “.Une chose est sûre : le marché se développera réellement quand l’activité photo des Fnac, Carrefour ou Auchan basculera sur internet. Pour l’heure, la stratégie en ligne de Kodak à l’instar de celle de Fuji, se limite au cobranding avec des partenaires virtuels. Inutile d’inquiéter des clients bien réels et sourcilleux ! Kodak propose des services photos en ligne à Wanadoo, tandis que Fuji a annoncé un partenariat avec MSN.
Une migration irréversible
La politique de Spector, qui traite 20 millions de films par an, s’inscrit dans cette tendance. Le laboratoire a conçu le site web de l’un de ses clients, Phox, une coopérative de photographes. Les commandes contractées sur le site Phox sont sous-traitées au laboratoire dans l’un des 450 points de vente de l’enseigne.Même stratégie chez Photoservice, qui joue la complémentarité du click and mortar. Sans difficulté puisque l’entreprise est propriétaire de 220 magasins répartis dans toute la France. L’enseigne propose la visualisation et la commande de tirages en ligne avec envoi par La Poste ou réception dans l’un de ses points de vente. ” Nous y allons à petits pas à cause de l’investissement. Nous disposons d’un labo central, qui effectue les tirages numériques de tous les magasins, mais nous souhaiterions équiper chaque point de vente d’un minilab numérique, confie Jean Michel Constant. Certains magasins sont équipés en numérique mais n’ont pas internet !”. Car le paradoxe de ces points de vente traditionnels est bien là ! En témoigne l’enseigne Photo Station qui annonce à grand renfort de publicité sa volonté de démocratiser le marché du numérique à travers son site photostation.fr. Inutile de se connecter, le site ne fonctionne pas.En dépit des tâtonnements des acteurs traditionnels, la migration de certains services photos sur internet semble irréversible. Qui sera le grand gagnant de cette bataille ? La réponse vient peut-être de cet entrepreneur de la net économie : ” Demain, tous les majors seront sur internet. Marque, savoir faire, puissance industrielle et organisation logistique, ils sont capables d’aller vite et ont une force de marketing et de communication bien supérieure à la nôtre. Il ne restera que deux ou trois start-up et quelques grands acteurs traditionnels. À nous de durer le plus longtemps possible “, conclut le cofondateur de Photoreflex, Patrick Berkhouwer.
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