Le reflex est mort, vive… l’hybride ! Professée depuis un moment par les partisans de l’hybride, la passation de pouvoir entre les deux technologies s’est cristallisée en cette fin septembre 2018 à la Photokina de Cologne, le plus gros salon photo du monde.
La preuve de cette fin de règne se trouve dans les annonces : mis à part un appareil à capteur moyen-format signé Leica (le S3) réservé à un public très restreint (ce genre de boîtier coûte aux alentours de 20.000 euros), aucun constructeur n’annonce de reflex lors de cette édition. Quand, en face, dans le « camp » de l’hybride, c’est le déluge : entre le mois d’août et cette fin septembre, Canon, Nikon, Panasonic, Sigma et Fujifilm ont annoncés, à eux cinq, pas moins de huit boîtiers, qu’ils soient APS-C, plein format ou moyen format (sans même compter les appareils lancés depuis début janvier).
Et si Olympus et Sony sont restés cois, c’est pour éviter d’être noyés dans les annonces – Sony lance ses boîtiers à un rythme effrené (et aurait deux appareils sous la pédale) tandis qu’Olympus attend 2019 pour célébrer son centenaire en fanfare avec un boîtier haut de gamme.
Pour Yosuke Aoki, Vice President de Sony Europe en charge des gammes photo, « les nouvelles technologies chassent toujours les anciennes, c’est inéluctable ». Sans se désengager totalement des boîtiers de type reflex à monture A « pour lesquels nous allons toujours continuer de développer des optiques et, si le potentiel marché est là, des boîtiers », Sony voit le futur de la photographie en hybride, lui qui est devenu, en cinq ans, le poids lourd de l’hybride à capteur plein format sur lequel toute l’industrie se rue. Une situation qui n’inquiète pas le géant : « Nous avons l’habitude du challenge chez Sony et nous sommes des spécialistes des technologies de pointe », s’enorgueillit M. Aoki.
Un point validé par un responsable d’une marque concurrente qui préfère ne pas être nommé : « Les électroniciens que sont Panasonic et Sony ont l’habitude des changements rapides et des gammes qui durent une année, comme dans les téléviseurs par exemple. Le reste du monde de la photo, qui évoluait à un rythme plus lent, n’a pas réussi à démarrer aussi vite, à aller aussi loin dans la technologie. Mais les choses changent. », ponctue-t-il, pointant du doigt l’arrivée de Canon et Nikon dans le monde de l’hybride plein format, preuve que le marché est là.
Aujourd’hui, mais surtout demain. « Au début, le marché des hybrides que nous avons créé avec le premier Lumix G1 il y a dix ans était dans l’entrée de gamme », relate Yosuke Yamane, président de la division photo de Panasonic. « Mais petit à petit, les évolutions technologiques ont permis aux hybrides de rattraper les reflex. C’est à ce moment-là, il y a trois ans, que nous avons compris que c’était le bon moment (de renforcer les investissements, ndr) pour commencer à développer des hybrides plus professionnels (et donc leurs hybrides à capteurs plein format, ndr) qui allaient dépasser les reflex ».
Canon et Nikon pas (totalement) d’accord
Du côté des deux grands du monde du reflex que sont Nikon et Canon, le son de cloche quant à la mort du reflex est un peu différent. Si les deux géants disposent déjà d’hybrides grand public (Nikon 1 à capteur 1 pouce pour l’un et EOS M pour l’autre) et viennent de se convertir aux modèles pros à capteur 24×36 mm, ils n’enterrent pas encore le reflex.
Chez Canon, l’atout majeur qui donne un avantage de poids au reflex, c’est son viseur. « Les viseurs électroniques même très performants on toujours un temps de latence, contrairement aux viseurs optiques (des reflex, ndr), justifie Shingo Hayakawa, directeur de la division optique photo chez Canon. « Voilà pourquoi selon nous les reflex ont encore un avantage notamment dans la photo de sport ou d’action. » Une raison pour laquelle le nouvel EOS R n’est pas considéré comme un appareil professionnel par Canon ? « Tout à fait : il s’agit du premier boîtier d’un nouveau système, un boîtier de passionnés, d’experts. Notre premier hybride plein format professionnel devra avoir un viseur avec un temps de latence zéro, ou approchante », promet-il. Et semble oublier qu’un boîtier comme le Sony Alpha 9 se semble pas en souffrir, tout en offrant une cadence de rafale plus rapide que celle des reflex – 20 images par seconde ! Et ce sans passage au noir, ce qui est impossible avec un reflex à cause du miroir qui remonte.
Pour Nobuyoshi Gokyu, grand chef de la division photo de Nikon, « le reflex a encore des avantages sur les hybrides et les deux systèmes peuvent bien se compléter. Chacun d’entre eux a ses ses avantages. Les reflex sont, par exemple, plus solides et plus confortables ». Et quand on soulève l’hypothèse de la mort rapide au moins des reflex grand public, il nous arrête tout de suite : « dans l’entrée de gamme on arrive à proposer des reflex petits, légers et moins chers que les hybrides. Et c’est ce que privilégie le grand public, donc nous allons continuer d’en développer », avant d’ajouter, « mais nous nous adapterons bien sûr à la demande ».
Les chiffres mondiaux du marché parleront d’eux-mêmes, mais vu les tendances de ces trois dernières années, il est probable que les ajustements soient rapides… voire brutaux. Si les divisions optiques auront toujours du travail pour continuer de servir les énormes parcs de boîtiers installés – surtout chez Nikon et Canon – le besoin d’enrichir au plus vite les parcs hybrides a déjà changé les priorités.
Le vent a tourné et les industriels de la photo, enthousiastes ou forcés, ont les yeux rivés sur le juteux marché des hybrides. Les reflex restant dans les esprits, selon les marques, un bon ou un mauvais souvenir.
Mais une page se tourne.
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