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Peu à peu, Dell transforme ses partenaires en concurrents

PC, serveurs, imprimantes, ” racks ” de stockage, Dell devient généraliste de l’informatique, et perd ses amis.

“Si les taux de croissance annuels de 20 à 30 % appartiennent désormais au passé, nous n’en avons pas encore fini avec ceux évoluant sous les 10 %. Mais nous estimons pourtant que nous pouvons poursuivre notre croissance et pénétrer de nouveaux marchés en améliorant modestement nos marges bénéficiaires dans une économie au ralenti.” Ces propos de Kevin Rollins, président exécutif de Dell Computer, datent du mois de mai dernier. Force est de constater aujourd’hui que les perspectives du bras droit de Michael Dell étaient fondées.Dans un marché atone, embourbé et dénué de toute dynamique, le groupe réussit à creuser l’écart avec ses concurrents. Mais cette recherche impérative, vitale, de nouveaux gisements de croissance dictée par la léthargie frappant le marché de la micro-informatique génère des effets pervers.Depuis quelques mois, ceux qui comptaient parmi les partenaires fidèles du groupe texan claquent la porte les uns après les autres. Exit Hewlett-Packard (HP), ciao Cisco, bye bye 3Com… Difficile, en effet, de tisser des liens commerciaux, marketing ou industriels avec un groupe qui, de partenaire hier, se découvre aujourd’hui concurrent. “Les relations que nous entretenons avec nos fournisseurs s’en trouvent naturellement remises en question, mais il n’y a aucune paranoïa à ce sujet”, tranche Emmanuel Mouquet, directeur marketing de Dell en France.De fait, au fil du temps, l’offre du constructeur s’est considérablement étendue. PC, portables, stations de travail, serveurs, unités de stockage, imprimantes, routeurs, commutateurs de réseau, assistants personnels… rien n’arrête le groupe d’Austin (Texas) qui applique à chaque nouvelle cible les principes de son modèle économique : vente directe, politique tarifaire agressive, maîtrise rigoureuse des flux logistiques… et des coûts. Un exemple parmi d’autres : en 1986, Dell se lance dans la vente de serveurs. Aujourd’hui, le groupe est numéro 2 mondial après HP avec 18 % de parts de marché !

Dans le pré carré d’HP

Or, au printemps 2002, les rumeurs se sont faites insistantes. Dell veut s’attaquer aux imprimantes, le pré carré de HP qui maîtrise près de 60 % du secteur dans le monde. Inacceptable pour Carly Fiorina. En juillet, la patronne du fabricant de Palo Alto met fin à huit années de collaboration. “Le cas HP est particulier, explique Emmanuel Mouquet. Ce groupe est clairement notre principal concurrent [depuis la fusion avec Compaq, ndlr].” De fait, dans la micro-informatique, Dataquest estime que les deux firmes contrôlaient chacune 15 % du marché mondial à l’issue du second trimestre 2002. À une nuance près, cependant : l’an dernier, à la même époque, Dell disposait de 13 % du marché face aux 18 % de HP. CQFD. Le 24 septembre dernier, Dell annonce la signature d’un accord de partenariat avec Lexmark, numéro 2 mondial du marché de l’impression. Lexmark fabriquera imprimantes et cartouches sous la marque Dell. Le divorce est consommé et la stratégie évidente : attaquer HP là où ça fait mal. Les systèmes d’impression constituent son premier poste de revenus (43 % du chiffre d’affaires en 2001), dont une large part est assurée par les seuls consommables (encre et toner).“Quand un client achète une imprimante jet d’encre, il paye au cours de la vie du produit trois à cinq fois le coût initial de la machine en consommables et de deux à trois fois dans le cas d’une imprimante laser. À cet égard, nous pouvons apporter quelque chose de nouveau au marché”, estime Emmanuel Mouquet, conscient que, là aussi, le groupe devra faire ses preuves. Une certitude : Dell, absent des circuits de distribution, devra innover en matière de mode de vente de consommables. Sollicités en fin de semaine dernière, les responsables de HP en France n’ont pas souhaité répondre à nos questions. Il n’empêche. D’autres pourraient bien rejoindre la cohorte des ex-partenaires du groupe texan. L’arrivée de Dell dans le monde du stockage est assez récente, deux à trois ans tout au plus. Depuis un an, le groupe a passé un accord avec EMC, leader mondial du secteur, pour vendre conjointement des solutions de stockage sur serveurs. Ce faisant, Dell acquiert de nouvelles compétences et récupère l’essentiel de la valeur ajoutée. D’ailleurs, pour Toni Sacconaghi, analyste de Sanford Bernstein & Co, l’accord semble bien plus avantageux pour Dell : “Dans le cadre de ce partenariat, EMC risque de voir ses marges diminuer de 55 %”, estime-t-il. Les ambitions de Dell dans le stockage pourraient bien demain faire de lombrage au numéro 1 mondial du secteur.

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Gilles Musi