18 août 2004, 6 heures du matin. La police judiciaire débarque au domicile de Monsieur B. Elle saisit son matériel informatique. L’homme est interpellé. On lui reproche d’avoir téléchargé plusieurs centaines de fichiers
musicaux sur les réseaux de peer to peer au cours des années 2003 et 2004.La mésaventure de Monsieur B. fait suite à la vingtaine de plaintes déposées au début de l’été par la société civile des producteurs phonographiques (SCPP). Tout comme la RIAA, aux Etats-Unis, les maisons de disques et les producteurs
français veulent faire des exemples afin de dissuader les internautes qui fréquentent les réseaux peer to peer. Le procès de Monsieur B. doit avoir lieu en décembre prochain. Selon le nouveau code de la Propriété
intellectuelle, il risque jusqu’à 300 000 euros d’amende et 3 ans de prison. Monsieur B. pourrait en outre perdre son poste d’enseignant à la suite de ce jugement, un casier judiciaire étant incompatible avec la fonction publique.Son avocate, Maître Murielle Cahen précise : ‘ Mon client ne faisait pas de commerce. C’est un musicien ! Il téléchargeait de la musique pour son usage
personnel. ‘ La ligne de défense de l’avocate devrait également reposer sur l’ambigïté de la communication des FAI (fournisseurs d’accès à Internet) dont ‘ la
publicité pour les abonnements haut-débit a longtemps reposé sur le téléchargement ‘.
Refus de la ‘ criminalisation excessive ‘
Monsieur B. se retrouve aujourd’hui au c?”ur de débats qui le dépassent. Il reçoit des soutiens inattendus tant du monde politique que des ayants droit. Le député PS de la Nièvre, Christian Paul, en appelle à la légalisation du
peer to peer et s’insurge contre ‘ la croisade moyenâgeuse engagée contre les internautes ‘.De leur côté, les sociétés civiles des artistes interprètes, l’Adami et la Spedidam, font cause commune avec les associations de consommateurs (Confédération du logement et du cadre de vie, l’Union nationale de l’Association des
familles, l’UFC-Que Choisir). Dans un communiqué elles condamnent ‘ ces actions brutales et disproportionnées ‘.Jean-François Dutertre secrétaire général de l’Adami se défend d’instrumentaliser le cas de Monsieur B. : ‘ C’est plutôt la SCPP qui cherche à faire un exemple. Ce n’est pas que nous soutenions le piratage
des ?”uvres, précise t-il. Mais nous condamnons cette criminalisation excessive du peer to peer qui ne s’accompagne d’aucune proposition pour sortir de cet imbroglio. ‘
L’Adami, qui reçoit une partie de la redevance au titre de rémunération pour copie privée, milite pour la mise en place d’une redevance sur le téléchargement. Elle envisage également d’autres pistes comme la signature d’un accord contractuel entre
les ayants droit et les consommateurs, dans lesquels ces derniers s’engageraient à verser une redevance, non pas sur le téléchargement mais sur le partage de fichiers.Julien Dourgnon, chargé de mission à l’UFC-Que Choisir partage le même avis : ‘ Si le droit n’est plus adapté aux us et coutumes de l’univers du numérique, il faut le modifier. Il faut réfléchir sur la
licence légale, plutôt que de stigmatiser un bouc-émissaire. ‘ L’association pourrait même intervenir directement dans l’affaire judiciaire en cours via une procédure permettant à un tiers d’apporter des documents en vue
d’éclairer le débat.Association de consommateurs et ayants droit devraient avoir bien d’autres occasions de s’opposer. La SCPP prévoit en effet de dévoiler le bilan de cette première rafale de plaintes le 7 octobre prochain. Avant de sapprêter à en
tirer une autre.
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