De Napster à Intel, le peer-to-peer est devenu le dernier terme à la mode dans l’industrie informatique. Et cache une technologie qui se voudrait le modèle de développement de l’Internet du futur.
Un réseau où l’on partage tout. Où chaque poste connecté peut être à la fois ressource et consommateur. Telle est la promesse de la technologie peer-to-peer, tendance montante d’Internet. Littéralement ” d’égal à égal “, le peer-to-peer peut se définir comme le partage de ressources et de services informatiques par échange direct.Exemple typique, Napster, le chantre du MP3. Grâce à son logiciel, on ne télécharge plus ses fichiers sur le serveur d’un site Web, mais directement sur le PC d’un autre internaute.En soi, le peer-to-peer n’est pas une révolution. C’est ni plus ni moins que de l’informatique distribuée, et donc une réalité pour nombre d’entreprises. Rien de plus banal pour une multinationale que de faire effectuer par ses ordinateurs inutilisés la nuit, des opérations demandées par les informaticiens éveillés à l’autre bout de la planète.La nouveauté du phénomène réside dans la taille du réseau utilisé aujourd’hui : Internet. On ne parle plus ici de milliers de PC, mais de millions. Et avec eux de quantités phénoménales de ressources inutilisées. Un exemple, SETI@Home. Jamais programme informatique n’aura bénéficié d’autant de puissance que celui-ci. Mis au point par l’université californienne de Berkeley, SETI@Home exploite la puissance de millions de PC connectés à Internet et qui en sont équipés pour analyser des données recueillies à travers l’espace dans l’espoir de trouver des signes de vie extraterrestre.Il divise un calcul en microtâches qu’il fait effectuer par des postes inactifs, ici au moyen des programmes insérés dans des économiseurs d’écran. Au total, 1,6 million de PC moulinent en permanence ces microtâches, engendrant une puissance de calcul estimée à 10 teraflops par les créateurs du projet. Et nous sommes encore loin de toucher les 300 millions d’internautes que compte le Web.Pour Napster, l’autre succès du peer-to-peer, ainsi que pour Gnutella, la ressource rare n’est plus la puissance mais le Mo. Il s’agit de profiter des méga-octets libres sur un disque dur et de les mettre à disposition non plus de quelques amis sur un réseau local, mais de l’ensemble des internautes intéressés. Là encore, Napster n’a pas inventé le partage de fichiers, il ne fait que l’appliquer aux dimensions d’Internet. Et il serait devenu la référence du peer-to-peer s’il ne s’était pas engagé sur les terrains marécageux du MP3.Gnutella, successeur potentiel de Napster, tente d’ailleurs d’échapper à cette image, en développant un successeur, Gpulp, aux ambitions bien plus larges que l’échange de fichiers pirates (lire l’encadré ci-dessous).
Quand le partage se fait commerce
Au-delà de ces grands noms, le succès du peer-to-peer peut aussi se mesurer à l’agitation qui l’entoure. D’un côté Intel, qui s’engage dans un vaste effort de lobbying pas désintéressé, en créant le Peer-to-Peer Working Group (lire l’encadré ci-dessous). De l’autre, sans doute plus important, une multitude de start-up qui développent et proposent des solutions reposant sur cette technologie.Ainsi, Distributed Sciences, Applied Meta Computing et United Devices (qui a embauché un des fondateurs de SETI@Home, David Anderson) comptent proposer des applications d’informatique distribuées par Internet aux entreprises. Clip2.com tente de créer des communautés d’internautes en utilisant les technologies Gnutella. Et la liste s’allonge chaque jour.La frénésie des jeunes pousses a également attiré les pères fondateurs du peer-to-peer. Gene Kan, porte-parole officieux de Gnutella, tentera de commercialiser les technologies de ce protocole par le biais de sa société, Infrasearch. Même Ian Clarke, fondateur du réseau libertaire Freenet, s’est laissé prendre au jeu de la start-up en créant Uprizer, société chargée de trouver des applications commerciales à Freenet (lire notre interview ci-dessous).Dans ce domaine, chacun rêve de devenir le Yahoo! du peer-to-peer, de créer le service incontournable de cette tendance. Napster et le SETI, avec plus d’un million d’utilisateurs ont une longueur d’avance. Le challenge pour tous c’est de canaliser les ressources des centaines de millions d’utilisateurs du Web.