Si vous n’avez pas suivi les riches péripéties du monde de la high-tech de l’année dernière, alors vous êtes peut-être passé à côté de l’annonce des AMD Threadripper. Des processeurs à plus de dix cœurs dont le prix relativement peu élevé – pour des puces de cet acabit – a quelque peu bousculé la donne sur le marché des CPU grand public. Une annonce qui a obligé le berger (Intel) à répondre à la bergère (AMD) avec des processeurs Intel Core i9 Extreme qui, eux aussi, sont bardés de cœurs.
Les hostilités ont été ouvertes dans le courant du printemps, se sont intensifiées durant les conférences AMD et Intel du Computex 2017 et se sont achevées entre la mi-août et la fin septembre. Une période qui marque la sortie des Threadripper et d’une partie des puces Intel. Les modèles les plus prestigieux du fondeur bleu ne sont arrivés que fin septembre.
Quoi qu’il en soit, Dell a été le premier constructeur à annoncer qu’il embarquerait toutes ces puces de calcul exceptionnelles dans ses machines de bureau Alienware. Des PC qui incarnent toujours pour beaucoup de joueurs la quintessence de la puissance informatique et de la démesure mis au service du jeu vidéo.
Deux rois de(s) cœur(s) dans l’arène
Les Alienware Area-51 sont des machines de rêve, de celles qui font se recroqueviller le portefeuille d’une grande majorité de joueurs et grippent n’importe quelle fermeture métallique de porte-monnaie. Nous ne représenterons pas le boîtier en détail, ni les avantages et inconvénients de ce dernier. Pour cela, nous vous invitons à parcourir nos précédents tests de la machine.
Dans le coin droit du ring, la machine en AMD Threadripper, composée d’un 1950X (16 cœurs, 32 threads, 3,3 GHz de base/ 4 GHz en Turbo) watercoolé, de 64 Go de mémoire DDR4 (2666 MHz), un SLI de GeForce GTX 1080 Ti, 1 To de SSD (M.2) et 2 To de disque dur.
Dans le coin gauche, l’Area-51 Core i9 Extreme. Là, c’est un Core i9-7980XE (18 cœurs, 36 threads, 2,6 GHz de base / 4,2 ou 4,4 GHz en Turbo), également refroidi à l’eau, 32 Go de mémoire DDR4 (2400 MHz), un SLI de GeForce GTX 1080 Ti, et 512 Go de SSD (M.2) qui sont à l’œuvre. Le peu de stockage présent explique la note Equipement un peu basse.
Dans les deux boîtiers se trouvent les mêmes ventilateurs, les mêmes cartes graphiques (voir notre encadré plus bas) et des dissipateurs à eau pour les deux processeurs.
La machine AMD fait le bruit d’une turbine d’avion dès que l’on commence à titiller les composants. Nous avons relevé jusqu’à 57,9 dB en stress absolu, c’est tout simplement insupportable. La machine Intel, elle, ne dépasse jamais les 37 dB. Nous avons bien essayé toutes les astuces de notre répertoire pour la faire hurler mais rien n’a fonctionné.
Précisions aussi que les deux machines sont alimentées par un bloc de 1500 watts. Une puissance démesurée puisqu’elles ne consomment jamais plus de 700 watts selon nos mesures. Cela laisse toutefois « de quoi voir venir ».
Qu’il s’agisse de la plateforme Intel ou AMD, la connectique disponible en face avant et à l’arrière du boîtier est exactement la même. En tout, ce sont 12 prises USB (2 x USB 2.0, 9 USB 3.0 et 1 x USB Type-C), deux prises réseau Gigabit, 8 connecteurs audio (dont un S/PDIF), un lecteur de carte mémoire SD, sans oublier un module Wi-Fi n/ac (et Bluetooth) qui sont à disposition.
Le décor est planté, les protagonistes en place, passons aux choses sérieuses.
Puissance de calcul : le Core i9 s’impose
Si l’on compare les scores obtenus par chacune des deux machines sur nos tests divers, le modèle Intel reste en tête dans plus de 95% des cas.
Certes, la puce bleue a deux cœurs/quatre threads de plus que le Threadripper d’AMD mais sa fréquence globale est moins élevée de 600 MHz. Ce qui ne l’empêche pas d’être la plus puissante.
Le Threadripper, pour sa part, est épaulé par deux fois plus de mémoire vive. Mémoire qui est aussi plus véloce (2666 contre 2400 MHz). Mais cela ne suffit pas à faire la différence.
Pêle-mêle, voici un florilège de quelques résultats analytiques assez parlants : dans PC Mark 8 Home (scénario d’utilisation de tâches classiques), le Threadripper marque 3541 points contre 4332 pour le Core i9.
Sur la nouvelle version de PC Mark (la 10), le test Digital Content Creation (encodage vidéo, retouche photo, etc.) affiche 9154 points pour le Core contre 7629 pour le Threadripper.
Toujours pas convaincu par l’avantage d’Intel sur des applications qui mobilisent fortement les coeurs ? D’accord, faisons tourner le test Cinebench 15, qui sollicite au choix, une seule ou toutes les unités de calcul.
- En rendu 3D OpenGL, le processeur Intel génère 147 images par seconde contre 89,8 ips pour le Threadripper.
- En rendu statique multicoeurs, la machine AMD marque un score de 2861 points, la machine Intel s’impose d’une toute petite tête, avec 2951 points.
- En revanche, sur le rendu monocoeur, le Core i9 frappe très fort avec 176 points, contre 141 pour le Ryzen.
Jeux vidéo : beaucoup d’images par seconde générées…
Dans un registre plus vidéoludique, nous avons été très surpris de constater que la machine Intel marquait 138096 points sur le test Cloud Gate Graphics contre 93737 inscris par sa concurrente.
Dans nos jeux de test, la tendance ne s’inverse pas du tout ! Pour incarner les jeux un peu anciens, Dirt 3. Que ce soit en Full HD comme en 4K, la machine Threadripper se maintient à plus de 150 images par seconde. Confortable. L’Area-51 Intel, lui, développe 100 images par seconde de plus en moyenne. Ouch !
Prenons des titres plus récents. Dans The Division ou encore Rise of the Tomb Raider. Ici, les différences sont bien moins marquées mais restent présentes.
En DirectX 11 et 12, les aventures de la belle Lara Croft s’affichent à hauteur de 80 et 114,3 ips en Full HD avec la machine AMD et entre 96,9 et 143,1 ips sur le PC Intel.
Quand on monte la définition de l’écran en 4K, les scores obtenus sont respectivement 76,5/98 et 77,8/103 ips.
Dans The Division, toujours en Full HD, l’Alienware Intel affiche entre 148 et 160 ips, soit 30 et 35 images par seconde de plus en moyenne que son frère battant pavillon rouge.
En 4K, les écarts sont bien moins marqués mais présents : entre 82,8 et 96 ips pour l’AMD et 94 et 97 ips pour l’Intel.
Honnêtement, nous nous attendions à ce que les deux machines soient au coude-à-coude puisque la puissance graphique à disposition est la même. Toutefois, cela confirme les conclusions formulées lors de nos tests des Ryzen 7, qui ont exactement la même architecture que les Threadrippers. Ces puces AMD ne sont pas d’excellentes joueuses !
… mais pas autant que prévu !
Enfin, nous nous sommes amusés à comparer les résultats obtenus avec notre plate-forme de test de cartes graphiques, équipée d’un “simple” Core i7-6700K à quatre coeurs/8 threads cadencés à 4 GHz, 16 Go de mémoire DDR4 et d’une seule GeForce GTX 1080 Ti. Précisons d’ailleurs qu’avec un Core i7-7700K, les résultats ci-dessous sont sensiblement les mêmes.
Dans The Division, réglé de la même façon, les scores s’établissent comme suit : 127 à 140 ips moyen en Full HD. Et 52 à 64 ips en 4K. Avouez que ces chiffres ne sont pas si éloignés de ceux relevés sur les deux Alienware – surtout le Core i9 – en Full HD. Il n’y a qu’en 4K que la différence est nette. Et encore, nous nous attendions à bien mieux.
Faut-il craquer ? Notre avis sur la question
Est-il utile d’avoir autant de cœurs pour bien jouer ? Première bonne question. La réponse est non. Même si de plus en plus de jeux arrivent à exploiter plus de quatre cœurs en même temps, peu d’entre eux savent en exploiter 16 ou 18. Parmi les derniers jeux sortis fin d’année dernière et très gourmands en unités d’exécution CPU, nous pourrions mentionner Assassin’s Creed Origins d’Ubisoft qui, d’après nos confrères allemands de ComputerBase, est très “CPU sensible”. Est-ce un réel besoin du jeu ou sont-ce les ressources requises par le système de protection (VMProtect) qui le demandent ? Le mystère plane toujours.
Est-il utile d’avoir autant de cœurs pour jouer et streamer en même temps ? Deuxième bonne question. La réponse est oui ! Sans carte spécialisée dans l’acquisition ou la diffusion (et/ou une seconde machine dédiée), le fait d’avoir une multitude de cœurs permet de jouer sans saccade ni baisse de niveau graphique sur votre propre machine, tout en envoyant un flux en 720p ou en 1080p débitant entre 30 et 60 images par seconde de façon constante. Notre confrère de Jeuxvideo.com s’est employé à mettre les Threadripper et les Core i9 à l’épreuve et les résultats parlent d’eux-mêmes (seconde moitié de page) : ce sont des véritables bêtes de streaming.
Peut-on jouer à tous les jeux possibles et imaginables en 4K avec ces Area-51 ? La réponse est oui, sans souci. Mais, entre nous, ce n’est pas la peine d’investir autant pour se faire plaisir en Très Haute Définition !
Pour la moitié du prix demandé par Dell, un PC gamer qui tient vraiment bien la route pour afficher 3840 par 2160 pixels à 60 images par seconde, avec plein de détails, se trouve chez les assembleurs réputés de nos contrées.
Dès que vous avez une GeForce GTX 1080 Ti dans l’équation (ou mieux, une Titan Xp), c’est presque gagné. Pour le processeur, un Core i7-7700K ou 8700K de chez Intel ou un Ryzen 5 1600X ou un Ryzen 7 1700X chez AMD feront tout à fait l’affaire.
En revanche pour jouer sur un ou deux écrans Full HD ou 1440p, à fond, le SLI peut avoir son intérêt. Un usage de niche qui mise sur une technologie que l’on sait – d’expérience – capricieuse et pas toujours très stable.
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