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Passerelle entre le système interne et l’extérieur

Malgré une conjoncture défavorable, la place de marché privée semble avoir de beaux jours devant elle. Il pourrait s’agir de la pierre angulaire du système d’information de l’entreprise.

Sujet de toutes les conversations il y a encore quelques mois, le vocable de “place de marché” est tombé en disgrâce aussi rapidement qu’il était parvenu au faîte de la mode. Cette notion a ainsi été rejetée sans discernement des types de solutions qu’elle recouvre. Il y en a principalement trois: les places de marché publiques, sortes de grands bazars virtuels; les consortiums, qui rassemblent des grands acteurs d’un secteur d’activité; et les places de marché privées. Ce sont les deux premiers qui ont monopolisé l’attention médiatique et leurs déboires ont jeté le discrédit sur l’appellation. Du coup, malgré un principe différent, les troisièmes souffrent, a priori, de la même défiance de la part des entreprises.

Passerelle entre le système interne et l’extérieur

Pourtant, nombre d’entre elles en ont la préoccupation sans en connaître ou utiliser le terme. Qu’une entreprise souhaite ouvrir un site web où ses clients pourraient suivre leurs en-cours, ses fournisseurs connaître l’évolution de ses stocks, ses sous-traitants s’informer de l’évolution des prévisions de vente pour affiner leurs plannings de production, et elle n’envisage pas autre chose que la création d’une place de marché privée. Les appellations ont leur mode, et cette dénomination peut parfois évoquer un simple rhabillage des notions plus anciennes d’extranet ou de portail. Dans tous les cas, il s’agit de diffusion d’information entre l’entreprise et ses partenaires commerciaux, en utilisant pour cela une technologie internet. Mais la place de marché privée ajoute à ces notions antérieures une dynamique d’échange, des concepts de gestion et de processus: on dépasse alors l’information pour proposer en plus une fonction, afin d’impliquer le partenaire dans la gestion de son rôle vis-à-vis de l’entreprise.La place de marché privée devient ainsi un réel outil de gestion, ouvert et délocalisé. De la même façon que le progiciel de gestion intégré (PGI) constitue le socle du système d’information interne, elle est susceptible de fédérer autour d’elle les différentes applications relevant de la collaboration interentreprises. Le rapprochement va même plus loin, car dès lors qu’un système traite plusieurs entités de gestion, on se retrouve dans la nécessité d’appliquer des règles ou d’effectuer des arbitrages – des problématiques qui relèvent typiquement du domaine fonctionnel d’un PGI. “Lorsque nous présentons notre produit, un certain nombre de prospects pensent que c’est un progiciel de gestion intégré !”, souligne Charles Ganem, président du directoire d’Exponentiel Technologies. On peut alors dire que la place de marché privée s’apparente à une sorte de PGI pour l’entreprise étendue, un référentiel de gestion des relations externes dans une organisation où une partie des responsabilités est dévolue aux différentes entités.Dans ces conditions, cette structure présente trois intérêts principaux pour l’entreprise : elle est le lieu naturel de la collaboration, mais aussi une réponse au besoin de consolidation de l’informatique des groupes, et une passerelle entre le système interne et le monde extérieur. “Aujourd’hui, le souci des clients est de fonctionner en réseau avec leurs partenaires en amont et en aval de la cha”ne de valeur”, analyse Philippe Michel, responsable des solutions e-business chez Intentia.

Réaliser les économies d’échelle annoncées

Or, jusqu’à présent, pour fonctionner en réseau, on utilisait l’EDI (échange de données informatisé) ou le fax et le téléphone. Le premier est un outil efficace mais lourd, rigide et ne convenant qu’à des échanges d’informations structurées. Les seconds sont des moyens manuels et donc faillibles et coûteux en temps. Sous la forme des places de marché privées, internet apporte une réponse intermédiaire, offrant la possibilité d’échanger une plus grande variété d’informations et, par exemple, d’automatiser des tâches de validation ou d’éviter d’incertaines ressaisies. En outre, la souplesse de la technologie et le référentiel de données et de règles ainsi constitué permettent d’envisager la place de marché comme un point d’entrée unique pour le partenaire dans sa relation avec l’entreprise et sur lequel sont susceptibles de venir se greffer, comme des modules, différentes applications spécialisées.Sans sous-estimer les problèmes d’intégration ou de sécurité liés à ce type de solution, la place de marché privée apparaît alors comme un vecteur de fluidité, de qualité, de productivité et d’intégration pour l’ensemble de l’écosystème de l’entreprise. Celui-ci est non seulement constitué des partenaires extérieurs à l’entreprise, mais aussi de ses différentes entités dans le cas d’un groupe. “La place de marché privée permet à un groupe d’être présent en un seul lieu, et d’y intégrer ses flux de gestion”, poursuit Philippe Michel. Elle permet alors de répondre à un besoin fréquemment exprimé de consolidation de l’information tant au niveau de la demande que de l’offre, et donc de réaliser plus facilement l’objectif des “économies d’échelle” souvent évoqué lors de fusions. Par ailleurs, une telle solution a l’avantage d’être indépendante d’une refonte des différents systèmes d’information du groupe. La place de marché privée se comporte alors comme un “meta PGI”, chapeautant les systèmes d’information des différentes entités.Enfin, si fonctionnellement on retrouve des aspects propres au PGI, techniquement la place de marché privée pourrait être envisagée comme une passerelle vers le monde extérieur – entreprises ou autres places de marché, par exemple : “Elle est le point de communication entre l’intérieur et l’extérieur de l’entreprise, de la même façon qu’une banque nécessite une salle des marchés afin de se connecter aux différentes Bourses”, estime Jean-François Cazenave, directeur général d’Hubwoo. La place de marché est alors complémentaire du progiciel de gestion intégré de l’entreprise avec lequel la nécessaire intégration n’est effectuée qu’une fois.

La technique ne règle pas toujours tout

Cependant, cette description idéale s’appuie essentiellement sur une vision technique. Or, comme dans le cas d’un PGI, la solution affecte les processus, et va donc bien au-delà de l’informatique. “La grande illusion est de croire que la technique permet tout. Administrer le système est difficile, gérer tous les processus chez et avec les partenaires est problématique, renégocier l’ensemble des relations est gigantesque”, estime Jean-François Cazenave. C’est pour cela que les entreprises doivent rester prudentes quant à l’ampleur de leurs projets dans ce domaine et à leurs prévisions de retour sur investissement. Une approche serait de commencer par travailler sur des processus simples comme les achats hors production et avec quelques partenaires privilégiés. Car, comme lors de l’apparition des progiciels de gestion intégrés, il n’est pas inutile de rappeler qu’il y a souvent loin de la vision à la mise en ?”uvre.

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Jean-Baptiste Dupin