Une bataille de chiffonniers. Le 18 juillet dernier, Microsoft a fait savoir qu’il n’intégrerait Java, un langage créé par Sun, ni dans Windows XP, ni dans la version 6.0 d’Internet Explorer. Du coup, jeudi 9 août, Sun s’offre trois pleines pages dans le New York Times, le San Jose Mercury News et le Wall Street Journal.Sous le titre ” Java Technology : Freedom of Choice “, Sun y mène une attaque en règle contre la décision de Microsoft : ” Alors, pourquoi Microsoft procède-t-il de la sorte ? Parce que Microsoft veut contrôler l’innovation et l’ouverture que la technologie Java promet.
N’acceptez pas de logiciel qui ne soit pas ouvert. Le choix doit vous appartenir. Exigez que Microsoft intègre la plate-forme Java à son système d’exploitation XP. Et exigez que les vendeurs de PC comme Dell, Compaq, Gateway, IBM et HP intègrent la plate-forme Java sur leurs systèmes “.En réponse à cet appel à la mobilisation des utilisateurs de technologies Java, lancé par Sun, Microsoft réplique jeudi 16 août, lors d’une conférence de presse où un porte-parole de l’entreprise qualifie l’attaque d'” hypocrisie sans précédent “, déclarant : ” Sun a fait passer sa machine marketing à la vitesse supérieure contre Windows XP, en prétendant que Microsoft a fait du tort à Java, et aux utilisateurs, en n’incluant pas la machine virtuelle de Microsoft dans Windows XP.”.
Pas de réelles conséquences pour l’entreprise
Pourtant, à bien y regarder, la présence ou l’absence de JVM (machine virtuelle Java) dans Windows XP ne semble pas justifier, du moins pour des utilisateurs professionnels, tout ce tintamarre médiatique.” La plupart des entreprises qui utilisent aujourd’hui un serveur d’applications Java sur Windows NT ou 2000 exploitent une machine virtuelle Sun et non pas la machine virtuelle fournie par Microsoft, explique Pierre-Olivier Chottard, directeur marketing Europe du Sud de l’éditeur BEA. Bien entendu, si Windows XP ne comporte pas de JVM, ce sera très gênant pour la diffusion de Java, pour sa notoriété, mais ça ne changera pas grand chose au fonctionnement actuel. “Chez Alphacsp, une SSII spécialisée dans les technologies J2EE (Java 2 Enterprise Edition), même son de cloche. ” Cette mesure est sans conséquence côté serveurs. La majorité des plates-formes J2EE sont livrées avec une JVM imposée par l’éditeur, celle de Sun, celle d’IBM ou une autre, explique Arnaud Ladrière, directeur technique d’Alphacsp. Personne n’utilise la JVM native de Microsoft.Du côté du client les conséquences sont aussi très limitées. Seulement 3 % des sites Web ou des applications comportent des applets qui exigent une exécution sur la JVM du client. L’application Java à laquelle on accède depuis un navigateur reste très limitée, et dans une majorité de déploiements d’entreprise, l’administrateur préfère fournir aux utilisateurs une JVM adaptée au kit de développement Java utilisée pour l’application. C’est donc surtout une bataille de communication.”Une bataille de communication d’autant plus féroce qu’avec .NET et son langage objet C#, Microsoft entend se doter d’une plate-forme directement concurrente de Java. Et choisit donc logiquement de rompre totalement avec le langage de Sun.
Mais qui assurera le support des JVM ?
Ceci étant, le désengagement d’un acteur aussi omniprésent que Microsoft vis-à-vis des technologies Java ne saurait être totalement sans conséquence.” Je m’inquiète surtout pour le support, nous confie le représentant d’un éditeur qui souhaite garder l’anonymat. En cas de problème avec un serveur d’applications J2EE, une plate forme Windows XP et une JVM de Sun, à qui va s’adresser l’entreprise ? Pas à Microsoft, bien entendu. Alors à Sun ? Oui, mais Sun fournit ses JVM gratuitement, et assure un support tout aussi gratuit. Devant le désengagement de Microsoft, Sun continuera-t-il à assurer tout seul ce service correctement, et sans être tenté de le faire payer ? “Arnaud Ladrière ne partage pas totalement ce point de vue : ” Microsoft ne va pas soutenir Java s’il n’en tire aucun bénéfice. Ceci étant, aujourd’hui c’est l’éditeur d’applications qui assure le support de la JVM, beaucoup plus que l’éditeur du système d’exploitation. Le désengagement de Microsoft ne va rien changer à ça “.Mais il ajoute ” Je suis plus inquiet pour l’avenir de Java. Microsoft est solidement ancré sur le marché des clients. Si Java évolue dans le sens d’une plus grande importance de l’exécution sur le client qu’aujourdhui, les machines Windows ne seront pas nativement compatibles. Cela pourrait nuire à Java. “
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