C’est la saison. Con-so-mmez, et consommez techno bon sang ! Les gros cerveaux du marketing, merci Internet, ont de l’imagination pour concocter des super attrape-badauds. L’offre du jour ?” à prix sacrifié ?” n’a plus la cote ? Voici la braderie de l’instant. Vous ne connaissez pas ? C’est tout simple : à tout instant, un produit unique est proposé en ligne. Toutes les 20 secondes, le prix baisse d’un poil. Comme au poker, le premier qui clique sur ” Commander ” gagne le droit de payer.Contrairement au poker, on ne connaît pas ses adversaires. Impossible de scruter le visage de ses vis-à-vis pour deviner à quel prix les autres sont prêts à cliquer. Faut-il cliquer tôt ? Ouais, mais ça coûte cher. Faut-il se fixer un prix raisonnable et l’attendre ? Ouais, mais il y a toujours le risque d’un plus con que soi prêt à payer plus.Samedi dernier, je n’ai pas résisté à la tentation. Direction www.rushcollection.com, un site ” hyper mode ” qui fourgue des produits ” méga tendance “. Je suis tombé sur un pull pour femme couleur rubis, taille 2. C’est pas mes couleurs et un peu petit pour moi :-). Prix en magasin : 3 494 francs. A l’instant de ma connexion, il n’est qu’à 2 865 francs. OK, quasiment 3 kF le pull, c’est pas donné. Mais il a les poignets en fourrure et le col en dentelle ; pas le truc gris triste à manches trop longues que je porte en hiver.Et je suis en direct la chute du cours : 2 850, 2 845, 2 820 francs. Plus rapide que la descente du Nasdaq ! 2 775, 2 750 francs… Très vite, l’économie passe de 19 à 20, 21, 22 %. Pourtant, personne ne clique. Je me mets alors à fantasmer sur les nerfs d’acier des potentielles acheteuses ; l’index, orné d’un ongle vernissé parfait, crispé sur le mulot. Rien à voir avec les soldes des Galeries Farfouillettes où les mêmes se crêpent le chignon pour un rien.Les minutes passent, la chute continue. A 2 075 francs et 40 % d’économie, je décroche, poussé par un grand bâillement et une petite faim. Je reviens vers 20 h 45, après la dînette avec les enfants. On en est à 1190 francs. Et toujours pas la moindre acheteuse malgré les 65 % de réduction ! Là, je suis super impressionné. Soit elles ont décelé que la fourrure était du lapin imitation vison, soit la couleur ne convient pas aux belles.Soudain, l’enchère change. L’une des joueuses a enfin cliqué ? Pas si sûr. Si ça se trouve, le site refuse de brader le pull à 70 % de réduction. Imaginez ma frustration : quasimpent deux heures de traque et je ne sais rien de la conclusion de l’enchère. Damned ! Ce pull a-t-il été acheté, oui ou non ? (Merci, Madame, Mademoiselle de m’envoyer un mail, si c’est vous l’heureuse propriétaire.)Les petits gars de RushCollection ont encore du pain sur la planche. Est-ce si dur d’afficher un message du style : ” La précédente enchère, un petit pull rubis de chez Lolita Lempicka, a été adjugée pour 1180 francs au lieu des 3 494 francs en magasin. ” Ou encore : ” Le petit pull rubis tralala n’a pas trouvé preneur à 1150 francs. Prochaine mise en vente demain pour la deuxième (troisième, dizième, etc.) fois. “Evidemment, là, ça la fout mal. Signaler que le pull ” méga tendance “, tout le monde s’en tape (sur le Net le samedi soir, s’entend), le créateur risquerait une jaunisse. Tiens, en parlant de monde. J’aurais bien aimé savoir combien nous étions à suivre la fameuse braderie. C’est pas difficile d’afficher en permanence : ” En ce moment, il y a 5 (50, 500, 5 000) personnes connectées sur le site “. Bon, évidemment, si jétais le seul à suivre le film…Prochaine chronique le samedi 23 décembre
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