On connaissait l’amour d’Apple pour l’Irlande, on découvre aujourd’hui la récente idylle entre le créateur de l’iPhone et l’île de Jersey, située entre la France et le Royaume-Uni. Depuis 2015, Apple y a déménagé le domicile fiscal de deux de ses filiales internationales pour éviter la nouvelle fiscalisation irlandaise. Face aux révélations du consortium international des journalistes d’investigation dans le cadre des Paradise Papers, Apple a décidé de réagir. Sur son site, l’entreprise de Tim Cook réfute pratiquer l’évasion fiscale et déclare payer chaque dollar dû.
Taxe à 0%
En 2014, l’Irlande réforme son modèle fiscal sous la pression de l’Union Européenne et met fin aux avantages astronomiques dont bénéficiaient les entreprises étrangères. Cette politique dite du « double irish » permettait aux branches européennes d’Apple, établies à Cork depuis les années 80, de ne payer que 0,005% d’impôts sur les ventes étrangères dans le meilleur des cas. Des « avantages fiscaux jugés illicites » par la commission européenne qui avait condamné Apple à une amende record de 13 milliards d’euros en août 2016.
En décidant de rester en Irlande malgré la nouvelle politique fiscale, Apple se condamnait à taux d’imposition de 12,5% sur le long terme. Même si ce dernier restait préférable aux 35% du système fiscal américain, il aurait eu pour conséquence de réduire drastiquement les bénéfices de l’entreprise à l’étranger.
Face à la menace européenne sur ses avantages irlandais, Apple décide de contacter le cabinet international d’avocats Appleby basé aux Bermudes. C’est ce cabinet qui est, aujourd’hui, à l’origine des fuites des Paradise Papers. Apple envoie un questionnaire pour se renseigner sur les différents foyers fiscaux proposés, comme les Îles Vierges britanniques, les îles Caïmans ou encore… Jersey. Apple choisit finalement cette île et son taux d’imposition de 0% sur les entreprises étrangères, défiant toute concurrence.
« Rassurez-vous, il n’y a pas de démocratie là-bas »
Le plus embarrassant pour Apple dans les révélations des Paradise Papers reste sans aucun doute le questionnaire envoyé par la marque à Appleby. Les critères d’Apple ne concernent pas la fiscalité appliquée par l’île mais la nécessité d’éviter tout ennui politique. « La loi peut-elle évoluer d’une manière défavorable dans un futur proche ? » et « Existe-il un parti d’opposition crédible, susceptible de remplacer le gouvernement actuel ? » font partie des questions des avocats de Cupertino à Appleby, inquiets de voir une nouvelle administration retirer ses avantages à Apple. Le cabinet d’avocats les rassure : Jersey ne possède aucune taxe, aucune transparence et aucune démocratie. Idéal pour ne pas être remarqué.
Réponse d’Apple
Au lendemain des révélations du journal allemand Süddeutsche Zeitung et de la BBC, la marque est sortie de son silence pour répondre aux accusations dont il était la cible. « Apple croit que chaque entreprise a la responsabilité de payer ses impôts et, en tant que plus grand contribuable au monde, Apple paye chaque dollar qu’elle doit dans chaque pays du monde ». L’entreprise rappelle avoir payé plus de 35 milliards de dollars d’impôts ces trois dernières années et réfute pratiquer tout exil fiscal. Un chiffre qui s’explique majoritairement par le taux d’imposition de 35% auquel est sujet Apple aux Etats-Unis. En 2017, elle n’aurait payé que 1,65 milliard de taxes aux gouvernements étrangers malgré un bénéfice de 44,7 milliards. Un chiffre en totale opposition avec l’affirmation d’Apple selon laquelle 21% de taxes sont payées aux pays étrangers.
Selon Apple, le problème n’est pas de savoir si l’entreprise doit de l’argent mais plutôt de savoir à qui elle doit payer des impôts. Cupertino rappelle que la société est basée aux Etats-Unis et fabrique ses produits en Californie, et qu’elle juge donc légitime de payer la majorité de ses taxes aux Etats-Unis. Les plus observateurs remarqueront dans le communiqué d’Apple les nombreuses fois où la marque manifeste son attachement à l’économie américaine et son désir de rapatrier son trésor de guerre de 252 milliards de dollars sur le sol américain dès que la législation sera assouplie. Des petits compliments qui ont pour but de flatter l’administration Trump dont le projet d’abaisser l’imposition à 20% pourrait être mis en œuvre très prochainement.
Enfin, Apple se défend de l’idée selon laquelle le transfert de ses filiales étrangères à Jersey avait pour but de payer moins d’impôts en Europe. L’entreprise affirme au contraire n’avoir jamais payé autant d’impôts dans des pays comme l’Irlande qu’aujourd’hui. L’entreprise termine en rappelant qu’elle reste favorable à une réforme internationale de l’imposition afin d’empêcher l’actuelle « guerre entre les pays » pour savoir qui doit récupérer l’argent. Une réponse qui ne satisfera pas tout le monde.
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