La scène se déroule il y a environ deux ans. Michel Bon reçoit quelques journalistes au siège de France Telecom. Il leur explique la nécessité de grandir et énumère les besoins de son entreprise, accompagnés de leur évaluation. “Si j’additionne bien, lui fait remarquer l’un de ses interlocuteurs, vous vous apprêtez à dépenser 300 milliards de francs [46 milliards d’euros environ, ndlr] dans les mois qui viennent ?” Michel Bon a un petit geste de la main et avec un sang froid imperturbable, il répond : “C’est à peu près ça, oui.”L’ex-président de FT n’a pas, comme Chris Gent, le patron de Vodafone, eu la possibilité de payer ses acquisitions avec des titres de son groupe. Au plus haut de sa capitalisation boursière ?” au mieux de sa force ?” FT aurait pu, s’il n’avait pas eu les mains liées par l’État actionnaire, être le surdoué des télécoms européennes. Certes, le groupe s’est endetté à une époque où beaucoup pensaient qu’il fallait profiter de l’argent pas cher. Mais on voit aujourd’hui le côté sanitaire, hygiénique pour tout dire, lorsque l’on fait logiquement du paiement “papier” au plus haut du cours du titre.Aujourd’hui, la dette du groupe est irrattrapable. C’est ce qu’a dû admettre Michel Bon. L’actionnaire principal du groupe, l’État, va devoir mettre la main à la poche alors que ses rouages ont significativement contribué à planter FT dans le fech fech. Michel Bon n’est pas le seul à ne pas avoir prévu un retournement aussi brutal de la situation économique. Oui, il a péché par manque de prudence. Il laisse néanmoins à son successeur une entreprise extraordinaire de potentiels sur ses différents marchés. Les lignes sont lancées, les filets et les casiers répartis. Les futures pompes à cash de FT, Orange et Wanadoo en tête, vont elles aussi connaître le haut débit en données sonnantes et trébuchantes. Un jour proche, le nouveau patron du groupe français, qui aura vu les dettes de son prédécesseur effacées d’un délicat coup de baguette magique, pourra à nouveau faire jeu égal avec Chris Gent et l’entreprise britannique en profitant de la stratégie passée de Michel Bon. Cette “politique” était bien, selon Roger Fauroux, ancien ministre de l’Industrie et ex-patron de Saint-Gobain, démissionnaire solidaire du conseil d’administration de France Telecom, ” la seule possible “.
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