Le premier des appareils photo hybrides c’est lui, le Lumix DMC-G1. Lancé par Panasonic lors de la Photokina de Cologne de 2008, c’est cet appareil qui a ouvert la voie aux appareils à optiques interchangeables, appelés aussi hybrides, qui ont largement supplanté les reflex ces dernières années.
Face aux vénérables institutions que sont Canon, Leica et les autres, Panasonic et sa filiale Lumix ont pu, sans héritage photographique, envisager le futur sans avoir à assurer une transition avec un système existant. Vérifiant ainsi la règle qui veut que ce soient les outsiders qui remuent le mieux les marchés.
Avec son comparse Olympus, avec lequel il annonçait au même moment leur engagement commun autour de la monture Micro 4/3, Panasonic a exploré avant tout ce que devait être un appareil « à visée par l’optique sans miroir à optiques interchangeables ». Une définition indigeste du nom technique de l’appareil.
Panasonic fut à la pointe de l’arrivée des « électroniciens » dans le monde de la photo. Avant Samsung, second à se lancer sur le terrain avec son NX10 (pour quitter le marché de la photo en 2015), avant Sony et bien avant Canon et Nikon. Les deux mastodontes qui ont été ceux qui ont eu le plus de mal à envisager « l’après reflex » et qui viennent à peine de lancer leurs systèmes hybrides professionnels.
Si on se projette en 2008, le marché était très différent : le reflex numérique était le roi absolu, Leica était dans les limbes, Fujifilm ne faisait que des compacts et des bridges (et encore beaucoup de pellicules), Olympus allait bientôt arrêter les reflex, Pentax n’appartenait pas à Ricoh, etc. Et la tempête des smartphones n’était qu’en gestation, les marques écoulant des palettes de compacts numériques chaque trimestre.
A l’époque, Lumix n’a que sept ans d’existence mais prend quand même le risque de se lancer dans le marché compliqué de l’optique interchangeable. Lumix est alors une marque peu connue du grand public, sans légitimité historique, sans aura. Sa première incursion dans les appareils à optiques interchangeables – avec Olympus déjà – n’a pas très bien fonctionné : ses Lumix L1 et L10 offraient déjà un liveview sur écran LCD mais ils étaient basés une architecture reflex – et donc, un viseur optique. Une première expérience qui n’a pas découragé Panasonic qui a persisté.
Et réussi : dix ans plus tard, le standard Micro 4/3 est celui qui a profité du plus grand nombre de boîtiers et d’optiques provenant de tous les horizons – de chez Panasonic bien sûr, mais aussi d’Olympus, de Blackmagic, Yi Caméra, de Sigma, etc. Mieux encore, le Micro 4/3 propose toujours l’offre d’entrée de gamme la plus riche, en boîtiers comme en optiques (on dégotte un boîtier neuf et récent à partir de 450 euros et les optiques grand public commencent à 150 euros). Fidèle à l’image de produit familial qu’ont les produits Panasonic.
Aujourd’hui le marché est différent : les compacts et autres produits d’entrée de gamme ont été balayés par les smartphones et le marché de la photo qui débitait jadis des dizaines de millions d’unités reprend sa forme initiale de marché passion, avec des produits d’exception, chers, qui font rêver et repoussent les limites techniques. Et la division Lumix, jadis timide, gonfle aujourd’hui ses muscles en annonçant se lancer sur les appareils photo hybrides à capteur plein format à destination des passionnés et des professionnels. Un tournant majeur qui n’aurait jamais pu voir le jour sans le Lumix G1.
Retour sur l’histoire d’un appareil pionnier.
Papa, c’est quoi un hybride ?
Le nom hybride est un accident, un mot au sens mou devenu l’appellation d’un genre d’appareils photo qui a échoué à trouver un nom marketing. Les uns les appellent « compact system camera » ou « compacts à optiques interchangeables » alors qu’ils ne sont pas tous compacts – vous avez vu le gabarit d’un Fujifilm GFX 50s ?
Le monde anglo-saxon l’a défini par opposition au reflex en les appelant « mirrorless » (sans miroir) ou bien par leur capacité à recevoir des optiques « ILC » (interchangeable lens camera, caméra à optique interchangeable). Au final aucun mot n’a réussi à résumer simplement ces « appareils photo numériques à optiques interchangeables ». A défaut de mieux, hybride est donc leur nom générique, le Lumix G1 leur ancêtre et la monture Micro 4/3 la base technique initiale.
Lumix G1, pionnier du Micro 4/3
Si Olympus présentait un prototype de ses futurs Pen à la Photokina 2008, ce n’est qu’à la mi-2009 que le Pen E-P1 voit le jour, tandis que le Panasonic Lumix DMC-G1 (de son nom complet) était déjà un produit quasiment fini. Tellement fini que lors de notre rencontre avec les équipes Panasonic à l’époque, les remarques quant à l’absence de mode vidéo ont reçu une réponse rapide : « Ne vous inquiétez pas, c’est prévu pour le prochain appareil ». Un boîtier appelé GH1 est lancé à peine 8 mois après la mise sur le marché du G1 (décembre 2008) et donne naissance à la célèbre lignée des appareils vidéo de la gamme, les GH (lire notre test du GH5).
Le Lumix G1 est un boîtier au look de reflex mais d’un gabarit plus petit, qui embarque un capteur de 12 Mpix au format 4/3, contrairement aux capteurs des reflex qui étaient tous (APS-C, APS-H, 24×36) au ratio 3/2. Ce capteur n’est pas tombé du ciel : il s’agit du même format et du même ratio que ceux des reflex Olympus de l’époque, le standard « 4/3 ». Si ce standard s’est avéré trop petit pour permettre à Olympus de rivaliser en qualité avec les « grands » capteurs des reflex susmentionnés de chez Canon, Nikon, Pentax et Sony, sa petite taille était une force pour concevoir des appareils à optiques interchangeables qui soient compacts.
La petite taille du capteur et le retrait du miroir (qui permet de diminuer la distance de de tirage de plus de 40 mm à seulement 20 mm) ont permis à Olympus et Panasonic de concevoir un nouveau standard : le Micro 4/3. Doté d’un bon équilibre qualité d’image/encombrement, le Micro 4/3 a dès le départ un positionnement grand public et la compacité est alors son argument principal. Par apport aux reflex de l’époque, le Lumix G1 est à la fois plus compact et plus léger : quand un Nikon D90 lancé un peu après s’affiche à 703 g boîtier nu avec batterie, le G1 ne pèse que 429g soit 60% de moins ! Le tout avec un équipement plus moderne.
Anatomie du bébé.
Conception moderne, impasse sur la vidéo et le tactile
Ecran orientable, viseur électronique avec détection automatique de l’œil, prévisualisation en temps réel de l’exposition, mode « artistique », gestion de la SDHC, prise HDMI (format Mini HDMI) : le Lumix G1 est techniquement plus moderne que bien des reflex de son époque.
Moderne ne veut pas dire supérieur : l’autofocus à détection de contraste est à l’époque bien plus lent que la corrélation de phase employée dans les reflex, la rafale est deux fois inférieure au D90 susmentionné (3 i/s contre 6 i/s pour le Nikon). Quant au viseur, s’il a plutôt bien vieilli en plein jour – en dépit de son caractère séquentiel – en basses lumières, l’amplification numérique est bien plus « sale » que les viseurs actuels. Côté conception, le G1 est bien un « compact à optiques interchangeables » avec des molettes et monture issues du reflex, mais des menus et des boutons hérités des compacts.
L’écran orientable offre un confort de shoot bien plus agréable qu’un simple viseur de reflex, ce qui lui donnait un avantage non négligeable sur la concurrence. Ce d’autant plus qu’à l’époque peu de reflex permettent le Liveview. Le Lumix G1 n’était cependant pas parfait : la vidéo arrive avec le GH1 quelques mois plus tard et il faudra attendre mars 2010 et le Lumix G2 pour que l’écran ne devienne tactile.
Qualité d’image : bonne tenue… avec les bonnes optiques !
Parlons qualité d’image. Une décennie après son lancement, le capteur Micro 4/3 Live MOS de 12 Mpix a certes vieilli, mais il n’est pas totalement largué. La grâce à en soit rendue à deux progrès… extérieurs au boîtier : l’amélioration des optiques et celle des logiciels de traitement des fichiers RAW.
Si nous n’avons pas pu mettre la main à prix acceptable sur le zoom originel du boîtier (le Panasonic Lumix G Vario 14-45mm f/3.5–5.6 Asph. Mega O.I.S.) nous avons testé le G1 avec l’optique qui lui succède, le 14-42mm f/3.5–5.6 Asph. Mega O.I.S., un modèle assez similaire en termes de qualité optique (une optique kit, ne pas trop en attendre non plus) mais à la construction plus légère. En jpeg, les résultats sont, sans surprise, assez mous. Une mollesse imputable à l’optique, bien sûr, mais aussi au traitement d’image un peu daté.
Une fois passé à la moulinette – en l’occurrence Adobe Lightroom CC – les clichés prennent bien plus de peps : en dix ans, les algorithmes de dématriçage, de traitement du bruit numérique et les profils optiques ont fait bien des progrès ! La plage dynamique des fichiers du G1 est logiquement inférieure aux boîtiers plus récents types G80 ou G9, mais on peut récupérer deux bons EV d’exposition.
Si les clichés pris avec l’optique kit arrivent à récupérer du punch, c’est encore plus le cas pour ceux que nous avons pris avec l’Olympus 45 mm : la qualité d’image est alors (toujours) vraiment bonne. Pas mal pour un appareil numérique qui a dix ans d’âge !
Dix après, tout fonctionne… mais tout n’a pas bien vieilli !
L’appareil que nous avons acheté sur ebay est équipé de la batterie d’origine, laquelle n’est pas morte. Loin de là : on peut encore (au moins) shooter plus de deux cent images images avec la DMW-BLB13E d’époque. Annoncée pour 330 images selon la norme de test CIPA, la batterie était donc équipée de cellules de bonne qualité.
Pas de pixels morts à déplorer, ni sur le capteur, ni sur l’écran ou le viseur électronique. Les boutons sont encore tous opérationnels et semblent toujours bien solides – la molette des modes est un peu molle, mais c’est une question de réglage de l’époque. La trappe à batterie est toujours impeccable mais celle de la carte mémoire est désormais un peu lâche – rien de grave. Dix ans après, le Lumix G1 est donc toujours opérationnel… mais plus totalement à la page techniquement.
Avant de parler technique, abordons un élément d’ergonomie qui a mal vieilli : le revêtement. Pour ce premier modèle, Panasonic avait intégré une surface un « peau de pêche » qui s’est usée avec le temps. Outre les griffures apparentes visibles au niveau du grip, la surface s’est un peu dégradée et est devenue collante – d’où les nombreuses poussières sur les photos de cet article !
Techniquement, la mémoire tampon est clairement trop juste : si on peut shooter en rafale en continu en Jpeg grâce à aux cartes mémoire SDHC modernes, la mémoire intégrée de l’appareil ne peut digérer que 4 images RAW + Jpeg avant de ralentir. Et avec 3 i/s en rafale max, le G1 n’est certainement pas taillé pour l’action.
Du point de vue électronique, le contrôleur mémoire ne prend en charge que les cartes mémoire jusqu’à la norme SDHC (32 Go max), les cartes SDXC n’étant pas reconnues. L’obturateur électronique silencieux si précieux dans les hybrides actuels n’est pas de la partie et on ne peut pas recharger l’appareil via la prise USB – il s’agit de toute façon d’un câble propriétaire données + vidéo.
Face à ses rejetons
La gamme Lumix G compte désormais trente modèles – une moyenne de 3 appareils par an ! – et nous avons testé 23 d’entre eux. Les modèles se répartissent en 5 catégories : les G (issus du G1, au look de reflex, toujours produits), GM (format ultra compacts, abandonnés à l’heure actuelle), GF (format compact, abandonné), GX (toujours produits) et GH (spécialisés en vidéo, toujours produits).
A catégorie équivalente, le successeur du G1 serait le G9, un monstre photographique qui coûte deux fois plus cher boîtier nu que ne coûtait le G1 avec son optique à sa sortie. Véritable boîtier pro (tropicalisé, écran LCD sur le dessus, grip super costaud, double emplacement pour cartes mémoire, etc.) le G9 est l’appareil photo ultime de Panasonic (avant l’arrivée de ses hybrides à capteur plein format !).
En réalité, le vrai successeur actuel du G1 – c’est-à-dire un appareil complet et familial – serait plutôt le G80 et sa nouvelle optique kit 12-60 mm f/3.5-5.6. Un boîtier qui se dégotte à 850 euros (avec l’optique) et qui offre, pour ce prix, une excellente partition photo et vidéo (rafale 4K 30 i/s, vidéo 4K30p, capteur stabilité) avec un « ancien » capteur 16 Mpix sans filtre passe-bas.
Dans les deux cas, les performances des deux boîtiers récents, sont, bien évidemment, largement supérieures en tous points au vieux G1. Mais dans chacun de ces boîtiers, on sent l’influence du Lumix DMC-G1, cet aïeul qui a permis à Panasonic de se faire une place de choix dans le monde très fermé de la photo.
EDIT du 08/10/2018 : les Lumix L1 et L10 étaient bien basés sur une architecture reflex avec viseur optique et non des proto-hybrides comme mentionné dans une première version. Merci à notre confrère Franck Mée pour la correction.
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