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Où nous mène l’obsession biométrique ambiante

Techniques encore expérimentales, standards industriels inexistants… Roland Moreno démontre dans cet article pourquoi le projet de passeport biométrique n’est pas technologiquement viable aujourd’hui.

  • Où nous mène l’obsession biométrique ambiante

L’enseignement du 11 septembre est qu’il est désormais très insuffisant de traquer les voyageurs supposés terroristes en fouillant leurs poches et leurs bagages (sans oublier les petits pots destinés à l’alimentation des éventuels
bébés). Cet examen est désormais réservé aux terroristes présumés pyrotechniciens.L’avion lui-même est donc devenu, le 11 septembre 2001, l’une des armes des terroristes : il faudra mettre à jour dictionnaires et encyclopédies. Et l’Histoire a d’ores et déjà retenu que les tours jumelles ont été détruites
avec comme seule arme? de simples cutters.D’où cette déduction naturelle : il faut désormais soupçonner 100 % des passagers qui prennent place dans la cabine.Or, chacun d’entre nous a déjà bien capté un nouveau mot, largement employé depuis maintenant cinq ans : biométrie.De quoi s’agit-il ?Avec le concours actif des médias, le gimmick anti-terroriste de Bush s’est trouvé un nom* de ralliement, et biométrie s’est immédiatement agrégé à notre vocabulaire : “dans cette histoire de passeport, il y
aura de la biométrie “,
dit-on, exactement comme on dit tout naturellement : “l’hiver, je mets de l’antigel dans ma voiture.”En gros, depuis 2001, les USA ont pris l’initiative de construire un vaste réseau de terminaux (objectif premier : les aéroports) capables de manipuler, de détecter puis de garantir l’identité absolue des voyageurs. (On trouvera un
peu plus loin dans cet article ce qu’il faut entendre par identité absolue.)Et ils l’ont surtout beaucoup fait savoir.Ce qui sera fait de cette information après enregistrement est une autre affaire, dont je préfère ne pas me mêler, – à chacun son métier. Le Monde estime à cet égard qu’il faut “redouter le risque de voir la
base d’empreintes digitales prévue par INES s’élargir peu à peu et intégrer d’autres données.”
(16.06.2005)On se doute que dans un tel domaine, le rédacteur de ces lignes est un expert particulièrement qualifié : cette carte dont vous vous servez tous les jours pour payer et qui, avant d’effectuer quelque transaction que ce soit, exige
qu’on s’identifie, – justement : il m’a fallu seize ans d’évangélisation, mais, à partir de 1990, les usagers français ont acquis l’habitude de ” s’identifier ” en tapant leur code confidentiel.La carte était alors française, pas plus.Puis il a fallu doter les téléphones portables d’une puce (la ” carte SIM “) pour assurer leur sécurité. (Il a aussi fallu des clefs pour sécuriser les décodeurs de télévision.)

Alors, la carte est devenue mondiale

Et la biométrie aussi sera mondiale (ou ne sera pas) : le terroriste pourra embarquer avec son cutter à Philadelphie, à Damas ou à Beyrouth, destination USA, Royaume-Uni, France, Italie, Allemagne, etc.Un tel projet (apparemment sur les rails) est absolument colossal, ainsi qu’on le verra un peu plus dans l’article : creuser le canal de Suez, débarquer sur les plages de Normandie, envoyer des hommes sur la Lune ne sont que des
péripéties au regard du recensement informatisé puis exploité de chaque être habitant de la planète.Car, par nature même, c’est de la planète qu’il s’agit.Dans tous les pays de la terre, nous nous sommes habitués depuis cent ans à suivre les Américains qui tracent le chemin sur toutes les grandes orientations technologiques (**), particulièrement tout au long du dernier demi-siècle, avec
les mêmes procédures de sécurité :


– informatique : mots de passe servant à l’identification


– ordinateur individuel : mots de passe servant à l’identification


– Internet : mots de passe servant à l’identification


– e-mail : mot de passe servant à l’identification


– téléphonie mobile : mot de passe servant à l’identification


– télévision payante : mot de passe servant à l’identification


– banque électronique, ” DAB ” : mots de passe servant à l’identification


– etc.Beaucoup d’identifications, décidément, dans ce champ technique !Alors je me suis mis au travail pour essayer de mettre les choses au point.Sur ce sujet et souvent sur des sujets connexes, sans aucune modestie je dirai que mon opinion vaut quelque chose :


– en 1974, j’ai pensé que la carte à puce était un projet gagnant ;


– en 1980, j’ai estimé qu’il fallait d’abord en faire une carte téléphone ;


– en 1984, je me suis dit que tous les ordinateurs fonctionneraient tôt ou tard comme le Macintosh ;


– en 1986, j’ai pressenti que ma carte pourrait faire partie des futurs téléphones portatifs ;


– en 1989, j’ai proposé qu’on organise le paiement du stationnement par carte à puce.On trouvera dans l’article certaines réponses à des questions que (peut-être) on se pose : il suffit que de débarquer à Kennedy Airport pour prendre la mesure du problème soulevé.Attention ! Ce texte n’est pas technique, et ce n’est pas parce que les éléments en présence sont tous électroniques qu’il faut ” s’y connaître ” pour le comprendre.En annexe, vous trouverez un tableau récapitulatif qui a l’air technicien, mais qui ne l’est pas non plus.La ” presse d’information générale ” – comme on dit – n’est en général pas très fortiche sur les sujets techniques ou scientifiques. Encore moins sur l’informatique et surtout l’électronique.Je crois qu’avec ce texte, il y a moyen de prendre une longueur d’avance sur la question (encore une fois : planétaire) de l’identification biométrique.(*) Non pas un nom mais un mot, un mot comme tous ceux qui chaque jour enrichissent notre vocabulaire et qu’il est résolument utile de maîtriser si l’on veut rester dans le coup : DJ, rave, RTT, podcast, fond d’écran,
airbag, etc. etc.
(**) Sauf la carte à puce !

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Roland Moreno