De la SNCF au New York Stock Exchange, en passant par l’Armée de l’air, la RATP ou les 3 Suisses, un nombre croissant de grandes entreprises “traditionnelles” adoptent les logiciels libres (open source). Considérés hier encore comme un phénomène de mode, ces produits, dont le code source est librement accessible et modifiable, possèdent des qualités techniques qui ont de quoi faire trembler leurs homologues commercialisés. D’autant que depuis peu, les communautés de développeurs et les sociétés de services spécialisées se sont organisées de façon à offrir un accompagnement équivalent à celui des grands éditeurs. Trois phénomènes convergent donc pour favoriser le développement du “libre” dans l’entreprise : la maturité des technologies, l’émergence d’une offre professionnelle de services et enfin, les tensions économiques actuelles qui impliquent des restrictions budgétaires. Mais tous les départements de l’entreprise ne sont pas logés à la même enseigne, et c’est évidemment dans le domaine d’internet et des réseaux que la progression se révèle la plus marquée : près d’un site web sur quatre s’appuie aujourd’hui sur la plate-forme LAMP (Linux, Apache, MySQL et PHP-Perl-Python), et les logiciels “stars” de ce domaine sont tous issus de l’open source.
Une réduction du coût d’environ 40 %
Théoriquement, “l’expression “logiciel libre” fait référence à la liberté, pour les utilisateurs, d’exécuter, de copier, de distribuer, d’étudier, de modifier et d’améliorer le logiciel”, explique la Free Software Foundation. Dans les faits, “c’est l’économie de coût de licence qui intéresse avant tout les entreprises”, précise Franz Meyer, directeur Europe du Sud de RedHat. Et d’ajouter qu’elles doivent d’abord “faire un effort pour accepter de considérer des logiciels gratuits “. Les premiers retours d’expérience montrent ensuite que les économies sont principalement réalisées lors de l’exploitation. L’ensemble des analystes s’accordent en effet sur une réduction de 40 % du TCO (Total Cost of Ownership ou coût total de possession) grâce à Linux.Deux éléments techniques contribuent à abaisser le coût total de possession. D’une part, la fiabilité des logiciels diminue les besoins de maintenance. D’autre part, “à performances égales, les logiciels libres se révèlent souvent moins gourmands en ressources matérielles “, précise Frédéric Bon, fondateur de la société de conseil Clever Age. Ces performances sont en grande partie obtenues par un développement de qualité. Les logiciels libres ne sont soumis à aucune contrainte commerciale. Les versions des logiciels sont uniquement mises en circulation quand le produit est prêt, et non quand il faut devancer le concurrent par un effet d’annonce. De plus, l’ouverture du code offre à des centaines, voire à des milliers de développeurs, la possibilité de déboguer le programme et de proposer en permanence des améliorations. Un processus inconcevable avec des produits commercialisés. “Il existe de plus en plus d’appels d’offres provenant d’administrations qui expriment clairement leur intérêt pour l’open source “, souligne Jean-Noël de Galzain, directeur général d’Aurora. “En juin 2000, nous avons commencé à migrer 400 serveurs sous AIX et NT vers Linux Mandrake. Les performances et la fiabilité de ce système réduisent le TCO de 30 à 40 %. De leur côté, les utilisateurs choisissent entre Open Office et Microsoft Office. Le poste reste sous Windows mais il pourrait, à terme, migrer sous Linux”, explique Bruno Mannoni, chef du département de l’organisation et des systèmes d’information du ministère de la Culture.
Quand la modularité devient un atout
Pour Benoît Léger, directeur adjoint d’Owendo Technologie, “la plate-forme LAMP couvre facilement 80 % des besoins de la majorité des entreprises dans le domaine d’internet. Elle est crédible.” Les logiciels libres sont en outre d’une grande modularité. Le serveur HTTP Apache possède par exemple des centaines de modules qui enrichissent ses fonctions de base. Idem pour PHP, puisque des centaines de classes apportent de nouvelles fonctions techniques ou métier. Ce type d’architecture correspond d’ailleurs à l’essor du développement par composants dans la communauté internet. Lorsqu’aucune classe ne couvre les besoins du programmeur, ce dernier la construit lui-même et la partage ensuite avec la communauté. Ainsi, Olivier Plathey vient de mettre à la disposition de la communauté PHP une classe gratuite qui génère des documents PDF à la volée. Nul doute qu’à la parution de cet article, cette classe aura déjà été améliorée par d’autres développeurs. De nombreuses SSII spécialisées dans l’open source proposent en outre des applications de plus haut niveau fonctionnel. Ainsi, le logiciel de groupware Mioga, édité par Atrid, s’appuie sur Linux, Apache et postgreSQL. De son côté, le help desk d’Open Care repose sur PHP 3, postgreSQL et Apache. Enfin, le projet PHPGroupeware s’articule autour d’Apache, de PHP et de MySQL. Les exemples de ce type sont légion.
Une communauté disséminée, mais très organisée
Cette réactivité est le fruit d’une grande organisation. “La communauté s’est énormément structurée, explique Franz Meyer de RedHat. Elle fournit un nouveau modèle de développement collectif qui apporte réactivité et richesse.” Une grande partie des projets sont accessibles sur des sites publics, tels que freshmeat.net ou sourceforge.org. Ces derniers offrent un point de rencontre entre les projets en quête de développeurs et les développeurs en quête de projets. L’Apache Software Foundation (ASF) joue également ce rôle en encadrant d’autres programmes autour de HTTP, de J2EE (Java 2 Enterprise Edition), de Soap (Simple Object Access Protocol) et des technologies XML (eXtensible Markup Language). ” En 1996, nous avons pris conscience de la nécessité d’organiser et de protéger la communauté. Nous avons donc créé la Fondation Apache et mis au point la licence Apache. Notre rôle consiste aujourd’hui à coordonner les développements technologiques les plus importants”, explique Randy Terbush, directeur de l’ASF. Paradoxalement, quelques groupes de travail bien structurés suffisent donc à régir les projets dans le monde entier. Les communautés locales se construisent de façon assez anarchique, selon la bonne volonté de leurs instigateurs et la vigueur de leurs participants. C’est le cas, en France, de phpinfo.net, de phpindex.com ou encore de linuxfr.org.
L’accompagnement des clients constitue un facteur clé
Les logiciels libres sont donc en perpétuelle évolution. Même si le noyau Linux progresse moins vite que ses extensions, il faut consacrer beaucoup de temps et d’énergie à surveiller l’arrivée de nouvelles extensions, ainsi que la mise à jour de celles déjà existantes. C’est pourquoi la qualité du support constitue un critère déterminant dans l’expansion de cette mouvance du logiciel. Le support aux entreprises est actuellement assuré à 2 niveaux : directement entre membres de la communauté sur les forums et via des sociétés de services spécialisées dans le logiciel libre. D’Open Care à Alcôve en passant par Clever Age, ces entreprises offrent les mêmes prestations que les sociétés de services traditionnelles. Open Care et Easter Eggs assurent, par exemple, le support et l’administration délégués de plates-formes open source. Alcôve est une SSII généraliste et Clever Age conseille ses clients sur des choix d’architectures ou de briques logicielles. Il en va de même des distributeurs (RedHat, Debian ou Mandrake) qui rendent des logiciels libres plus accessibles aux utilisateurs finaux.Leur modèle économique est simple : ils vendent leur expertise sous forme de logiciels packagés directement exploitables ou de services (support, formation, développement, conseil…). Cet accompagnement représente sans aucun doute l’un des facteurs clés du succès des projets en entreprise. “Bien que spécialistes des télécommunications, nous avons fait appel à un prestataire, Linagora, pour un conseil spécifique en logiciels libres. Les compétences et la coopération des ressources humaines, interne comme externe, ont été déterminantes “, explique Daniel Viñar Ulriksen, directeur informatique de Siticom Group. Un propos confirmé par le département veille technologique de l’administration centrale du ministère de l’Économie, des Finances et de l’Industrie, pour qui “IDEALX a transformé ce qui n’était, au départ, qu’une démarche expérimentale en un système sécurisé totalement opérationnel “.Les logiciels libres sont conçus par des passionnés, experts dans leur domaine, qui ne s’embarrassent pas toujours d’un système d’installation automatique ni d’une documentation foisonnante. Les équipes informatiques des entreprises doivent être motivées pour migrer vers ces logiciels. Être accompagné d’un prestataire fait gagner du temps. Après un premier projet réussi, un transfert de compétences est souvent envisagé.
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