Mieux vaut être riche et en bonne santé que pauvre et malade. Si cette maxime prend son sens dans la vie de tous les jours, elle revêt une acuité toute particulière dans le monde des télécoms, où l’on brûle aujourd’hui ce que l’on a adoré hier. Par où commencer ? La liste des laissés-pour-compte est si longue…Parmi les derniers en date, KPNQwest, la joint-venture entre l’opérateur historique hollandais KPN et l’américain Qwest, a créé la surprise en annonçant sa faillite à la fin du mois de mai. Lorsqu’un opérateur de cette envergure, qui dépense quelque 500 000 ? par jour pour maintenir en état son réseau, met la clé sous la porte, qu’advient-il des clients ?
Une opération de “sauvetage”
Pour ceux de la partie bande passante, c’est-à-dire les autres opérateurs, pas de souci : les confrères encore présents se chargent de tout ! Ainsi France Télécom Longue Distance, Telia, ou encore, Level 3 n’ont-ils pas eu le temps de chômer. “Nous avons plus que doublé le montant de nos commandes “, a précisé Erik Heilborn, président de la filiale internationale de Telia, qui imagine déjà un avenir proche serein, grâce à la consolidation du marché. De même, LambdaNet annonçait, quinze jours après la mise en faillite de KPNQwest, avoir récupéré une vingtaine de contrats de clients orphelins, “essentiellement pour de la bande passante et du trafic IP”. De son côté, le trafic IP de Level 3 est passé de 10 Gbit/s, fin mai, à 20 Gbit/s, quinze jours plus tard, à la suite de la chute de KPNQwest et du canadien Teleglobe. Il serait, en fait, plus rapide de dresser la liste de ceux qui ne sont pas candidats à la reprise des clients opérateurs…
Tout reprendre à zéro
La tâche semble plus ardue, en revanche, pour les clients entreprises. “Il est beaucoup plus compliqué de faire migrer une entreprise qu’un opérateur “, explique Frédéric Gielec, porte-parole d’Equant. En moyenne, il faut environ sept mois pour effectuer une telle migration.Pour Philippe Moity, directeur général de Via Networks, spécialisé dans la revente de services télécoms, “le problème ne se pose pas trop pour des clients monosites. Mais, pour les autres, le délai de migration prend au minimum trois mois”. Cette société était également cliente de KPNQwest pour ses propres clients. “La difficulté dépend vraiment du réseau du client final, expose Philippe Moity. Si ce dernier est titulaire de son plan d’adressage, on peut trouver une solution rapidement ; dans le cas contraire, il faudra recommencer tout le plan, ce qui peut prendre beaucoup de temps.” Guy Link, directeur marketing de KPNQwest France, ajoute : “Le plan d’adressage est souvent situé au niveau du serveur, qui fait ensuite de la translation d’adresse pour des raisons de sécurité ; le problème n’est donc pas insurmontable.”
Un coup dur pour les entreprises
Mais, que vont devenir les cent cinquante mille clients de l’opérateur, dont plus de cinq cents, très importants, en France ? “Nous avons prévenu nos clients des risques de coupure du réseau international ou, en tout cas, d’éventuels problèmes techniques. Nous leur avons conseillé de chercher rapidement une solution de rechange “, souligne encore Guy Link. Aux clients franco-français, dont les accès étaient essentiellement des liaisons Transfix, KPNQwest a suggéré de contacter France Télécom afin d’essayer de trouver une parade.Pour les très gros clients qui ont confié leur réseau à KPNQwest, comme HP ou Cap Gemini, la situation est beaucoup plus complexe. Tous les opérateurs de la place ont mis sur pied des cellules de crise afin d’être à même de reprendre la clientèle de l’Américano-Batave en faillite. Dans un déferlement de communiqués, ces opérateurs se déclarent prêts à faire migrer les clients.De son côté, WorldCom a également mis en place une structure d’urgence pour répondre aux besoins pressants des clients orphelins. L’opérateur américain, également en grande difficulté, propose des migrations express des accès Internet, des services d’hébergement et de VPN-IP, ainsi qu’un plan d’urgence de mise en ?”uvre. “Migrer chez WorldCom, qui risque rapidement de se reconcentrer sur son marché national, n’est pas forcément une bonne chose. Les clients KPNQwest risquent alors de se retrouver à nouveau dans une situation très délicate “, prévient un opérateur.
La disparition des cow-boys des télécoms
Certes, les intentions des uns ou des autres sont louables. Reste qu’on ne peut pas aller plus vite que la musique, et que le temps de migration demeure incompressible. De même que les opérateurs s’engagent tous, peu ou prou, à mettre en ?”uvre des solutions temporaires, à base de RNIS ou d’ADSL, afin que les clients ne soient pas victimes d’interruptions de service. Mais un corollaire semble se dégager des mésaventures des opérateurs comme KPNQwest ou Teleglobe. “Il va falloir que les entreprises revoient très sérieusement leur politique d’achat et deviennent beaucoup plus rigoureuses dans la rédaction de leurs appels d’offres “, estime Alain Morgant, directeur général d’Infonet France. Pour lui, cette nouvelle phase de la consolidation n’est pas une si mauvaise nouvelle.Une analyse qui est largement partagée par Jean-Baptiste Gagliardi, directeur général de Colt, pour qui “la disparition des cow-boys va enfin assainir le marché”.
La fin de la guerre des prix
La période de la guerre des prix, avec des low cost operators vendant leurs services à perte est donc finie. Les entreprises vont devoir payer la juste valeur pour leurs services. Autre certitude : France Télécom risque fort de se tailler la part du lion et de voir revenir, piteux, des clients qui avaient pris goût à une concurrence acharnée. “Pas si sûr, répond Jean-Baptiste Gagliardi, persuadé que les entreprises ayant goûté à la concurrence seront tentées d’y demeurer, avec toutes les précautions d’usage.” À savoir : bien vérifier la pérennité du fournisseur !
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