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On vous emmène au hackathon IA de l’État : 24h pour développer un projet de service public

Les 5 et 6 février avait lieu un hackathon IA dédié au bien public, organisé par l’Etat à Paris. L’objectif était, pour la centaine de participants, de développer des solutions d’intelligence artificielle (IA) basée sur Albert, l’IA de l’État, et des données administratives publiques. Les participants ont développé une quinzaine d’outils destinés aux usagers des services publics et aux agents publics : orientation des lycéens, accessibilité numérique, vulgarisation… 01net.com était sur place.

« On peut dire que vous tombez mal ». Il est presque 15 H 30 ce jeudi 6 février, et c’est la dernière ligne droite pour la centaine de participants du hackathon « Gen AI for public good » (l’IA générative pour le bien public) organisé par l’État français. Si certains enchaînent les lignes de code jusqu’au dernier moment, la majorité travaille à la présentation de leur « pitch ».

Dans quelques minutes, il faudra monter sur scène, prendre le micro, et réussir à convaincre les quatre membres du jury de l’hackathon « international et inédit », un événement organisé en amont du sommet pour l’IA par la Dinum, la direction interministérielle du numérique de l’État.

Depuis la veille au matin, codeurs et utilisateurs provenant du public et du privé travaillent d’arrache-pied au ministère de la Fonction publique, cet ancien hôtel particulier de la rue Grenelle. Dans les deux salles aux lustres majestueux et aux hauts plafonds dorés, on chuchote, on tape sur son clavier, et on fait chauffer les portables par groupe de trois à six personnes.

Moins de 48 heures pour créer une solution IA

La température monte, et certains se ravitaillent rapidement en café ou en soda, un rapide coup d’œil jeté sur l’immense jardin intérieur du ministère.  Tous ont le même objectif : créer une nouvelle solution IA destinée aux agents ou aux usagers du service public qui saura faire la différence.

S’ils sont sélectionnés, les lauréats pourront être accompagnés pendant près de six mois au sein de l’incubateur Alliance de la Dinum : un moyen pour un projet de « passer à l’échelle ». Et pour atteindre ce Graal, les équipes ont moins de 48 heures… Soit pas une minute à perdre.

Alors qu’une partie d’entre eux s’est concentrée sur des thématiques plus algorithmiques, d’autres ont travaillé directement sur des cas d’usage – des utilisations de l’IA bien particulières pour les agents ou les usagers. Parmi les 17 projets « en compétition », on trouve des solutions aussi variées que de la vulgarisation de courriers administratifs, la synthèse de dossiers pénaux, des traductions de documents techniques, des interfaces d’aide à la navigation sur le Web pour les personnes âgées ou les étrangers, ou des supports IA destinés à des lycéens qui ne savent pas vers quoi s’orienter.

À l’ouverture du hackathon, beaucoup ne se connaissaient pas, et certains n’étaient pas encore rattachés à un projet. « On n’a pas eu les moyens de venir avec une équipe », nous confient ces deux Québécois, de l’université Laval, qui accompagnent le gouvernement du Québec dans la transformation numérique. « Quand on a entendu la présentation du projet d’éditeur de textes dopé à l’IA, on a levé la main, et on est allé travailler ».

Pour d’autres, il a fallu se mettre d’accord sur la solution à développer. « Après avoir distillé plein d’idées différentes, on est arrivé à la conclusion que (…) l’accessibilité était un sujet sur lequel on pouvait déjà améliorer », souligne Myriam Fogelman. Son équipe a développé Albertine, « la petite sœur d’Albert, une extension de navigateur qui permet de rendre plus accessible une page Web » en expliquant par exemple les étapes à suivre d’une procédure, et en surlignant les parties importantes d’une page internet.

Albert et des données administratives à disposition

Une fois l’équipe formée, les participants ont pu mettre le pied à l’étrier, en se branchant à l’API Albert, un LLM as a service, développé par la DINUM, tournant sur du SecNumCloud – le plus haut label de cybersécurité de l’État.

Les équipes avaient aussi à disposition « le plus grand ensemble de données administratives au monde », des données publiques comme les fiches du service public.fr., les données de la DILA, la direction des informations légales, des institutions européennes, des brevets, des décisions administratives, nous liste Ulrich Tan, à la tête du « Datalab » – l’équipe en charge de l’IA – et aujourd’hui chef d’orchestre du hackathon.

L’API et les jeux de données en main, les équipes ont pu se concentrer sur la partie « innovation publique ». Une innovation qui peut avoir de véritables impacts pour les agents publics, à l’image de cette solution qui permet de faire des résumés administratifs, s’enthousiasme Ulrich Tran. Ces tâches qui prenaient avant l’IA 2 à 3 jours peuvent désormais se faire en 20 minutes : c’est autant de temps libéré et d’argent gagné pour le contribuable, ajoute-t-il.

« Ce qu’on trouve bien en France, d’un point de vue québécois, c’est la volonté du gouvernement français de s’affranchir des majors (américains) »

Mais il est déjà 15 H 30, et pendant près de deux heures, les présentations s’enchaînent, les applaudissements et les rires aussi, malgré quelques branchements récalcitrants. S’il n’y aura que deux lauréats, et un prix spécial du jury, d’autres projets pourraient faire mouche. « Si on trouve d’autres solutions particulièrement intéressantes, il n’y a pas de raison qu’on ne les aide pas », explique Ulrich Tran. Et c’est bien ce qu’espèrent tous les participants, en grande majorité français, même si des équipes allemandes, britanniques et canadiennes ont fait le déplacement.

« Ce qu’on trouve bien en France, d’un point de vue québécois, c’est la volonté du gouvernement français de s’affranchir des majors (américains) », reconnait Eric Demers, l’un des deux participants canadiens. Un peu plus tôt dans la matinée, le ministre de l’Action publique, Laurent Marcangeli, est justement venu promettre à tous les agents publics « un ChatGPT souverain ».

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Tout ce qui est utilisé doit être open source

« Si on a créé Albert c’est justement aussi pour avoir des outils, des alternatives à OpenAI (la société à l’origine de ChatGPT) », abonde Ulrich Tran. Pour le hackathon, la règle du jeu est simple : « tout ce qui est utilisé doit être open source. C’est à dire que ce n’est pas seulement nous (l’Etat) qui pouvons le réutiliser, mais tout le monde », confirme l’homme à la tête du Datalab.

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Après la phase de pitch, les résultats tombent en fin de journée. C’est finalement SONIC, un projet destiné à faciliter la compréhension de l’AI Act, et De Facto, une sorte d’assistant juridique visant à réduire les délais de la justice, qui remportent la mise. Un prix spécial est accordé à « Eliane », un agent conversationnel destiné aux agents et qui vise à simplifier les démarches administratives.

Les 15 autres projets repartent donc bredouille. Mais certains ont déjà en tête de revenir à la prochaine occasion ; pour l’ambiance, pour l’effervescence mais aussi pour la création collective. Et cela tombe bien : l’année prochaine, la Dinum compte organiser un autre hackathon IA, avec un thème différent.

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Stéphanie Bascou