Passer au contenu

On a visité DC5, le data center de Scaleway au système de refroidissement unique et écologique

Doté d’un procédé ingénieux et breveté de refroidissement, ce centre de données économise entre 30 et 50% d’électricité par rapport à data center conventionnel.

Les data center représentent environ 14% de l’empreinte environnementale du numérique en France, d’après un rapport récent du Sénat*. Mais cet impact est-il voué à s’aggraver en raison de l’explosion de la demande en stockage et traitement de données ? L’une des nombreuses pistes pour éviter cette issue serait de réduire la consommation énergétique des centres de données.

La société Scaleway, une filiale d’Iliad (la maison mère de l’opérateur Free), nous a ouvert les portes de son data center modèle baptisé DC5 et installé en région parisienne. Inauguré il y a trois ans sur un ancien centre de tri postal, ce bâtiment de 17 000 mètres carrés fonctionne avec un système de refroidissement qui a pour spécificité de se passer totalement de climatisation.

Cela lui permet d’économiser entre 30 et 50% d’électricité par rapport à un centre de données conventionnel. « Ça nous paraissait insensé, même quand il fait moins 15 degrés dehors, d’utiliser autant d’énergie pour climatiser un data center », nous explique le concepteur et le fondateur de Scaleway Arnaud de Bermingham qui nous reçoit dans son bâtiment. Nous avons suivi avec lui tout le circuit de l’air de ce centre de données qui a été entièrement repensé pour être plus vertueux.

Un étage sur deux du bâtiment présente une galerie d'air.
01net.com – Un étage sur deux du bâtiment présente une galerie d’air.

Un étage sur deux de l’édifice présente une grande galerie d’air à l’avant (photo ci-dessus). L’air extérieur est aspiré avec des volets motorisés qui laissent passer plus ou moins d’air, analysé avec des capteurs et filtré de ses impuretés. Il est ensuite envoyé dans des allées froides où il est puisé pour refroidir les équipements informatiques. En passant à travers les composants des serveurs, l’air se réchauffe. Il est alors de nouveau poussé par des ventilateurs, afin d’être rejeté à l’extérieur depuis la façade arrière du bâtiment.

Il y a deux cas de figure : quand l’air extérieur est trop froid, il est mixé avec celui plus chaud du data center pour obtenir la bonne température. Et quand il fait trop chaud dehors, c’est un procédé adiabatique supplémentaire qui refroidit l’air.

L'un des multiples capteurs chargés d'analyser l'air qui entre dans le bâtiment.
01net.com – L’un des multiples capteurs chargés d’analyser l’air qui entre dans le bâtiment.

Un procédé adiabatique breveté

Ce sont les dirigeants de Scaleway eux-mêmes qui ont mis au point le procédé adiabatique permettant de refroidir l’air. Les Égyptiens de l’Antiquité utilisaient déjà ce principe chimique tout simple : l’évaporation de l’eau produit du froid. Reprenant cet exemple, Scaleway produit une eau pure et l’injecte en haut de panneaux constitués de bandelettes de papier. L’eau s’évapore ensuite et refroidit l’air de huit à dix degrés. 

« C’est complètement unique, comme procédé. Notre concept a été testé pendant deux ans, le temps de l’éprouver deux fois sur toutes les saisons. Ensuite, on l’a industrialisé et aujourd’hui on est capable de l’utiliser dans onze salles à l’intérieur de ce site », nous explique Arnaud de Bermingham. Aujourd’hui, il peut être appliqué partout dans le monde où les températures extérieures sont élevées et le taux d’humidité faible. Il pourra même surmonter le réchauffement de trois degrés qui s’annonce pour notre planète. 

A gauche, les panneaux de bandelettes en cellulose. A droite, d'énormes ventilateurs.
01net.com – A gauche, les panneaux de bandelettes en cellulose. A droite, d’énormes ventilateurs.

Pas de rejet de gaz frigorigènes

On regrettera l’absence d’analyse du cycle de vie (ACV) du data center pour évaluer son impact global et voir précisément ses bénéfices par rapport à un centre de données conventionnel avec climatisation. Cela aurait aussi permis de s’assurer que la réduction de la consommation d’électricité ne s’accompagnait pas d’un transfert de pollution dans un autre domaine. Mais les avantages d’une telle solution sont incontestables.

Concernant la consommation d’électricité induite par les différents éléments du circuit de l’air, Scaleway nous assure qu’elle est minime. De l’ordre de quelques Watts pour les volets avec moteurs. Les ventilateurs sont plus énergivores, puisqu’ils représentent 5% de la consommation totale du data center. Enfin, au sujet de la consommation d’eau, Scaleway nous a indiqué que cette dernière s’élevait à 260 mètres cubes d’eau par an. Pour comparaison, un foyer français consommerait en moyenne 120 mètres cubes par an, d’après des chiffres de l’INSEE datant de 2012. Cela reste donc minime. 

Dans une allée du data center DC5.
01net.com – Dans une allée du data center DC5.

Arnaud de Bermingham nous a fait observer, par ailleurs, que le data center ne rejette plus de gaz frigorigènes utilisés pour produire du froid avec la climatisation. Et cela permet, en plus, de prolonger la durée de vie des équipements mais aussi de réduire les infrastructures électriques associées, des transformateurs aux groupes électrogènes, en passant par les batteries.

Economie circulaire et énergies renouvelables

Ce que Scaleway a réalisé est donc extrêmement prometteur. Ce qui n’empêche pas de cumuler des efforts sur d’autres plans. DC5 dispose d’un atelier où les équipements des data centers français et européens de toute la filiale sont récupérés, réparés ou recyclés. L’idée étant de prolonger au maximum la durée de vie du matériel, jusqu’à dix ans idéalement. Et la société se fournit en énergie renouvelable avec de l’hydro-électricité.

Ces actions s’inscrivent également dans un cadre environnementalement contraint pour le groupe Iliad qui s’est fixé pour objectif d’atteindre la neutralité carbone dès 2035 concernant ses émissions directes et en 2050 pour ses émissions indirectes. Le tout sans compensation carbone.

Le gouvernement a enfin annoncé que les data centers ne pourront plus bénéficier d’une taxe réduite sur l’électricité à partir de 2022, s’ils ne respectent pas un ensemble de bonnes pratiques et qu’ils n’améliorent par leur efficacité énergétique. L’idée de valoriser la chaleur émise par les centres de données est aussi à l’étude. Mais c’est encore un autre défi.

Sources : Le rapport du Sénat sur l’environnement et le numérique*, la feuille de route environnement et numérique du gouvernement, la stratégie climatique du groupe Iliad

🔴 Pour ne manquer aucune actualité de 01net, suivez-nous sur Google Actualités et WhatsApp.


Amélie CHARNAY