Le nouveau service de streaming Salto a été lancé ce 20 octobre par les chaînes France Télévisions, M6 et TF1. Ambition sans prétention, c’était le mot d’ordre de la conférence de presse de lancement. « Nous voulons devenir incontournables pour tous les programmes français », avait déclaré son directeur général Thomas Folin lors de l’événement. Mais avec des abonnements allant de 6,99 à 12,99 euros par mois, Salto s’est presque d’emblée placé au niveau des tarifs de Netflix. Il faut donc que l’offre suive.
Passons l’étape de l’inscription et de l’installation, facile et sans histoire. Nous entreprenons de tester l’application web sur ordinateur, l’application mobile sur Android et l’application Apple TV sur notre télévision. Aucun opérateur ne la propose encore sur sa box. Le design est sobre et Salto reprend tous les codes habituels des sites de streaming avec les présentations des contenus sous forme de vignettes.
Un service pas facile à identifier
Bien que l’univers paraisse familier, on se retrouve quelque peu déstabilisé quand on arrive sur Salto. On s’attendait à une mise en avant des chaînes qui sont à son origine et donc à une sorte de service amélioré de replay. Pas du tout : ce sont les programmes qui sont mis en avant et ils existent de façon autonome sur la plate-forme, même si demeure un discret onglet permettant une entrée par chaîne. Pourquoi pas, puisque cela permet d’unifier l’offre. Le souci, c’est que le catalogue n’est pas tout à fait mis en valeur, mal hiérarchisé, avec des contenus parfois difficiles à trouver ou classés dans des sections aux titres peu incitatifs.
Sur la home, nous tombons en premier sur des productions dont on a jamais entendu parler, comme la série Ils étaient dix avec Samuel Le Bihan, ou des distributions exclusives comme la série de la BBC A very English Scandal avec Hugh Grant. Il s’agit de fictions originales ou d’accords de distribution exclusifs, mais ils ne sont pas labellisés comme tels. Du coup, cela n’incite pas à les regarder ! Juste en-dessous, sont affichés des blocs « séries et fictions », « cinéma », « documentaire » sans titres ni images. Ce qui ne donne pas envie de cliquer.
Et on finit par ne plus savoir très bien en quoi consiste Salto. C’est peut-être une réaction très française, notre pays n’ayant pas été habitué à ce mix pourtant déjà pratiqué par des acteurs comme Hulu aux Etats-Unis. Il va donc falloir qu’on s’y fasse : Salto est à la fois une application pour regarder la télévision en live comme Molotov, un service de replay enrichi des trois chaînes fondatrices et une plate-forme avec du contenu original comme Netflix.
Des contenus pas toujours facilement accessibles
Difficile toutefois de concilier ces trois objectifs à la fois. Et cela se ressent dans l’architecture et la navigation. Car la règle des trois clics qui veut qu’on accède à ce que l’on recherche en trois clics depuis la page d’accueil n’est pas vraiment atteinte. Il nous est ainsi arrivé à plusieurs reprises de passer trop de temps à chercher des programmes.
Prenons l’exemple de 10 pour Cent, excellente série française de France 2 qui rencontre un gros succès auprès des spectateurs et dont la diffusion de la saison 4 a débuté mercredi. Avec le lancement de Salto, on se dit « chouette, c’est l’occasion de regarder l’intégralité des épisodes sans attendre ». Mais la série n’est absolument pas mise en avant sur la home de la plate-forme. Quand on va dans la section « Séries et Fiction », on ne la voit apparaître nulle part, même pas dans la rubrique « Comédie ». On se résout alors entrer par l’onglet des chaînes. Pas de 10 Pour Cent dans la section « Avant-première et Intégrale » ! On finit par la trouver en scrollant. Entre-temps, on aura tenté d’utiliser le moteur de recherche. Mais il ne comprendra pas notre orthographe car nous tapons « 10% » en ignorant que le titre s’écrit en toutes lettres. Dernière déconvenue, on ne pourra accéder qu’à deux épisodes en avant-première et pas l’intégralité de la saison. Car sur Salto, certaines séries sont disponibles en replay, d’autres en avant-première et d’autres encore en intégralité… mais il est difficile de savoir lesquelles, et surtout, cela n’est pas clairement affiché.
Autre exemple, le journal télévisé du midi que l’on voulait simplement regarder en décalé. On clique sur « Actu et Mag », on scrolle beaucoup avant d’atteindre une section « Un journal, des journaux », et on finit par trouver .. le JT de la veille au soir. C’est pire quand on passe directement par une chaîne. Et quand on tape JT dans le moteur de recherche, l’offre met essentiellement en avant les journaux télévisés de TF1.
Les fonctionnalités classiques sont là
En revanche, côté fonctionnalités, la plupart des standards y sont : le lancement automatique de l’épisode suivant dans une série, la possibilité d’ignorer le générique, d’avancer ou de reculer de 15 secondes. On peut se constituer une liste où mettre de côté les contenus qu’on a envie de voir plus tard, créer différents profils pour chaque membre de la famille. L’absence de recommandation par des algorithmes n’est pas un manque. Nous n’avons pas rencontré de problèmes de latence ou de bugs techniques. Pas mal pour un lancement !
La diffusion des 20 chaînes accessibles en live est plutôt réussie, avec une qualité d’image qui nous a agréablement surprise. Mais c’est un tout petit peu moins bien que Molotov pour reprendre un programme en cours de route. On ne peut pas positionner le curseur au moment exact que l’on désire. Soit on reprend le programme en direct, soit on va au début. Or ce début est calé sur l’horaire de départ théorique du programme. Si la diffusion a du retard, vous êtes obligés de regarder ce qu’il y a avant.
Un catalogue limité
Reste la question du catalogue. Salto revendique 10 000 heures de programmes. Il a réussi quelques jolis coups : rafler la série américaine Fargo à la barbe de Netflix ou encore Manifest, lancer des coproductions événements comme l’adaptation de Germinal. On trouve quelques titres qui ont fait leur preuve comme Downton Abbey, La Servante écarlate, Un Village français. On se dit que c’est l’occasion de découvrir des productions européennes (Exit) ou québecoises (C’est comme ça que je t’aime). Malgré tout, l’offre reste limitée. Elle manque de séries récentes et comporte finalement beaucoup de « réchauffé », même s’il est sympathique de retrouver Buffy contre les vampires ou Seinfeld. Le constat est pire pour le cinéma : il y a peu de titres et beaucoup de vieux films (Les Parapluies de Cherbourg, La Gloire de mon père, American Psycho, Dirty Dancing, Rocky…)
Du coup, venons-en à notre question de départ : est-ce que Salto vaut le coup ? Concernant le service du direct, on ne voit pas trop l’intérêt de payer, d’autant que l’on s’acquitte déjà d’une redevance pour les chaînes publiques. Molotov permet d’ailleurs déjà très bien de regarder gratuitement le direct en OTT. Les services de replay ne sont pas fous puisqu’ils ne permettent pas d’accéder aux séries dans leur intégralité. Enfin, le catalogue de contenus exclusifs est encore limité. Notre verdict, c’est que les tarifs sont trop élevés. Un prix plus alléchant pour le lancement aurait été bienvenu. Mais la plate-forme tient la route techniquement. Laissons-lui le temps de se roder et de compléter son catalogue.
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