Un beau jour, un universitaire s’intéressera sans doute à la recherche du temps perdu, au nombre colossal de minutes et d’heures passées à chercher un portefeuille, un trousseau de clés, une valise, une voiture – pour les plus distraits (et il existe une fonction dans Plans sur iOS pour la retrouver facilement, si vous ne saviez pas) –, un sac à main, un sac à dos, un autre sac à main. Nous passons notre vie à perdre… du temps à retrouver des objets quotidiens égarés.
Voilà qui explique peut-être pourquoi les AirTags, commercialisés depuis vendredi, qu’on pourrait juger anecdotiques au regard des autres produits développés par Apple, étaient si attendus. Une fois encore, Apple s’intéresse à un marché déjà existant, celui des petites balises Bluetooth. Va-t-il cette fois encore définir ce qu’on est en droit d’attendre d’un type de produits ?
Ce genre de petits appareils, associés à l’un de vos objets, vous permettra de le retrouver (presque) où qu’il soit. Le marché est déjà occupé par Tile, Wistiki ou même Samsung, qui s’y est intéressé tout récemment. Mais, comme à chaque fois, Apple en fait l’aboutissement de l’empilement de technologies et de services développés au fil du temps. Il y va de son savoir-faire et de son approche, qui apporte beaucoup de bonnes choses, mais aussi quelques limites, même si en l’espèce, le géant de Cupertino fait presque preuve d’ouverture. Voyons plutôt.
AirTag, tout le minimalisme d’Apple
Compact et joli, de la taille d’un gros bouton rond aux deux faces bombées, l’AirTag ne mesure que 3,19 cm de diamètre, pour 8 mm d’épaisseur et 11 g. Son design est minimaliste et soigné, et renvoie indubitablement à l’esthétique Apple. La conception est solide, donnée pour résister à de courts séjours dans une flaque d’eau (IP67) et astucieuse – on l’ouvre et referme très facilement pour changer la pile CR2032. Elle est donnée pour tenir plus d’un an… et l’AirTag vous préviendra quand sa batterie sera trop faible.
Difficile en tout cas d’imaginer qu’on trouve aussi dans ce boîtier si compact un module Bluetooth, une puce U1 pour l’Ultra Wideband, une antenne NFC, et un petit haut-parleur, qui jouera un son aussi audible qu’agaçant pour que vous le retrouviez à l’oreille.
Joli et bien conçu, donc. À deux bémols près. Le premier, les AirTags ne pourront pas vous aider pour tous vos objets du quotidien. On ne les imagine pas accolés à une télécommande, par exemple… On regrette de ne pas pouvoir les attacher à certains objets directement, grâce à un système d’aimant, de mini MagSafe, par exemple. Mais sans doute des accessoires répondront-ils à ces besoins particuliers à l’avenir.
Le second bémol tient au fait que ces beaux objets pourraient bien souffrir de leur environnement quotidien. Un portemonnaie plein de pièces, un fond de poche de sac, un trousseau de clés, etc. risquent de les malmener, même si les accessoires déjà dévoilés et à venir les protégeront sans doute à terme des aléas de la vie.
En effet, on observe, au bout de quelques secondes d’utilisation, que la face en acier inoxydable prend les traces de doigts, et il ne faut pas longtemps pour que des petites rayures apparaissent lors d’une cohabitation avec des clés. La face en plastique blanc échappe aux traces de doigts, mais ne vous faites pas d’illusion pour les éraflures. Il risque d’y en avoir aussi.
Une configuration… transparente
Passons maintenant à l’action. Pour qui utilise des accessoires Apple régulièrement, surtout ceux qui gravitent autour de l’iPhone – on pense notamment aux AirPods, Pro et Max, la facilité de configuration est une habitude solidement ancrée. Avec l’AirTag, Apple va encore un peu plus loin, puisque tout est réglé en l’espace de quelques dizaines de secondes.
Il suffit de déballer l’AirTag et de l’activer en retirant le plastique qui empêche la pile d’alimenter la petite balise. Ensuite, placez-le à quelques centimètres de votre iPhone –les smartphones Android ne sont pas officiellement supportés – et la détection a lieu. Lancez la connexion, choisissez le nom de votre AirTag, soit parmi une liste préétablie, soit à votre bon vouloir. La balise est alors liée à votre identifiant. Une dernière tape sur l’écran et la configuration se lance… et se termine quelques secondes plus tard. Vous pouvez désormais voir votre AirTag situé précisément sur une carte…
Pas facile à perdre…
Dès que vous avez activé et jumelé un AirTag, vous pouvez le localiser depuis l’application Localiser d’iOS. L’absence de GPS ne lui permettra pas d’être situé précisément lorsqu’il est en mouvement : ce n’est donc pas l’outil parfait pour suivre votre chien, par exemple. Néanmoins, c’est un bon moyen pour savoir que vous avez oublié vos clés au bureau ou votre sac chez un ami, en le repérant dans l’application Localiser, onglet Objets.
Les AirTags configurés avec votre compte Apple sont également censés être visibles depuis l’application Localiser, accessible sur le Web via le portail iCloud. Cependant, nos différentes unités de test n’apparaissaient pas sur cette interface. Contacté par nos soins, Apple doit nous donner une réponse à ce sujet.
Quoi qu’il en soit, l’AirTag permet non seulement d’avoir une idée de l’emplacement de votre objet perdu sur la carte et de demander à votre iPhone de calculer un itinéraire, mais aussi de le localiser précisément quand vous êtes à proximité.
Dans ce cas, depuis l’application Localiser, il est possible d’utiliser l’option Localiser à proximité. Elle offrira une sorte d’expérience AR, baptisée Precision Finding, pour vous diriger jusqu’à la position exacte de l’AirTag. Quand vous êtes tout proche, l’iPhone active un retour haptique pour vous dire que vous touchez au but. Cette fonction utilise la caméra de l’iPhone, ARKit, l’accéléromètre, et surtout la puce U1, présente sur les iPhone 11 et plus récents, ainsi que sur la Watch Series 6 – à ce sujet, dommage que l’interface de Localiser sur watchOS n’ait pas évolué pour permettre de repérer ses objets…
En utilisant l’Ultra Wideband, le smartphone vous permet à environ cinq mètres de l’AirTag de vous repérer avec une précision grandissante en suivant une flèche à l’écran. Dans un manoir de 50 chambres, cela peut prendre du temps, mais dans un appartement ou une maison de taille normale, on a vite fait de retrouver ses clés.
Cette méthode peut paraître un peu limitée et impose d’avoir déjà réduit le périmètre de recherche. Dans ce cas, la combiner à l’émission d’un son permet de venir à bout des cachettes les plus improbables – comment un trousseau de clés peut-il se retrouver dans une pile de journaux en seulement 10 minutes ? Une fois les recherches limitées à une pièce ou deux, elle vous permettra d’éviter de tourner en rond sans rien trouver. Cela arrive parfois…
Mais si vous le perdez malgré tout…
Malgré la technologie, il peut arriver que vous ne puissiez pas mettre la main sur votre appareil tout de suite, parce que vous l’avez laissé dans une chambre d’hôtel à l’autre bout du monde, dans le métro ou la voiture d’un ami.
S’il est trop loin, vous pouvez, comme c’était le cas pour les iPhone, iPad, etc., déclarer votre AirTag comme perdu. Dans ce mode Perdu, l’AirTag reste jumelé à votre compte et il est possible de faire en sorte que votre numéro de téléphone et un message prédéfini soit affiché. Vous pouvez aussi demander à être prévenu s’il est localisé.
La personne qui le trouvera pourra en effet, depuis un iPhone, se rendre dans l’application Localiser et demander à identifier l’objet trouvé. Pour cela, il faut approcher l’iPhone de l’AirTag, et le NFC se chargera d’afficher en théorie les informations que vous avez saisies. Vous serez également prévenu, via une notification de l’application Localiser que votre AirTag a été trouvé. Le message vous donne alors l’adresse où il se trouve.
La question de la vie privée
Dès qu’on parle de géolocalisation, la question de la vie privée n’est évidemment pas loin. Sur ce point, Apple n’a pas l’habitude d’agir à la légère. Tout d’abord, seul le propriétaire du compte lié à l’AirTag peut savoir où il se trouve. On aurait pu envisager la possibilité de partager la position d’un AirTag, temporairement tout au moins, mais Apple semble avoir repoussé cette idée.
Ensuite, il n’est en théorie pas possible d’espionner quelqu’un contre son gré (ou accidentellement) avec un AirTag. Si un de vos AirTags se trouve dans le sac de votre mari ou de votre femme, par exemple, au bout d’un certain temps, votre conjoint.e recevra une alerte sur son iPhone. Au cours de nos quelques jours d’essai d’espionnage, l’iPhone de notre « victime » ne s’est toutefois jamais manifesté, malgré une longue journée de travail passée à l’autre bout de Paris.
Quoi qu’il en soit, si vous êtes dans la position du « tracké » et recevez cette alerte, elle vous indiquera comment désactiver l’AirTag en retirant sa batterie. Précisons que cela vous empêchera d’être suivi, mais que la balise d’Apple restera jumelée au compte de son propriétaire quand vous l’alimenterez à nouveau.
Enfin, pour ceux qui auraient égaré leur AirTag depuis longtemps sans remettre la main dessus, sachez qu’il émettra un son dès qu’il bougera. Un bon moyen pour retrouver ce fichu sac à dos que vous aviez rangé à l’intérieur d’une valise que vous utilisez de loin en loin…
Le verdict
Jolis, endurants, résistants aux intempéries et solides, les AirTags bénéficient aussi de la force d’intégration d’Apple entre matériel et logiciel. Elle se manifeste par le réseau Localiser, évidemment, mais aussi par la facilité de configuration et de gestion depuis iOS/iPadOS 14.5 et suivants.
L’ouverture minime à Android est plus là pour faciliter la vie des adeptes d’Apple que pour ouvrir les AirTags aux aficionados de l’OS de Google. Mais, Samsung a montré qu’on pouvait proposer une solution sous Android très verrouillée, elle aussi.
Par ailleurs, la politique tarifaire (35 euros l’unité et 119 euros le pack de quatre AirTags) est dans la tranche haute de ce que pratique la concurrence, comme souvent.
Il faut aussi reconnaître que les AirTags rendent presque obligatoire le recours à des accessoires pour les attacher à des clés ou une valise. Un point d’autant plus gênant que leurs concurrents proposent au moins une boucle d’attache par défaut. Et ces accessoires ne sont pas vraiment donnés. Il faut compter entre 35 et 449 euros pour l’instant pour les accessoires « officiels » Apple ou estampillés Hermès. Même si Belkin propose des protections pour porte-clés à un peu moins de 14 euros.
Tout n’est pas parfait, donc, mais les AirTags apportent un peu de sérénité aux têtes en l’air, ou aux parents qui doivent confier une copie des clés du domicile familial à de jeunes enfants ou adolescents. Ils vous éviteront de vous agacer ou de perdre du temps à chercher vos clés ou votre sac à main au moment de partir, en retard, une fois encore. Ils prolongent intelligemment l’écosystème d’Apple et son credo, qui veut simplifier nos vies. En revanche, ils ne pourront rien pour vos chaussettes dépareillées, esseulées et perdues. Il y a des combats pour lesquels la technologie montre encore ses limites.
Pour :
- Le design solide et (presque) étanche
- La facilité de configuration et de gestion
- L’intégration à iOS et l’univers Apple
- La précision de la localisation
- L’autonomie et la pile facilement changeable
Contre :
- Le prix d’un AirTag et d’un accessoire pour l’attacher
- Encore quelques ratés logiciels
- Pas de support réel d’Android
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