Saviez-vous que le métro parisien et le RER étaient plus pollués que le périphérique ? Les niveaux atteints dépassent même les seuils fixés par l’OMS (Organisation Mondiale de la Santé). Mais jusqu’à maintenant, il fallait se contenter des mesures que la RATP officialise et communique dans quelques stations.
Désormais, vous pourrez vérifier vous-même ce qu’il en est sur votre trajet. Flow, le premier capteur personnel de pollution est en effet en vente depuis le mois de décembre sur le site officiel de la start-up Plume Labs et sur Amazon. 179 euros, cela peut paraître cher mais c’est le prix de plusieurs années de recherche et développement, afin de miniaturiser des capteurs de pollution professionnels qui peuvent atteindre plusieurs dizaines de milliers d’euros et la taille d’un frigo.
Certes, il existait déjà des données officielles sur la pollution accessibles facilement au grand public mais pas à l’échelle d’un quartier et encore moins au niveau de votre habitation. En vous suivant partout, ce nouvel objet connecté promet d’évaluer enfin la concentration que vous subissez au quotidien.
Un design élégant
Le produit est livré avec son socle de recharge qui se branche en USB. Une fois l’application compagnon téléchargée (iOS et Android) et l’activation du capteur terminée, on peut prendre en main Flow. L’appareil surprend agréablement par sa légèreté et son design plutôt élégant.
Le corps du boîtier est en acier, percé à son sommet d’une multitude de petits trous servant à aspirer l’air ambiant à 360 degrés. Si l’on tend l’oreille, on peut d’ailleurs entendre le bruit d’un mini-ventilateur automatisé dont la fonction est de faire circuler l’air. On trouve aussi un capteur de température, d’humidité, ainsi qu’un accéléromètre trois axes. Pour mesurer la pollution, Flow dispose d’un capteur optique pour les particules fines, d’un capteur pour les composés organiques volatils, et d’un autre pour le dioxyde de carbone.
Une sangle en cuir végétal permet de fixer Flow à un sac ou à un vêtement.
« Nous avons beaucoup travaillé le design industriel », nous explique David Lissmyr. « C’est une nouvelle catégorie d’objets : il fallait l’incarner avec un design qui lui soit propre et qui puisse se voir. On voulait aussi éviter que les gens le glissent dans une poche, ce qui n’est pas idéal pour les mesures », complète-t-il.
On regrettera de ne pouvoir éteindre le dispositif et de devoir le recharger tous les jours. Dommage pour un appareil en faveur d’un environnement plus sain car il incite ainsi à consommer davantage d’énergie. Interrogé à ce sujet, Plume Labs nous a expliqué que ce mode actif permanent était indispensable pour maintenir les composants à une température minimale et garantir ainsi le bon fonctionnement de Flow.
https://www.youtube.com/watch?v=Fs73rh-vNPY
Quatre couleurs pour qualifier la pollution
Flow prend en compte différents types de polluants : les PM2.5 et les PM10 ou particules fines (chauffage, chantier, trafic routier), le NO2 qui correspond au dioxyde d’azote (essentiellement en extérieur avec le trafic routier à Paris et le chauffage, production d’électricité) et le COV, c’est-à-dire les composés organiques volatils (bougies, encens, solvants, produits ménagers en intérieur).
Toutes les 60 secondes, Flow mesure le nombre de microgrammes par mètre cube d’air de chaque polluant, puis passe les résultats à la moulinette d’un algorithme afin d’attribuer quatre notes établies en fonction des seuils de l’OMS. Il attribue enfin un AQI, un indice de la qualité de l’air global. Cet AQI correspond au chiffre le plus élevé obtenu par l’un des polluants. Il permet alors d’afficher une couleur et de conclure à un degré de dangerosité.
Si c’est vert (entre 0 et 20 AQI), la pollution est faible et vous êtes encouragés à faire des activités de plein air. A partir de la couleur jaune (entre 21 et 50 AQI), on est au-dessus des limites préconisées par l’OMS mais la pollution reste modérée. Quand c’est rouge (entre 51 et 100 AQI), la pollution est forte : il ne faudrait pas rester plus de 24 heures dans cet environnement. Enfin, lorsque c’est violet (plus de 101 AQI), la pollution est très forte : plus d’une heure dans ces conditions peut avoir un impact sur votre santé.
Lorsque vous appuyez sur le bouton central, vous ne lancez pas un test mais vous affichez la couleur correspondant aux derniers résultats obtenus. Si l’on veut plus de détails qu’une simple couleur, il faut jeter un oeil à l’application.
Une application limitée
L’application nous a un peu déçu, avouons-le. On s’attendait à pouvoir reconstituer une cartographie exacte de la pollution à laquelle nous sommes exposés toute la journée. Au lieu de cela, on obtient un résumé du jour ou de la veille, et des focus sur ses différents trajets.
Les cartes sont petites et sommaires, accompagnées de graphiques dans lesquels il est difficile de naviguer. Enfin, il n’est pas encore possible d’extraire ses données depuis l’application, il faut en faire la demande à Plume Labs.
Notons également que le capteur est dépendant du GPS et du Bluetooth du smartphone donc qu’il ne peut transmettre les données lorsque les signaux sont perdus. Et si vous passez trop rapidement dans un lieu, il ne sera pas forcément pris en compte puisque la mesure n’est pas continue. Mais ce sont justement des points que Plume Labs se donne pour priorité d’améliorer. L’idée étant que chacun puisse un jour partager ses informations pour faire du crowdsourcing, un peu à la manière des applications de speed test qui évaluent la qualité de service des opérateurs télécoms.
Prendre conscience de la pollution intérieure
Nous avons recueillis des données incohérentes tout au long de la période de rodage qui dure sept jours, enregistrant, par exemple, des pics au fond d’un bois et loin de la route.
Passé ce délai, les mesures nous ont paru beaucoup plus logiques avec des hausses dans la rue, dans les transports en commun souterrains et lorsque nous faisions la cuisine.
Les premiers temps ont été très anxiogènes à force de voir la couleur violette s’afficher dans le métro. Rude prise de conscience de la toxicité de l’environnement dans lequel nous baignons quotidiennement. C’est aussi l’occasion de matérialiser la présence de polluants inodores et invisibles comme les composants organiques volatils. Et lorsque ces derniers se révèlent très élevés dans la salle où votre enfant prend son cours de violon, c’est tout de suite plus inquiétant.
Il existe une marge d’erreurs
Encore faut-il bien évidemment que ces mesure soient fiables. « Il n’existe pas de certification pour Flow comme les détecteurs de fumée ou les capteurs de pollution dans le milieu industriel, par exemple », nous prévient d’emblée David Lyssmir.
C’est là que les choses se compliquent car il existe malheureusement des biais. Nous avons demandé à Plume Labs d’extraire nos données, puis nous avons exclu la période de rodage et transmis les résultats à AirParif, afin que l’association de surveillance de la qualité de l’air en Ile-de-France puisse les comparer avec ses propres capteurs dont la couverture est plus large. Au final, il semblerait que le dioxyde d’azote soit sur-évalué et les particules fines sous-évaluées par Flow.
Plusieurs explications à cela. Comme le reconnaît lui-même Plume Labs, il est difficile pour le capteur de faire la distinction entre les gouttelettes d’eau d’un environnement humide et le dioxyde d’azote. Flow peut donc être amené à confondre les deux dans une salle de bain, lorsque vous faites bouillir une casserole d’eau dans votre cuisine, au bord de la mer, dans une pièce avec des champignons sur les murs ou quand la météo est pluvieuse.
A l’inverse, toutes les particules fines ne sont pas toujours détectées… notamment celles qui sont très petites comme le diesel. « L’important, ce n’est pas de se focaliser sur la valeur de ces mesures mais sur leur variation et d’observer les changements entre le jour et la nuit, ou le métro et la voiture », nous explique Charlotte Songeur, chargée de la communication pour AirParif. « Flow représente donc un bon outil pédagogique », résume-t-elle.
Un outil pédagogique salutaire
Même son de cloche du côté de l’association Respire, qui milite pour l’amélioration de la qualité de l’air et fabrique ses propres capteurs. « La marge d’erreurs existe et les données sont compliquées à interpréter. Les résumer en une seule couleur est forcément simplificateur », nous confie Olivier Blond, président de Respire. « Mais prendre conscience des risques permet de se protéger », ajoute-t-il.
Les gestes à adopter sont d’aérer son logement tous les jours, de limiter les produits toxiques chez soi et de choisir ses itinéraires, voire ses horaires de déplacement en fonction de la concentration de pollution. N’hésitez ainsi pas à reporter un footing d’une journée en fonction des relevés.
Chaque année, 48 000 personnes meurent à cause de la pollution de l’air en France, d’après une étude de Santé publique datant de 2016. C’est treize fois plus que pour les accidents de la route. La commercialisation de capteurs grand public comme Flow est donc une excellente nouvelle. Pionnier dans son domaine, il ne peut que s’améliorer avec le temps, tant au niveau de la fiabilité que de l’application. Espérons qu’il se généralise et permette de peser sur les pouvoirs publics afin que la pollution de l’air devienne enfin une grande cause nationale.
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