Il y a un an, tout réussissait à Huawei. La marque chinoise battait record sur record, profitait d’une excellente côte de popularité et proposait, avec sa gamme P30, ce que la presse du monde entier qualifiait de « meilleur appareil photo dans un smartphone ». Rien ne semblait pouvoir arrêter Huawei, dont la destinée pointait clairement vers le statut de numéro 1 mondial.
Un an plus tard, beaucoup de choses ont changé. Inscrit sur liste noire commerciale par les États-Unis en mai 2019, Huawei ne peut plus proposer les services Google sur ses smartphones, ce qui rend de très nombreuses applications incompatibles avec ses nouveaux appareils. Hasard de la malchance, une pandémie s’est abattue sur le monde, empêchant la marque d’organiser sa grande conférence mondiale de reconquête initialement prévue à Paris. À la place, ses nouveaux smartphones, les Huawei P40, ont dû être présentés lors d’un live-stream, ce qui est tout de suite moins sexy.
La veille de cet événement, 01net.com a pu récupérer en avant-première les nouveaux Huawei P40 et Huawei P40 Pro, afin de vous proposer une première prise en main. Un troisième smartphone encore plus élitiste, le Huawei P40 Pro+, est également mis sur le marché. Voilà leurs nouveautés.
Un écran somptueux
Cette année, Huawei décline sa gamme P en trois modèles. En plus du petit P40 (à l’écran non incurvé de 6,1 pouces), on trouve les P40 Pro et P40 Pro+, deux smartphones équipés d’un écran OLED de 6,58 pouces. Petite particularité, ce dernier est incurvé sur les quatre côtés du smartphone, ce qui est une première. Cela donne l’impression de ne tenir qu’un écran en main même si, on préfère vous prévenir, c’est beaucoup moins impressionnant en réalité que sur les photos. On trouve tout de même ce nouveau design assez sublime.
Précision importante, la courbure de l’écran des P40 Pro est moins prononcée que sur le Mate 30 Pro. Ce dernier ne laissait aucune place aux boutons physiques, ce n’est pas le cas ici. Les P40 Pro conservent des boutons de volume et un bouton d’alimentation.
Autre nouveauté, qui ne concerne pour le coup que les P40 Pro et P40 Pro+, Huawei propose un taux de rafraîchissement de 90 Hz sur les écrans de ses mobiles. Nous aurions préféré du 120 Hz, comme sur les Galaxy S20, mais nous nous en contenterons. On remarque dès les premières minutes un gain de fluidité au niveau de la navigation, ce qui est plaisant. En revanche, on ne comprend pas pourquoi la marque chinoise a choisi d’insérer un poinçon aussi large dans le coin supérieur gauche de ses mobiles. Ce dernier, qui contient une caméra frontale (32 Mpix) et un capteur de profondeur, prend beaucoup trop de place. Une seule petite caméra aurait fait l’affaire.
Un nouveau coloris extrêmement séduisant
Enfin, impossible de mentionner le design des P40 sans saluer les nouveaux coloris inventés par Huawei. La couleur « gris frosté », au dos de nos produits de test, est particulièrement réussie. Grâce au revêtement en verre mate, le dos ne prend pas les traces de doigts. Saluons aussi la manière dont ce dos réfléchit la lumière, comme si nous regardions un nuage. En toute objectivité, c’est un des plus beaux coloris de ces dernières années. Le module caméra des smartphones, logé dans un rectangle qui crée une légère protubérance en haut à gauche, est mieux intégré à l’appareil que celui d’autres smartphones (on pense au Galaxy S20 Ultra de Samsung).
Le Huawei P40 Pro+, que nous n’avons pas encore manipulé, revêt un dos en céramique. Il se destine clairement aux amateurs de produits plus luxueux.
Kirin 990 5G et recharge ultra-rapide
Les Huawei P40 appartiennent à la catégorie des smartphones haut de gamme. Tous les trois compatibles 5G, ils utilisent le puissant processeur Kirin 990 de Huawei dans sa nouvelle version 5G qui bénéficie d’une gravure encore plus fine (7 nm EUV). Une version boostée donc du Kirin 990 que l’on trouvait déjà dans le Mate 30 Pro. 8 Go de RAM l’accompagnent.
Comme les P30, les P40 embarquent un capteur d’empreintes sous l’écran. Ce dernier offre une surface plus large de 30% et, selon Huawei, gagne aussi en rapidité. Nos premiers tests le trouvent tout de même encore parfois imprécis, même s’il n’y a vraiment rien de catastrophique. Les P40 sont aussi les premiers smartphones de la marque compatibles Wi-Fi 6. Enfin, Huawei se met à son tour à l’eSIM. Comme Apple, Google ou Samsung, l’entreprise chinoise propose de configurer un forfait virtuel sans se déplacer chez son opérateur (encore faut-il que ce dernier propose un tel service). Il reste possible d’insérer deux Nano SIM ou une Nano SIM et une carte NM pour étendre le stockage.
Le Huawei P40 embarque une batterie de 3800 mAh, les P40 Pro et P40 Pro+, eux, une batterie de 4200 mAh. Cela nous semble un peu juste pour un smartphone haut de gamme 5G mais la marque chinoise nous a déjà prouvé par le passé son excellence en matière d’optimisation de la consommation énergétique. Faisons-lui donc confiance. Enfin, les Huawei P40 Pro supportent la charge ultra-rapide 40W tandis que le modèle classique se contente de 22,5W. Seuls les modèles Pro et Pro+ sont compatibles avec la recharge sans-fil, jusqu’à 27W.
Des appareils photo de compétition
Les Huawei P40, P40 Pro et P40 Pro+ ne disposent pas des mêmes modules caméra. Pour vous faciliter la lecture de cet article, voici ce que chacun de ces smartphones propose en termes d’équipement photo.
Commençons par le petit Huawei P40. C’est un triple module caméra que l’on découvre au dos du smartphone. Le capteur principal, d’une taille record (1/1,28 pouce, contre 1/1,33’’ chez Samsung), offre une définition de 50 Mpix (avec un objectif qui ouvre à f/1.9). Il utilise la technologie SuperSpectrum, comme les P30 Pro. Cela signifie que les filtres de couleurs placés entre la lentille et le capteur photo sont RYYB (rouge, jaune, jaune, bleu) et non pas RGB (rouge vert bleu). Tout cela permet à la lumière de pénétrer de façon plus importante dans le capteur, ce qui améliore la qualité des photos de nuit. Le P40 dispose aussi d’un téléobjectif avec zoom x3, un équivalent 80 mm, qui ouvre à f/2.4 (capteur de 8 Mpix) et d’un module ultra grand-angle qui ouvre à f/2.2, rattaché un capteur de 16 Mpix.
Le Huawei P40 Pro améliore la recette de l’an dernier. Il est équipé du même capteur de 50 Mpix que le P40 classique mais embarque trois autres modules. Parmi eux, on trouve le même ultra grand-angle que sur le Mate 30 Pro, rattaché à un capteur de 40 Mpix. Très grand (1/1,54 pouce), ce dernier sert aussi aux fonctions d’enregistrement vidéo et propose un mode super ralenti à 7680 images par seconde. Nous aurons l’occasion de tester ses capacités plus longuement prochainement. On trouve aussi un radar ToF dédié à la mesure de la profondeur de champ.
Bien sûr, le Huawei P40 Pro embarque aussi un zoom périscopique d’exception, comme son prédécesseur. Rattaché à un capteur de 12 Mpix, ce dernier offre un zoom optique x5, un zoom hybride x10 et un zoom numérique x50. La principale différence par rapport à l’année dernière est que Huawei a décidé d’équiper son super-téléobjectif de la même technologie SuperSpectrum que son capteur principal. La promesse : vous permettre de prendre des photos de nuit de très loin sans dégradation de qualité. Nos premiers essais se révèlent assez décevants, il y a de gros problèmes de gestion de la balance des blancs (espérons que Huawei les comble lors d’une prochaine mise à jour logicielle). En revanche, saluons la stabilisation optique du smartphone, à toute épreuve. À une main, même en zoom x50, l’image n’est pas dégradée par un quelconque tremblement. Comme Samsung avec son Galaxy S20 Ultra, Huawei frappe fort.
Enfin, avec son penta module caméra, le Huawei P40 Pro+ est le plus impressionnant de tous les mobiles jamais annoncés par la marque. Le smartphone partage avec le P40 Pro son capteur principal de 50 Mpix, son ultra grand-angle de 40 Mpix et son capteur ToF mais se différencie au niveau du zoom. À vrai dire, il en a deux. En plus d’un téléobjectif avec zoom x3 (comme sur le P40 classique), cet appareil embarque le premier périscope avec… zoom x10 optique. Rattaché à un capteur de 8 Mpix (lui aussi SuperSpectrum), ce dernier peut monter jusqu’à du x100 numérique. Les plus moqueurs diront que Samsung fait pareil avec son S20 Ultra mais rappelons- leur que le mobile du Coréen n’a qu’un zoom optique x4. Il y a de grandes chances pour que le mobile de Huawei soit bien meilleur.
Mentionnons aussi quelques nouveautés communes aux trois smartphones comme la mise en place de nouveaux algorithmes pour le mode portrait (qui améliorent notamment la justesse de la couleur de peau) ou d’un système d’élimination des reflets. Un nouveau mode similaire au Live Photo d’Apple permet aussi d’enregistrer une courte vidéo avant et après la prise d’une photo pour garder plus de souvenirs. Nous aurons beaucoup à dire sur les appareils photo des P40 dans les prochains jours et semaines.
Pour en savoir plus : Photo : Huawei démontre à nouveau son impressionnante maîtrise technologique avec les P40
Le logiciel, toujours le boulet de Huawei
Aussi incroyables que soient ces Huawei P40, rappelons que ces smartphones sont privés des services Google. Cela pose d’énormes problèmes à l’utilisation. Par exemple, à la première configuration, impossible de récupérer de nombreuses applications venant de son ancien smartphone. Toutes les applis Google, Facebook, Uber etc. sont grisées… Si vous souhaitez les récupérer vous-mêmes, en téléchargeant leurs APK, vous découvrirez ensuite qu’elles ne fonctionnent pas toutes. Citymapper, Uber, YouTube, Yuka, PathéGaumont, pour ne citer qu’elles, ne démarrent pas sur les nouveaux terminaux du géant Chinois (ils utilisent des APIs Google, absentes de ce smartphone). À la place, Huawei vous recommande de passer par votre navigateur et d’opter pour leurs versions web. Cela fonctionne, mais a-t-on vraiment envie d’un smartphone incompatible avec tout en lot d’applications populaires ?
À lire aussi : On a testé le Huawei Mate 30 Pro sans Google : il est inutilisable
Sur le long terme, Huawei mise sur ses HMS (Huawei Mobile Services) pour combler le vide. De nombreuses applications rejoignent chaque jour son magasin d’applications AppGallery même si, reconnaissons-le, ce dernier est encore très vide aujourd’hui. À côté du Play Store, il fait vraiment pâle figure (d’autant plus qu’il y a des bugs d’interface très étranges, comme des textes écrits en chinois ou en espagnol au milieu de français). Nouveauté 2020, lorsque l’AppGallery ne dispose pas de l’application que vous recherchez, il peut vous rediriger vers le site de son éditeur ou des plates-formes tierces comme Telecharger.com. Cette solution a tout de même un important point négatif : vos applications ne seront pas mises à jour toutes seules. Nous vous recommandons à la place d’opter pour des magasins tiers comme l’Aurora Store même si, encore une fois, rien ne vous dit qu’une application fonctionnera une fois installée. S’équiper d’un smartphone Huawei à l’heure actuelle, c’est un peu la loterie. Heureusement, la marque promet de nombreuses améliorations dans le courant de l’année 2020, notamment avec un système de notifications pour vous alerter lorsque des mises à jour des applications installées par APK lorsqu’elles seront disponibles.
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Autre nouveauté introduite avec les P40, Huawei remplace le moteur de recherche de Google par celui de Qwant. La marque lance aussi son service d’appels vidéo MeeTime (un concurrent de FaceTime et Google Duo) et Huawei Music, son concurrent de Spotify (avec trois mois offerts puis un abonnement à 9,99 euros par mois). Nous y reviendrons plus en détails prochainement.
Huawei peut-il s’en sortir ?
En l’état, il nous semble compliqué de vous recommander la gamme P40. Commercialisés respectivement 799 euros, 1099 euros et sans doute plus de 1300 euros pour le plus haut de gamme s’il arrive en France, les Huawei P40, P40 Pro et P40 Pro+ rencontrent encore d’importants problèmes logiciels et ne se destinent pas à tous les publics. Huawei nous a assuré qu’une hotline VIP, à destination des clients de ces appareils, répondra à toutes leurs questions sur l’installation d’applications. Cela nous semble tout de même difficile à gérer sur le long terme. D’ailleurs, selon nos informations, Google bloquerait désormais à distance l’installation clandestine de ses services sur les terminaux Huawei… Peut-on créer le meilleur smartphone du monde sans Google ? Nos tests complets des smartphones, dans les prochains jours, nous feront peut-être changer d’avis mais, pour l’instant, nous serions tentés de dire non, tant cela relèverait de l’exploit.
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