Olivier Huart, le directeur général de Cegetel, n’y va pas par quatre chemins : pour lui, il est impensable d’accepter toute augmentation de l’abonnement téléphonique – demandée, et en passe d’être obtenue par France
Télécom* – tant que les opérateurs ne disposeront pas de moyens de concurrencer correctement l’opérateur historique.Selon lui, deux moyens le permettraient. Le premier : la revente en gros de l’abonnement téléphonique par France Télécom à ses concurrents. L’ART
vient d’en valider l’idée, mais le dossier prendra au moins un an avant d’émerger.Le second : le dégroupage total, qui permet à un opérateur de proposer des services couplant internet, téléphonie, télévision, etc., et intégrant l’abonnement téléphonique. Il est déjà possible, mais les opérateurs alternatifs se
plaignent de problèmes sur le terrain.Cegetel souhaite donc que l’ART se saisisse du dossier et favorise l’essor du dégroupage total – environ 60 000 lignes aujourd’hui – comme elle l’a fait pour le dégroupage partiel, qui a déjà dépassé le million de
lignes.France Télécom souhaite et négocie actuellement une hausse de l’abonnement téléphonique (13 euros par mois aujourd’hui). Quelle est votre réaction ?
Je trouve cela absolument grotesque. Pour France Télécom, augmenter l’abonnement aujourd’hui, c’est sans risque et tout bénéfice, puisque c’est sans contrepartie. Accepter aujourd’hui une augmentation de l’abonnement contre de simples
promesses de revente en gros ou d’amélioration du dégroupage total n’est pas acceptable.
L’abonnement est la seule prestation qui augmenterait dans un univers en concurrence. Depuis 7-8 ans, il a déjà doublé. C’est une augmentation sans risque pour France Télécom puisque ses clients peuvent difficilement le quitter pour
la concurrence dans les conditions actuelles du marché.Que souhaitez-vous exactement ?
Nous demandons un gel du prix de l’abonnement tant que les conditions d’une concurrence effective sur l’abonnement ne sont pas là. Il faut également mettre en ?”uvre le dégroupage total, notamment en baissant le prix, comme certains
de mes confrères l’évoquent, autour de 6 ou 7 ?, contre 10,5 aujourd’hui. Ce prix permettrait de créer un espace économique suffisant.
Quant à la revente de l’abonnement, on ne sait pas encore ce qu’elle sera, sauf qu’il faudra au minimum une année pour la mettre en place, puisque rien encore n’a été discuté avec France Télécom. Pendant cette année d’attente,
1 ? de hausse de l’abonnement ferait entrer directement 300 millions d’euros dans les caisses de France Télécom, ce qui lui permettrait de financer une guerre contre la concurrence.Quelle est la priorité : le dégroupage total ou la revente en gros de l’abonnement ?
Il faudrait que les deux avancent de pair pour couvrir le marché français dans sa totalité. En effet, d’ici à deux ans, il y aura à peu près autant de foyers français qui auront l’Internet à haut-débit – 12 millions
environ – que de foyers qui ne l’auront pas. A ces derniers, nous ne pourrons donc pas proposer d’offres couplées internet-téléphonie-abonnement au travers du dégroupage total ; il faudra bien une solution, celle de la revente en gros de
l’abonnement. Mais l’amélioration du dégroupage total reste la priorité. C’est le moyen le plus rapide de permettre une concurrence.Vous demandez une amélioration des conditions opérationnelles du dégroupage total. Quels sont les problèmes rencontrés sur le terrain ?
Les difficultés aujourd’hui sont de deux ordres. La commande de lignes sur le réseau de France Télécom d’abord. Pour le dégroupage partiel, cela se fait par un intranet spécial. Pour le total, cela se fait par fax, d’où des délais de
production plus longs, des risques d’erreur, etc. De plus – et c’est le plus grave – pour la moitié des clients dégroupés totalement, il y a une coupure totale de la ligne de plus d’une semaine, ce qui sgnifie qu’ils n’ont plus le
téléphone !
Nous demandons deux choses : pour la partie commande, un processus automatique, comme pour le dégroupage partiel, et pour les coupures, que France Télécom garantisse que 90 % des lignes dégroupées totalement ne seront pas en panne
plus d’une journée.Et que vous répond France Télécom ?
Il répond que ‘ C’est comme ça ‘. France Télécom n’a pas d’obligation contractuelle aujourd’hui. Et même s’il en avait, vu qu’il n’y a que 60 000 lignes totalement dégroupées, il
peut se permettre de payer des pénalités. Le problème est donc de trouver un processus qui, comme pour le dégroupage partiel, fonctionne. Le partiel, aujourd’hui, c’est 40 000 lignes par semaine ! France Télécom n’est pas forcément
malveillant, c’est plutôt un manque d’organisation. L’opérateur historique n’a pas organisé clairement le processus. Il faut un cadre.Free, qui ne formule pas exactement les mêmes plaintes que vous en matière de dégroupage total, demande un SAV du dégroupage total, êtes vous d’accord ?
Nous demandons surtout, nous, à Cegetel, le règlement des problèmes sur la partie création de la ligne. C’est la priorité. Ensuite, en effet, il faut un système de service après-vente qui nous permette de nous retourner vers France Télécom
en cas de difficultés sur le réseau. Il faut un service dédié.Que comptez-vous mener comme actions pour obtenir satisfaction ?
A ce stade, il n’y pas d’action contentieuse. Porter le problème devant le Conseil de la concurrence est quelque chose de sérieux. Avant d’aller jusque-là, je préfère le dialogue et le lobbying. Mais il est clair que nous ne pourrons pas
nous satisfaire de la situation actuelle. Le dégroupage total est une question de survie pour les opérateurs alternatifs.
Nous souhaitons que l’Autorité de régulation des télécommunications organise de toute urgence des discussions avec France Télécom et les opérateurs concurrents pour régler – comme elle l’a fait pour le dégroupage partiel – les
questions de mise en ?”uvre et de la vie de tous les jours du dégroupage total. L’ART est consciente de nos problèmes, mais, en même temps, quand je vois qu’elle est favorable à une hausse de l’abonnement sans contrepartie, je me pose des
questions.* France Télécom souhaiterait que l’abonnement passe de 13 à 15,50 ? d’ici à 2007, avec une hausse de 7,8 % dès 2005, et des hausses régulières sur trois ans. Les pouvoirs publics n’ont pas encore
tranché. France Télécom, pour obtenir satisfaction, aurait menacé de ne plus se porter candidat pour assurer le service universel, alors qu’il est le seul à avoir présenté un dossier.
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