Ils se sont rencontrés sur internet et s’y sont séduits. Artistiquement. Venue des Beaux-Arts, Magali Desbazeille, 30 ans ( www.desbazeille.nom.fr), cherchait une nouvelle manière de donner chair à son fantasme du moment : l’expression esthétique des pensées intérieures de l’autre. Musicien, Siegfried Canto, trentenaire, explorait les arcanes de la musique électronique et de l’interactivité. Sur le forum de l’Ircam (l’Institut de recherche et de coordination acoustique/musique, au Centre Georges-Pompidou), leurs désirs convergèrent : les deux artistes se retrouvent dans le monde réel, connectent leurs univers et montent Tu penses, donc je te suis, une installation multimédia qui déclenche des pensées fictionnelles sonores chaque fois qu’un spectateur “réel” croise l’itinéraire d’un piéton filmé. “L’image infrarouge des spectateurs est comparée avec l’image vidéo mémorisée. Les deux images sont virtuellement divisées en cases. Quand il y a coïncidence entre deux trajectoires, le son se déclenche”, détaillent les créateurs.Présentée une dizaine de fois, notamment au prestigieux festival autrichien Ars Electronica de Linz (Autriche), programmée au prochain Festival Art Outsiders (du 18 septembre au 20 octobre à la Maison européenne de la photographie à Paris) Tu penses, donc je te suis reçoit chaque fois un accueil enthousiaste du public.
“Je te suis” accessible
“Contrairement à ce que l’on pourrait imaginer, l’art numérique est bien plus accessible que les arts traditionnels, justifie Magali Desbazeille, car l’image, le son, le mélange de médias, chacun le vit au quotidien.” Sommé de participer, le spectateur s’amuse et se découvre au contact de l’?”uvre : “C’est en grande partie pour permettre cet investissement du public que nous choisissons d’utiliser les technologies multimédias à des fins artistiques”, souligne la plasticienne. Et pas en raison d’une appétence particulière pour le code et les réseaux. Si Siegfried Canto a suivi des formations sur l’utilisation des nouvelles technologies en musique, à l’Ircam, Magali Desbazeille est une autodidacte. “J’apprends en marchant. Utiliser le numérique, c’est un cheminement, plus qu’un choix, le moyen qui semble le plus adapté à un instant T pour réaliser un type de projet et exprimer une réalité contemporaine.” Mais le medium peut aussi influencer et commander le message : pour leur nouveau projet Key + words (présenté au Cube en octobre, à Issy-lesMoulineaux, dans le cadre du festival La Cité numérique), les deux artistes interrogent le vocabulaire propre à l’internet, et les enjeux liés au flux d’informations.
Requêtes productives
À mi-chemin entre la performance interactive et le net art, Key + words associe des voix off aux requêtes faites par les internautes en direct sur le moteur de recherche Metacrawler, avec le souci, entre autres, de pointer les désinhibitions propres à cette communication prétendument anonyme. Un site web dédié permet de se faire une première idée des mots clés les plus fréquemment tapés ( www.key-words.info) et sert de vitrine promotionnelle, notamment vis-à-vis des organisateurs de festivals : “Notre art se vend comme de l’événementiel, rappelle Siegfried Canto, nous sommes rémunérés au cachet et pas par la vente d’une ?”uvre, et ce sont des producteurs qui financent notre processus créatif.”Une logique économique capable d’alimenter les corps et les ordinateurs ? Magali Desbazeille ne cache pas donner par ailleurs des cours d’art vidéo, tandis que Siegfried Canto travaille ponctuellement pour la télévision et enseigne la musique. Mais les deux artistes s’estiment plutôt bien lotis : “Avec une dizaine de présentations de nos ?”uvres par an, on s’en sort, estime Magali Desbazeille. La preuve : je gagne plus d’argent que nimporte lequel des autres étudiants de ma promotion aux Beaux-Arts.”
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