L’échéance se rapproche. A compter du 1er janvier 2005, les quelque neuf cent soixante-dix groupes français cotés et leurs milliers de filiales devront publier leurs comptes consolidés aux nouvelles normes
comptables, dites IAS (International Accounting Standards), et récemment rebaptisées IFRS (International Financial Reporting Standards).Un an de comparabilité étant exigé, un premier bilan d’ouverture pro forma devra être produit dès 2004. En dépit du prévisible aménagement des normes IAS 32 et 38, ayant trait à la ‘ juste
valeur ‘, le calendrier définitif a été approuvé le 16 juillet par le Comité de réglementation comptable. Le mouvement est inéluctable, et les entreprises concernées ne doivent pas tabler sur un éventuel report de
dernière minute. Cela malgré les efforts de lobbying actuellement menés, en particulier par les banquiers français.
Retard à l’allumage pour les sociétés françaises
Les mois à venir seront cruciaux, car le chantier est d’importance tant en termes d’études, d’organisation et de formation que de changements informatiques. L’enrichissement de l’information financière (sectorielle, comparative)
aura notamment un impact sur les systèmes d’information liés à la consolidation, à la gestion financière et au reporting, et, bien entendu, à la comptabilité générale et analytique.Le délai nécessaire pour effectuer la migration opérationnelle aux normes IAS/IFRS est estimé entre dix-huit et vingt-quatre mois. Pour autant, les groupes français semblent accuser un retard à l’allumage. Notamment par rapport à
leurs homologues de la zone germanique ou du Benelux, comme le relevait en juin le baromètre SAP-Novamétrie dans le secteur de la banque/assurance. ‘ Nos grands clients évoquent le sujet IAS depuis un an et demi, mais les
responsables projet n’ont été nommés qu’il y a quatre ou cinq mois, s’étonne Dung Pham Tran, directeur général adjoint de la société GTI Consultants. Les demandes en compétences IAS ne nous parviennent que maintenant. Avec un
délai de quelques mois pour mettre en ?”uvre les applications, les risques de dérapage sont relativement importants. ‘Directeur du pôle ‘ normes et pratiques comptables ‘ et associé du cabinet d’audit et de conseil RSM Salustro Reydel, Xavier Paper partage ce constat. ‘ Si l’on met
de côté les grandes sociétés du CAC 40, qui ont déjà le pied à l’étrier, le degré de sensibilisation est extrêmement faible. L’interprétation des normes comptables reste très conceptuelle, et les directions générales des petits groupes ont du mal à
se les approprier. ‘L’impact des normes IAS/IFRS varie toutefois avec la nature de l’activité, selon Vincent de Poret, responsable des solutions finance et business intelligence chez SAP France. ‘ Les normes 32 et 39 donnent
beaucoup de travail ?” en particulier aux banques et aux sociétés d’assurances. En revanche, pour les directions financières utilisant peu d’instruments financiers, ce passage aux normes apparaît plus
simple. ‘Un temps évoquée, l’analogie avec les grands chantiers transversaux de l’an 2000 et de l’euro est immédiatement réfutée. ‘ Ici, pas de ” patchs ” informatiques pour assurer la conversion.
Les entreprises doivent, avec le passage aux nouvelles règles comptables, s’engager dans une nouvelle philosophie’, estime Vincent de Poret.‘ Le passage aux IAS-IFRS n’est pas un chantier informatique comme a pu l’être l’an 2000 ‘, renchérit Julien Pagezy, senior manager chez PwCGlobalLearning, le département formation
clients de PricewaterhouseCoopers. Il ne s’agit pas non plus d’un simple changement de référentiel de présentation des comptes. L’enrichissement de l’ensemble de l’information financière constitue un véritable changement culturel, qui va
concerner non seulement les équipes normes et consolidation ‘ corporate ‘, mais aussi, en casca de, leurs correspondants dans les différentes filiales. ‘
Le succès du projet repose sur la phase préliminaire
Compte tenu de la nature du projet, son pilotage revient de droit à la direction financière. Le comité de pilotage associe toutefois un grand nombre de directions opérationnelles ?” commercial, achats, production,
etc. ?”, concernées par cette révolution culturelle. ‘ Les impacts métier ne doivent pas être minorés, met en garde Philippe Madar, directeur général d’Aedian Organisation. Ce sont les
applicatifs métier qui vont alimenter les progiciels comptables. De notre point de vue, il s’agit avant tout d’un projet de direction générale. C’est à elle de donner l’impulsion. ‘L’étape préliminaire de définition de l’expression des besoins utilisateurs et de l’élaboration des cahiers des charges fait aussi appel à des consultants fonctionnels et à des assistants à la maîtrise d’ouvrage. Il s’agit de
compétences à dominante financière ?” auditeurs, consolideurs, diplômés de gestion ?”, disposant d’une bonne vision des systèmes d’information.Ces compétences sont d’autant plus difficiles à trouver qu’une aptitude au travail en mode projet et une expérience réussie en migration comptable (US GAAP, par exemple) sont exigées. ‘ Les chefs de projet IAS
actuellement recrutés doivent démontrer une expertise métier et une capacité à gérer des chantiers transversaux, estime Jean-Baptiste Sassolas, directeur du bureau spécialisé finance du réseau de cabinets de recrutement MRI Worldwide.
Pédagogues et communicants, ils doivent être aptes à travailler avec différentes équipes, notamment informatiques. ‘Des qualités d’autant plus importantes que le succès du projet repose grandement sur cette phase amont. ‘ Il s’agit de vulgariser auprès des directions opérationnelles et générales les changements induits par
l’avènement des nouvelles normes comptables ?” à forte abstraction conceptuelle ?” et de les traduire sous forme de spécifications techniques détaillées, utilisables en l’état par les informaticiens, juge Xavier Paper.
Ce travail préparatoire permet de trancher entre différents choix et options, fondamentaux pour la suite des événements. Faut-il, par exemple, fusionner le reporting comptable et le reporting opérationnel ou les
déconnecter ? ‘Ce travail de défrichage a été minimisé, estime, pour sa part, Julien Pagezy. ‘ C’est une lourde responsabilité, qui incombe à des profils de financiers, mais disposant d’une sensibilité aux aspects
informatiques de mise en ?”uvre. ‘L’arrivée d’informaticiens ‘ purs et durs ‘ devrait, quant à elle, intervenir en cette rentrée. ‘ Les demandes en ressources vont se multiplier en septembre/octobre avec le véritable
démarrage des développements informatiques, analyse Dung Pham Tran. Pas de surprise sur les profils attendus. Les projets IAS/IFRS feront appel à des développeurs (Cobol/DB2, Java, etc.), à des spécialistes du paramétrage de PGI (Oracle,
SAP, etc.), de progiciels comptables (Coda, AS, etc.), de gestion financière (Cartesis, Cognos, etc.) ou de business intelligence (SAS, Business Objects, Hyperion, etc.), ainsi qu’à des experts en outils de collecte de type ETL et en
datawarehouse/datamart dédiés finance.
Peu de création de postes spécifiques
S’agissant de profils ‘ classiques ‘ de développeurs-testeurs, aucune pénurie n’est à craindre. Surtout dans la période de crise que connaît actuellement le marché du travail. Les projets
IAS/IFRS devraient, d’ailleurs, générer peu ou pas de création de postes spécifiques. ‘ Le contexte économique et l’arbitrage entre les différentes priorités limitent le recrutement externe et ?” le cas
échéant ?” le recours à la sous-traitance ‘, observe Jean-Baptiste Sassolas. En cas de dérapage sur le calendrier, l’appel aux SSII pourrait toutefois devenir plus soutenu.BNP Paribas suit cette politique pragmatique. ‘ Pour les applications maintenues en TMA, le prestataire assurera l’adaptation, prévoit Alain Gillard, responsable de la coordination du programme IAS au
sein de l’entité Systèmes d’information groupe (SIG) de BNP Paribas. Pour les applications prises en charge par SIG, nos équipes se renforceront par affectation de compétences internes, que nous compléterons, si besoin, en recourant à
notre panel de sociétés de services.’
Bâle II : un projet peut en cacher un autre
En parallèle aux IAS/IFRS, les établissements financiers doivent aussi conduire un autre chantier (Bâle II) sur l’évaluation des risques internes. Si l’échéance semble plus lointaine (2006), la réforme de Bâle II exige un minimum de
trois années d’historique. Ce qui entraîne un chevauchement des calendriers. Faut-il pourtant jouer les synergies ?Philippe Madar milite pour une coordination des groupes de travail. ‘ Il s’agit de deux projets réglementaires, visant à améliorer et à clarifier la communication financière, et ayant des incidences communes
par exemple, au niveau de certains référentiels clients et produits. Leur coordination évitera les retours en arrière et les retouches, générateurs de surcoûts. Quoique imposés, les IAS/IFRS et, surtout, Bâle II doivent être vécus comme
l’opportunité d’améliorer les modes de fonctionnement des établissements bancaires. A la différence de l’an 2000, ils peuvent être envisagés comme des projets avec retour sur investissement. ‘ A BNP Paribas, une
coordination est assurée entre les groupes de travail IAS/IFRS et Bâle II. Dans le premier cas, la direction de projet a été confiée à l’entité ‘ finances et développement groupe ‘ et, dans le second, à
la direction des risques. Alain Gillard relaie cette coordination au sein de SIG.La multiplication des chantiers imposés ?” an 2000, euro, IAS/ IFRS, Bâle II ?” ainsi que le contexte de fusion dans le milieu financier ?” BNP Paribas, Natexis-Banques Populaires, Crédit
Agricole-Crédit Lyonnais, etc. ?” font craindre le report d’un certain nombre de projets pourtant jugés prioritaires. ‘ Les banques et, plus encore, les sociétés d’assurances devront, tôt ou tard, s’engager dans la
refonte en profondeur de leurs systèmes d’information, analyse Philippe Madar. Certains groupes ont atteint une obsolescence à la fois technique et fonctionnelle, qui peut devenir inquiétante. ‘Face à l’urgence, un certain nombre de groupes pourraient, selon Vincent de Poret, adopter une démarche pragmatique en deux temps. ‘ Se restreindre au minimum légal pour assurer, dans les délais, la migration
vers les IAS, puis remettre à plat la chaîne d’information financière, comme cela a déjà été fait pour la chaîne logistique ou la chaîne client. Par une simplification des interfaces et une réduction des délais de réponse, cette refonte assurera une
meilleure fluidité et une traçabilité accrue de l’information. ‘ Les directions informatiques n’ont pas fini d’entendre parler d’information financière.
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