Les batteries des voitures électriques souffriraient des basses températures. L’idée n’est pas nouvelle, et elle est confirmée par la grande majorité des propriétaires de véhicules électrifiés qui, dès que les températures baissent, se retrouvent à charger leur véhicule plus souvent.
Les raisons sont nombreuses, nous y reviendrons dans le détail, mais l’objectif de cet article n’est pas seulement de les énumérer. Nous avons voulu savoir ce que le froid changeait vraiment en matière de consommation, de capacité de recharge et d’utilisation pour une voiture électrique.
Pour cela, nous avons choisi de partir sur plusieurs cas pratiques et de couvrir différents types d’utilisation. Ainsi, trois véhicules ont été mis à l’épreuve, deux en utilisation quotidienne, et le dernier au cours d’un long trajet. Ce dernier a d’ailleurs dû affronter des conditions climatiques particulières, puisque nous l’avons emmené jusque dans les Alpes où il a subi des températures proches de -20°C.
Winter is coming
Les trois modèles choisis :
La compacte sportive de Seat, et le SUV de Mercedes ont été utilisés dans des conditions classiques, avec une conduite majoritairement urbaine. En revanche, le Mach-e avec sa grande batterie a eu le droit à un traitement de choc avec plus de 1 500 km parcourus, majoritairement sur autoroute, une conduite en montagne et des températures glaciales.
Une précision tout de même : les trois modèles que nous avons choisi de confronter au froid ont tous fait l’objet d’un essai classique lors des mois précédents. La mesure de leur consommation par basse température a donc pu être comparée à celle qui avait relevé au moment de leur essai.
Bien sûr, ces données n’ont pas pour vocation de tirer un bilan définitif. La nature même et les conditions de cet essai comparatif font qu’il n’a pas été possible d’appliquer une méthode strictement scientifique. Il aurait fallu pour cela rouler avec les trois voitures, sur les mêmes routes et au même moment. Néanmoins, compte tenu du temps passé au volant des trois électriques, des kilomètres parcourus et de la variété des itinéraires choisis, il nous est permis de penser que notre expérience est représentative et qu’elle donne un aperçu complet du comportement des batteries en hiver.
Le froid au quotidien
Allons à l’essentiel. Que ce soit sur l’EQA ou la Born, la consommation moyenne que nous avons constatée par temps froid était supérieure à celle que nous avions pu observer lors de leur essai initial. Ceci est un phénomène tout à fait normal lié à la déperdition.
Lorsque les températures sont basses (inférieures à 10°C), le rendement des batteries est dégradé. Pour le dire autrement, il y a une perte de quelques kWh entre ce que la batterie à en réserve et ce qui est effectivement consommé. Cette déperdition va croissante à mesure que les températures baissent.
- Consommation de l’EQA lors de l’essai (4 juillet 2021) : 18,6 kWh/100 km
- Consommation de l’EQA par temps froid : 23,2 kWh/100 km
- Consommation du Cupra Born lors de l’essai (20 novembre 2021) : environ 18kWh/100 km
- Consommation du Cupra Born par temps froid : 22,4 kWh/100 km
Il serait tenant de s’arrêter à cette donnée brute et d’en tirer les conclusions qui s’imposent. Pourtant, il est intéressant de se pencher sur les sources de consommation électrique pour chaque voiture, car celle-ci n’est pas uniquement liée au fait de rouler. En effet, dans la consommation d’une voiture électrique est également comptabilisée l’énergie nécessaire à la climatisation ou au fonctionnement du système d’infodivertissement. Un modèle comme l’EQA, par exemple, propose dans son interface de regarder quelles sont les sources de consommation électrique.
Ce que nous avons pu y constater, c’est que la part de consommation dévolue à la climatisation de la voiture était conséquente. Celle-ci évolue selon que l’on démarre le véhicule le matin, lors d’une première utilisation ou qu’on l’utilise en cours de journée.
Concrètement, lors des vingt premières minutes qui suivent le démarrage d’une voiture au petit matin, la part de consommation due au chauffage peut dépasser les 40%. Celle du roulage oscille entre 40 et 50%, les médias n’utilisant que 7 à 8% de l’énergie consommée.
Pour réduire l’impact du démarrage à froid et de la climatisation, il n’y a qu’une seule solution : brancher son véhicule au domicile et utiliser la fonction préchauffage de son application. Dès lors, la voiture utilisera l’énergie délivrée par la prise pour ses besoins, limitant ainsi le recours à la batterie.
Bien que contraignant, ce procédé permet de réduire de manière conséquente la consommation instantanée des premiers kilomètres. Ce que nous avons pu constater alors c’est une baisse moyenne de 3 kWh/100 km. En somme, la consommation reste plus élevée qu’en temps normal, mais relativement contenue.
Et la recharge ?
Pour la Cupra Born et la Mercedes EQA, nous avons privilégié une méthode de charge classique, c’est-à-dire au domicile ou sur des bornes publiques. Pour rappel, en France, plus de 80% des charges se font « à la maison ». La recharge rapide a été réservée au Mach-e et sur long trajet.
Sur ce type de recharge, l’impact du froid n’est pas significatif. Non pas que la batterie soit dispensée d’une mise à température, celle-ci est une étape incontournable du processus. Disons simplement que par sa nature même, la charge lente… demande un certain temps.
Concrètement, lorsque la voiture reste branchée toute la nuit, qu’elle atteigne sa pleine puissance au bout de 30s ou d’une heure n’a que peu de conséquences sur le résultat final. La problématique de mise à température est en revanche plus problématique à mesure que les puissances de recharge augmentent, le cas le plus évident étant la charge rapide de type DC Combo, soit la solution incontournable des longs trajets en électrique.
Partir à la montagne en électrique, une folie ?
Afin d’avoir un aperçu du comportement d’une batterie de voiture électrique en hiver et ce dans plusieurs cas de figure nous avons décidé de mettre à l’épreuve l’un des véhicules les plus endurants de sa catégorie, le Mustang Mach-e. Pourquoi ce choix ?
D’une part, parce qu’avec sa grande batterie de 99 kWh (88 kWh utiles), l’autonomie électrique de la Mustang nous permet de se tester sur un long trajet. D’autre part, parce que le SUV sportif dispose dans ses caractéristiques techniques de deux dispositifs adaptés aux basses températures, la pompe à chaleur et un système de préconditionnement de la batterie.
Vous l’aurez compris, si le Mach-e n’est pas représentatif de tous les véhicules électriques, il permet de tester le comportement d’un accumulateur dans plusieurs cas de figures.
Quel est l’impact du froid sur un long trajet ?
Notre long trajet en Mach-e nous a menés de la région parisienne à la Haute-Savoie, soit 745 km à l’aller et autant au retour. Le premier des enseignements de cette aventure, et non des moindres, c’est que ce périple est réalisable en voiture électrique, à condition d’avoir la taille de batterie appropriée bien entendu.
À l’aller, comme au retour, nous avons opté pour trois recharges. Une stratégie à deux arrêts aurait pu être envisagée mais, d’une part, nous souhaitions nous épargner quelques frayeurs, et, d’autre part, le dernier arrêt de chaque trajet avait pour but de disposer d’un niveau de batterie suffisant à l’arrivée.
Il convient également de noter que notre Mach-e Extended Range était équipé de pneus hiver, indispensables en montagne, mais qui ne sont pas sans conséquence sur son autonomie, bien que celle-ci dépasse les 600 km théoriques (610 très précisément). En effet, la résistance au roulement des pneus hiver est plus élevée que celle des pneus été.
Un voyage, de nombreux enseignements
Ces 1 500 km parcourus par temps froid et l’intervalle glacial entre les deux trajets nous ont permis de tester le comportement du Mach-e dans plusieurs conditions, et d’en tirer de nombreux enseignements.
De manière générale, la consommation moyenne de la voiture est plus élevée que dans des conditions météo plus clémentes. Ce que nous avions constaté avec l’EQA et la Born se retrouve également lorsqu’on se cantonne à l’autoroute et que l’on rallonge le trajet. Ainsi, notre consommation moyenne s’est établie aux alentours de 26-27 kWh.
Si les basses températures n’ont qu’un impact limité lors du roulage, il en est tout autrement pour les phases de recharge. En effet, si la température de la batterie est trop basse, la puissance de charge qu’elle peut accepter est réduite par rapport à son potentiel.
Pourquoi ? Pour éviter le phénomène dit de « déposition de lithium », c’est-à-dire des micro courts-circuits à l’intérieur des cellules qui dégradent la batterie et réduisent sa durée de vie. Par conséquent, chaque véhicule électrique est équipé d’un module de contrôle de la batterie qui se charge de trouver le bon compromis entre vitesse de charge et impact sur les cellules.
Des temps de charge rallongés par temps froid
Dans le cas de notre Mach-e, dont la puissance de charge est de 150 kW, nous avons pu observer qu’il était difficile d’atteindre cette puissance et que s’en approcher demandait plusieurs minutes de charge.
En effet, sur les bornes Ionity que nous avons utilisées tout au long du parcours, il a fallu attendre de longues minutes pour que la charge délivrée s’approche de la puissance théorique. Celle-ci démarrait régulièrement aux alentours de 70 kW pour monter progressivement vers des valeurs plus décentes et même jusqu’à 152 kW. Ce phénomène est tout à fait classique, mais il doit être pris en compte dans la mesure où il rallonge les temps de charge.
Bonne nouvelle néanmoins, cette altération de la puissance de charge peut être réduite de plusieurs façons. La plus évidente consiste à disposer d’un véhicule doté d’un système de préconditionnement automatique.
C’est-à-dire qu’une fois l’itinéraire renseigné et les recharges identifiées, le véhicule est capable, à l’approche de la borne, de faire monter artificiellement la température de sa batterie pour qu’elle soit en accord avec celle de la borne.
Ce type de dispositif existe notamment chez Tesla, Mercedes ou BMW. Mais il existe également des moyens artificiels pour optimiser ces charges difficiles. Le meilleur consiste tout simplement à couper le moteur du véhicule lorsque celui-ci est branché à la borne ou, a minima, de désactiver le chauffage dans l’habitacle pendant les dix premières minutes de la charge.
De l’intérêt de la pompe à chaleur
Entre un aller et un retour à la montagne, il y a souvent un intervalle de temps pendant lequel le véhicule est moins sollicité, voire pas du tout. Dans notre cas, le Mach-e a été stationné pendant une semaine sans sollicitation aucune, à environ 2 000 m d’altitude pour des températures comprises entre 2°C en journée et – 19°C la nuit.
La vérification du niveau de la batterie chaque jour nous a permis de constater deux choses. D’une part, le niveau de la batterie n’a que très peu varié (81% le jour de l’arrivée, 80% une semaine plus tard).
En revanche, l’autonomie annoncée d’un jour à l’autre a varié (de 274 km à 238 km). Cet écart d’une quarantaine de kilomètres est le fruit d’un calcul de l’ordinateur de bord qui réévalue à la hausse la consommation du Mach-e compte tenu du froid (-7°C au moment du dernier relevé de température).
Sur ce point, l’électrique de Ford dispose d’un avantage indéniable : sa pompe à chaleur. En effet, à l’inverse des véhicules thermiques qui ont deux dispositifs distincts pour générer le chaud et le froid, les voitures électriques doivent se contenter de leurs résistances électriques et dans le meilleur des cas d’une pompe à chaleur. Cet équipement permet de réduire la consommation énergétique, notamment lorsqu’il s’agit de chauffer l’habitacle. Si son utilité dans des zones au climat tempérée peut être remise en cause (notamment eu égard à son prix), elle s’est avérée fort efficace lors de notre essai pour permettre au Mach-e de se chauffer sans faire fondre sa batterie.
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Autant l’hiver éclate que l’hétéroclite
Les voitures électriques n’aiment pas l’hiver, c’est un fait et les nombreux témoignages de propriétaires de véhicules électrifiés sont avérés. Cependant, il serait erroné de penser que le froid réduit l’intérêt de l’électrique, il s’agit simplement d’un paramètre supplémentaire à prendre en compte par les utilisateurs.
Tel est le lot de chaque nouvelle technologie, elle vient avec son lot d’inconnues et nécessite parfois des adaptations.
Enfin, si les batteries souffrent davantage en hiver, elles peuvent donner de bonnes surprises en été. C’est à une température de 20°C qu’elles fournissent leurs meilleurs rendements, ce qui permet parfois de dépasser les autonomies annoncées par les constructeurs. C’est ce qui fera dire à certains qu’au royaume de l’espoir, il n’y a pas d’hiver.
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