Un rouleau compresseur désormais en état de marche : c’est l’image que souhaite donner de son groupe Dick Parsons, co-chief operating officer (en d’autres mots, le numéro 2 de la société) d’AOL-Time Warner, première entreprise mondiale de médias. Au moment où la concentration des moyens d’information et de communication s’accélère en Europe, et où Vivendi Universal (propriétaire du Groupe Tests, qui édite Le Nouvel Hebdo) semble déplacer le curseur de son core business vers les États-Unis, cette visite peut être interprétée comme une occasion de faire des emplettes en Europe. À grande échelle, s’entend.Voilà dix-huit mois que la fusion entre AOL et Time Warner a été annoncée. Le bilan est-il positif ? D’abord, je vous ferai remarquer que cela ne fait pas dix-huit mois. Avec toutes les autorisations qu’il a fallu obtenir, nos activités fusionnées n’ont vraiment démarré qu’au 1er janvier. C’est donc un premier bilan effectué sur six mois. Mais encore ? Meilleur que prévu. Nous arrivons à faire de la promotion croisée sur nos différentes lignes de produits grâce à AOL qui est un vecteur fantastique. Car nous n’avons pas besoin de transformer l’offre de Time Warner pour réussir la fusion : AOL est là pour assurer une partie de la promotion, de la diffusion et de la distribution des contenus. Dans cet esprit, je vous annonce que nous allons changer la stratégie de Net- scape, qui faisait jusque-là des logiciels de navigation sur internet, pour en faire un grand portail destiné à agréger en ligne les publications de Time Warner. Voilà un formidable effet de levier et de convergence. Le seul problème ?” mais c’est un gros problème ?” c’est la fertilisation croisée des cultures, surtout au niveau individuel. Je voudrais qu’en France, un cadre du groupe puisse tirer parti de l’expérience de son homologue aux États-Unis. Mais cela va beaucoup plus loin : ces mises en commun doivent déboucher sur quelque chose de nouveau. C’est un grand projet. Est-il pertinent d’opposer votre stratégie, qui utilise internet pour valoriser l’imprimé, à celle de Vivendi Universal, qui semble faire exactement le contraire ? Oui et non. Il y a bien un effet de ciseaux dans les stratégies des deux groupes, mais pas celui que vous suggérez. En fait, cette contradiction apparente est essentiellement géographique : nous sommes un groupe américain qui a besoin de s’internationaliser, Vivendi est un groupe français qui veut s’imposer aux États-Unis. Passons aux relations avec Microsoft. Vous venez d’annoncer la rupture des négociations qui devaient propulser les services AOL sur le menu de lancement du prochain Windows…Nous estimons que Microsoft avait plus à gagner que nous dans cette histoire. Eux pensaient exactement le contraire. Donc, nous en sommes restés là. De toute façon, AOL-Time Warner et Microsoft sont des marques assez fortes pour vivre leur vie séparément, le cas échéant. Toujours dans les portails et les services en ligne, quand Music Net sera-t-il opérationnel ? Avant l’automne. Il est actuellement en phase de bêta-test. Il fonctionnera selon le même principe que Napster, mais avec deux diffé- rences majeures : la première, c’est que le son sera de bien meilleure qualité. Avec Napster, en effet, le résultat est très en dessous de la qualité moyenne d’un CD audio. Music Net permettra donc, grâce à sa technologie DRM [Digital Rights Management, ndlr], d’avoir un son d’une qualité comparable à celle d’un disque compact. La seconde différence, c’est que nous générerons des revenus et que l’utilisateur, lui, aura la maîtrise complète de ses combinaisons musicales. Encore mieux qu’un DJ ! Il sera véritablement le producteur de sa musique.Le prochain défi d’AOL-Time Warner ? La télévision interactive. On en parle depuis bientôt dix ans, mais il faut vraiment que ça décolle. C’est à nous de l’y aider. On a beaucoup de choses actuellement, mais dans le désordre : les programmes, les terminaux, la vidéo à la demande, tout cela est difficile à faire fonctionner ensemble. En plus, c’est très cher. Le business de la télé interactive demande beaucoup de temps et d’énergie. Il est dévoreur de travail en années-hommes. Quant au coût des infrastructures à mettre en place, et surtout à maintenir, c’est énorme. Maintenant, il faut rassembler tout ça, et capitaliser sur l’expérience que nous avons menée à Orlando, en Floride, avec 4000 foyers reliés. La prochaine étape, c’est donc passer de la télé interactive à la télé vraiment interactive. Et vos prochaines emplettes en Europe ? On parle beaucoup de la presse écrite, des jeux vidéo…Nous regardons toutes les opportunités qui se présentent, tout nous intéresse. Le secteur des jeux vidéo, en particulier : c’est de la technologie et du contenu. Tout à fait notre métier.N’êtes-vous pas contraints de réviser vos objectifs à la baisse, au vu du ralentissement des affaires aux États-Unis et d’un marché publicitaire en chute libre ? Aux États-Unis, les choses vont moins bien, mais elles se maintiennent, vaille que vaille. Nous sommes à deux ou trois points de croissance économique par an, et je pense que cela devrait continuer au même rythme dans les trois à cinq ans à venir. Après, je ne sais pas. Quant à la pub, elle baisse. C’est vrai. Mais le business en général reste porteur. C’est pourquoi notre stratégie est simple. Il nous faut privilégier l’expansion internationale, avec un moteur, AOL, chargé de valoriser l’offre de produits et de services. De la tuyauterie et du contenu : autant dire qu’AOL-Time Warner constitue déjà un énorme pipeline.
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