Ces dernières semaines, la ménagère de cinquante ans, comme l’ingénieur informaticien, ou la boulangère du coin de la rue, ont appris ce que les milieux “éclairés” savaient depuis belle lurette : depuis plus de dix ans, le niveau de vie des Français n’a fait que reculer par rapport à celui de nos voisins. Avec 21 500 euros par habitant, la France est douzième sur les Quinze, loin des pays du nord et très loin derrière… l’Irlande.
Une évolution négative
Ce palmarès a suscité deux types de réaction, contre lesquelles il est indispensable de réagir : la culture du doute et celle du tabou. Voyons d’abord la cohorte des sceptiques. Cela va de l’électeur lambda ( “les chiffres, je n’y crois pas”) à l’expert, qui invoque les marges d’erreur inévitables dès qu’il s’agit de grandeurs macroéconomiques. Objection rejetée : que le produit par habitant soit supérieur ou inférieur de 100 ou 200 euros à ce qui a été publié ne change rien au fait que nous sommes clairement en bas de la liste ! En outre, le point important n’est pas le niveau absolu du revenu par tête, mais son évolution relative : là, les chiffres ne sont pas contestables, nous faisons moins bien que nos voisins. Alors, cessons de nous chercher des excuses en soupçonnant les statistiques !Regardons plutôt la balance des capitaux. Jusqu’en 1996-1997, les investissements étrangers en France et les sorties de capitaux français vers l’étranger s’équilibraient à peu près. Maintenant, cela ne marche plus. En 2000, les investissements étrangers en France n’ont pas dépassé 49 milliards d’euros, tandis que les investissements français hors de l’Hexagone atteignaient 190 milliards, et l’on s’attend à un solde encore nettement positif pour 2001. Notre image pâlit…Que faire ? Là intervient la réaction du deuxième type, bien-de-chez-nous. Le fait que ce thème surgisse à quelques semaines des élections serait jugé, dans tout autre pays, comme une aubaine. Pas chez nous : s’interroger sur notre production et notre capacité à créer des richesses, c’est parler de l’entreprise et de son environnement ; or, il paraît que ceci est impossible en période pré-électorale, sauf à passer pour le porte-parole d’une inavouable conjuration : celle des méchants patrons. Pourtant, l’entreprise n’est-elle pas la mère nourricière de l’ensemble des citoyens, qu’ils soient patrons, cadres, ouvriers, fonctionnaires, artistes ou bien soldats ? Et le secteur “non-marchand” (santé, éducation, etc.) ne peut être financé que si la base productive du pays est suffisamment large et performante.
Renforcer l’attractivité du pays
Quels sont donc les bâtons qui bloquent les engrenages ? La revue Sociétal vient de publier un dossier sur “Le site France en danger”, sous la direction de Claude Vimont. Tout y est, ou presque : l’étau fiscal, les dédales administratifs, l’archaïsme du droit du travail et j’en passe. Il faut le dire et le répéter. Mais aussi plaider en faveur d’un environnement politico-économique plus stimulant. Prenons l’exemple de la fuite des cerveaux. On invoque la fiscalité. Mais il n’y a pas que cela : globalement, les conditions de travail offertes à un jeune chercheur à Paris ou à Lyon n’ont rien à voir avec celles de Stanford et du MIT.Deuxième évidence pour un esprit européen “ordinaire” (non français…) : quand on produit insuffisamment, cela veut dire qu’il faudrait sans doute travailler un peu plus. Curieusement, on a décidé, chez nous, dempêcher les gens qui le souhaitent de travailler davantage et plus longtemps. On a beau leur faire des discours, nos voisins ne comprennent toujours pas ! Mais ils nous disent : “La France peut mieux faire.”* économiste
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