Initiateur de la première grande transformation d’Informatique CDC depuis quatorze ans, Nord Zoulim rejoint la Caisse des dépôts en octobre 1999. Entré pour créer et assurer la maîtrise d’ouvrage stratégique de l’informatique du
groupe CDC, il prendra en charge la direction de sa filiale informatique moins d’une année plus tard. Objectifs apaiser le climat social, en simplifier l’organisation et le statut juridique, et l’aligner sur la stratégie des métiers de la Caisse des
dépôts.Après avoir transformé Informatique CDC en un GIE (groupement d’intérêt économique) constitué d’établissements autonomes, dédiés à chaque groupe de métiers actionnaires ?” ur le même principe que la maison-mère ?”,
il est parvenu à obtenir que l’alignement stratégique de l’informatique soit le résultat logique de l’organisation mise en place. Adepte des arts martiaux, Nord Zoulim applique à son management le principe de subsidiarité, qui consiste à
‘ préparer le terrain, convaincre et contrôler l’exécution ‘.Ce premier challenge réussi, il s’apprête à amorcer une démarche d’optimisation industrielle, dont la rationnalisation des processus. Un chantier qui ne manque pas d’intérêts et d’enjeux économiques dans le contexte actuel de
redéfinition du partenariat entre le groupe Caisse des dépôts et le groupe des Caisses d’épargne.01 Informatique : Vous énonciez, il y a trois ans, dans un livre blanc, les enjeux du système d’information au sein de la Caisse des dépôts. Quel en est, aujourd’hui, le résultat ?Nord Zoulim : Deux priorités m’avaient été fixées à mon arrivée par le comité exécutif du groupe structurer la maîtrise d’ouvrage et maîtriser les grands projets. Aujourd’hui, la maîtrise d’ouvrage est organisée
par grands pôles d’activité ?” assurances, banque d’investissements, missions d’intérêt général ?” et par filières métier au sein de chacun de ces pôles. Une structure transversale, légère, coordonne et anime la réflexion et les
actions stratégiques du groupe et de chaque pôle. Tous les objectifs prioritaires fixés par le comité exécutif ont chaque année été atteints. En particulier la maîtrise des grands projets. Le constat ?” auditable ?” est qu’en
trois ans les projets arrivent à l’heure, avec les fonctions prévues et dans un écart de coût inférieur, en moyenne, à 20 %.Quel est votre secret ?La prise en charge des changements en amont, la responsabilisation et l’écoute. Pour le ‘ TOP ‘ du programme C-TOP, j’avoue avoir modestement copié un célèbre camarade de promotion
[Thierry Breton NDLR]. J’ai aussi suivi l’idée selon laquelle, pour rassembler autour de ce type de programme, il faut un slogan fort, capable de mobiliser tous les acteurs autour d’un but commun. Ainsi avons-nous baptisé
notre programme C-TOP, pour Chantier de transformation et d’optimisation des performances. Nom que la CDC nous a d’ailleurs emprunté pour désigner son propre programme de transformation.Quelles sont les transformations effectuées à ce jour ?Il existait une dizaine de structures juridiques différentes. Après avoir simplifié, organisé et responsabilisé entre fin 2000 et 2002, ne subsiste plus aujourd’hui qu’une entreprise structurée en trois établissements autonomes
dédiés. Ceux-ci pourraient presque être considérés comme des filiales dirigées chacune par le pôle d’actionnaires du groupe CDC auquel elle est assignée. Ces établissements sont animés et coordonnés par une sorte de holding transversale, qui agit
comme un support et, surtout, un catalyseur en recherche constante de pistes d’amélioration. Tout cela sous le contrôle du conseil de l’entreprise Informatique CDC. Chacun des établissements dispose de sa lettre d’objectifs pour trois ans. Celle-ci
définit la stratégie du métier et les buts fixés à l’informatique.Allez-vous développer d’autres synergies ?Nous allons passer à un stade industriel pour exploiter toutes les pistes de synergies possibles.S’agit-il de synergie ou plutôt d’un retour à la centralisation ?En aucun cas. Mais nous voulons optimiser les ressources de l’entreprise avant de prendre toute initiative externe. Il s’agit là d’un point majeur. C’est pourquoi nous avons retenu la solution d’une entreprise commune. Prenons
l’exemple des achats. Ils sont pilotés au niveau de la holding, mais c’est une équipe constituée de représentants des entités concernées, qui en définit, les objectifs et la stratégie. Ces responsables sont à la fois demandeurs, partie prenante et
décideurs. Une fois la décision prise, ils ne peuvent que la mettre en ?”uvre. C’est cela que j’appelle l’intelligence collaborative. Et, c’est là-dessus que je veux construire une dynamique de la performance durable.Cela signifie donc que vous ne travaillerez plus avec les petites structures ?Nous continuerons de travailler avec, mais par l’intermédiaire des grandes, qui sont nos partenaires.Pourquoi ce taux de sous-traitance est-il si important pour vous ?Il s’agit d’une variable d’ajustement. Car, il faut définir les compétences clés, c?”ur de métier, à posséder en interne et celles qui peuvent ou doivent être sous-traitées. Et aussi formaliser les risques liés à la sous-traitance
en terme de perte de maîtrise. Et, si nous sommes tenus de traiter avec certains fournisseurs de solutions présentées comme magiques ?” à la demande et ‘ au juste ‘ coût ?”, nous ne
sommes pas obligés d’être naïfs ! Les fournisseurs ne sont responsables que de la réalisation de leur chiffre d’affaires et de leur marge ?” si possible, récurrente et durable. C’est pourquoi je considère que mobiliser les compétences
pour maîtriser ce faisceau de relations participe à la construction de la dynamique collective nécessaire au développement de l’intelligence relationnelle collaborative.Mais, en quoi consiste exactement cette intelligence ?Il s’agit tout simplement de créer les conditions favorables à l’expression des acteurs, afin qu’ils mettent leur intelligence au service de l’?”uvre collective. L’intelligence relationnelle collaborative s’inscrit dans une
logique de rapports humains, dont le respect des individus. Je pense que nous allons revenir à ces fondamentaux humains qui n’ont rien de technologique.Et tout le monde est partant ?C’est bien plus compliqué que pour la technique. Mais j’ai le sentiment que oui. La mise en place s’effectue progressivement, et requiert de respecter un équilibre très fragile. Une sincérité dénuée de tout calcul et une vigilance
continue, de tous les instants, s’imposent. Cela peut redonner confiance et libérer les intelligences individuelles.Quel est le fondement de cette méthode de management qui paraît presque miraculeuse ?Je pense que, pour obtenir des résultats, il faut d’abord mettre les gens en confiance, leur donner une direction et imprimer les bons timings à chaque circonstance. Il ne faut pas imposer les façons de faire, mais préparer le
terrain et libérer les initiatives. Les actions, avec un peu de chance, iront naturellement dans le bon sens. C’est pourquoi je rappelle toujours à ce propos la phrase de Lao-Tseu [le fondateur du taoïsme, NDLR] :
‘ Exceller à vaincre sans lutter, exceller à convaincre sans parler, faire venir spontanément sans appeler, réaliser parfaitement dans une apparente inertie. ‘ C’est ma conviction.Inciter et encourager, certes. Mais encore faut-il que cette intelligence collaborative réponde aux besoins de l’entreprise.Nous mettons en place ce que nous appelons le management par les performances, dont les objectifs sont définis par chaque pôle d’actionnaires et assignés à chaque établissement. Ils sont formalisés dans leur lettre d’objectifs,
validée par le directeur général du groupe CDC, et se déclinent à tous les niveaux de l’entreprise. L’accord d’intéressement s’appuie totalement sur eux. Et, les cadres supérieurs ont une part de leur rémunération variable (environ 10 %) qui
leur est rattachée. Ils sont suivis au travers d’indicateurs chiffrés, définis dans le cadre d’un pilotage économique selon la démarche BSC (Balanced Score Card) et tiennent compte de l’appréciation des clients.L’informaticien doit donc s’occuper exclusivement d’informatique ?Je pense qu’il doit d’abord maîtriser son métier, c’est-à-dire les services qu’il doit livrer, à la qualité, au coût et dans les délais convenus. C’est ce que j’appelle maîtriser son usine, au sens noble du terme, celui de
l’ingénieur. C’est déjà une énorme responsabilité. Comme tout directeur opérationnel, il doit justifier les investissements propres à son usine. C’est une erreur de penser que le DSI peut prendre l’engagement de justifier les investissements
informatiques décidés par les directions métier. Il est dans l’impossibilité de le faire, car le pouvoir de décision appartient aux directions opérationnelles concernées.Pourquoi repensez-vous les métiers de l’informatique aujourd’hui plutôt qu’hier ?Beaucoup de choses ont changé en quelques années. Nous devons accompagner le développement des métiers de l’entreprise, chacun dans son contexte spécifique. Nous sommes bousculés par le timing d’utilisateurs désireux d’aller de plus
en plus vite. A nous de saisir ces occasions pour revoir nos méthodes et d’adapter notre organisation. Les utilisateurs ont progressé. Ils sont de plus en plus enclins à revoir leur organisation en amont des développements. Pour rester en phase,
l’informatique doit anticiper et évoluer, elle aussi.Quels sont les axes d’évolution des informaticiens ?Nous avons créé deux filières de développement des compétences en plus de celle, classique, du passage d’ingénieur à chef de projet jusqu’à DSI, quand tout se passe très bien et avec beaucoup de chance. La deuxième filière est celle
qui conduit à la fonction de directeur de projet. Elle débouche dès maintenant sur une certification, dont deux sont actuellement en cours. La troisième, enfin, est la filière expertise. Associée à une démarche de management par les compétences
?” et non plus par les postes ?”, cette classification permet de mieux couvrir le spectre des compétences internes et d’ouvrir aux collaborateurs des possibilités d’évolution.
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