Norbert Faure, associé chez Ineum Consulting, est plus particulèrement en charge des projets du secteur public.01 Informatique : L’administration française est-elle en mesure, à terme, de rattraper son retard informatique sur les autres pays industrialisés ?
Norbert Faure : La France a comblé une partie de son retard dans ce domaine. Les efforts ont porté sur des projets de mise à disposition d’informations, tels que le centre d’appel commun à toutes les administrations
[le 3939, NDLR] et la consultation en ligne d’informations juridiques et légales, y compris celles publiées dans le Journal officiel. Des chantiers d’une autre nature ont commencé à apparaître, lesquels
autorisent l’Administration à effectuer des transactions. Parmi eux figure le service de déclaration d’impôts en ligne. Dans l’ensemble, ces projets appartiennent aux deux premières vagues de chantiers. La première consistait à mettre en place des
interfaces avec l’usager ; la seconde visait à rationaliser les principes de gestion des services publics.Le plan d’action pour l’Administration électronique prévoit la mise en service de 140 projets d’ici à 2007, alors que l’effet papy-boom touche l’Administration. Les pouvoirs publics peuvent-ils respecter leurs
engagements ?
Les structures et organisations ?” comme l’Adaé ?” nécessaires à l’avancement des projets existent. On sait qu’il faut réaliser des opérations au sein de l’Administration. Ce qui implique de modifier les
fonctionnements et les outils informatiques. C’est ce qui se passe avec la transformation des normes comptables au niveau des collectivités et des administrations d’Etat, ces dernières étant en phase d’accélération très forte dans ce domaine alors
que les collectivités étaient en avance. La fonction hospitalière entre à son tour dans cette logique de meilleure gestion et de meilleur suivi de ses opérations, notamment avec la mise en place de la tarification à l’acte (T2A). Elle dispose d’une
culture de gestion, mais l’informatisation réelle de sa gestion commence seulement. Bref, dans l’ensemble, il faut aller plus loin en s’attaquant à l’usine administrative, car là se situent les meilleurs gains de performance.La mise en place de services publics exclusivement informatiques ne risque-t-elle pas de créer une fracture entre les usagers ?
Les services publics tendent de plus en plus vers une logique de performance. La vraie révolution à venir consiste à faire en sorte qu’un traitement différencié apporte à chaque citoyen la même performance en termes de qualité de
service. Pour l’instant, l’Administration ne sait pas très bien traiter cela. Par exemple, le service de guichet unique de changement d’adresses n’est disponible qu’en ligne, alors qu’il est dépourvu de centre d’appel. Mais cette situation devrait
évoluer.L’Adaé remplit-elle correctement ses fonctions, à savoir la production de normes et le pilotage de projets transverses ?
L’agence joue parfaitement son rôle de définition des normes, indispensable pour que les services publics puissent se moderniser efficacement. S’agissant des projets de système d’information transverses, la situation s’avère plus
compliquée, car il faut que le leader opérationnel dispose d’une masse critique. Le problème est que les gros budgets sont affectés à de gros ministères tels que ceux de l’Economie, des Finances et de l’Industrie, de l’Intérieur ou encore, de
l’Education nationale. On est donc en droit de se demander si l’organisation actuelle de l’Adaé est adaptée pour de tels chantiers. En revanche, sur les projets les plus innovants et nécessairement de taille plus modeste, elle se révèle bien placée
pour jouer le rôle de précurseur.Le volet organisationnel n’est souvent abordé qu’a posteriori dans les projets. Reste-t-il des hommes politiques ayant le courage d’aborder cette question en amont ?
Il est vrai que le volet organisationnel vient souvent après. On choisit d’abord les corps de métiers et les outils, car on imagine toujours, au démarrage, que tenir compte de cet aspect organisationnel représente un surcoût. Mais avant
que les politiques ne se saisissent du problème, les responsables de projet doivent s’appuyer sur un pilotage solide, de façon à garantir l’aboutissement de ces chantiers extrêmement complexes. La prise de conscience réside d’abord à leur
niveau.
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