Nintendo prend très au sérieux la commercialisation sur Internet de puces permettant de faire tourner sur sa Wii des copies de jeux piratés. Dans un
communiqué publié sur son site le 23 avril dernier, il met en garde les utilisateurs qui auraient recours à de telles
pratiques et laisse planer la menace de poursuites judiciaires.Le japonais pointe du doigt les ‘ puces modifiées ‘ (‘ modchips ‘ en anglais), développées par des industriels asiatiques (basés en Chine ou à Hong Kong) et qui permettent de contourner les
protections d’accès de la Wii afin de faire tourner soit des copies de jeux, soit des logiciels libres développés spécifiquement pour la console (une version dédiée de Linux, un lecteur multimédia, etc.).Dans son communiqué, Nintendo prévient que l’installation de ce type de composants peut endommager les consoles et que la garantie ne s’applique pas en cas de problème. Il rappelle en outre que la commercialisation et
l’utilisation de tels produits est illégale dans certains pays dont les Etats-Unis et le Royaume-Uni et explique que les personnes qui vendent ou achètent ce type de puces s’exposent à des poursuites.Qu’en est-il en France ? D’un point de vue pratique, l’installation de ces puces est effectivement une opération à risque puisque l’utilisateur doit souder la puce sur la carte mère de sa console !
Les modèles les plus récents destinés à la Wii (Wiikey, Wiinja, etc.) simplifient l’opération mais les risques demeurent. Au-delà de la fausse manipulation, le fait que Nintendo change régulièrement les composants internes de sa Wii peut
rendre certaines puces inopérantes voire dangereuses pour la console. Avec des puces vendues moins de 50 euros, cela n’empêche pas beaucoup de joueurs de tenter l’expérience.
Des risques juridiques
Reste le risque juridique. ‘ En France, l’achat de puces modifiées n’est a priori pas illégal car les acheteurs peuvent les utiliser pour installer des logiciels libres de droits sur leurs
consoles ‘, estime Henri Leben, avocat spécialisé dans le droit des nouvelles technologies, qui souligne toutefois qu’aucune jurisprudence n’a été établie depuis la promulgation le 3 août 2006 de la
loi DADVSI (la loi sur le droit d’auteur et les droits voisins dans la société de l’information). Ce texte prévoit notamment de sanctionner les personnes qui ont porté sciemment
atteinte à une mesure technique de protection efficace permettant ‘ d’empêcher ‘ ou de ‘ limiter les utilisations non autorisées par les
titulaires ‘ de droits d’auteurs et de droits voisins.Evidemment, si une personne installe un ‘ modchip ‘ et télécharge des copies pirate, elle est condamnable. Une amende de 3750 euros est prévue pour les personnes qui ont fait sauter un verrou afin
d’utiliser illégalement des contenus protégés. Le délit doit être établi (lors d’une perquisition ou par le suivi des téléchargements suite à un accord préalable de la CNIL et l’aide des fournisseurs d’accès). Si un
particulier utilise simplement la puce modifiée pour faire tourner des logiciels libres, il ne court a priori aucun risque.En fait, ce sont surtout les fabricants, les importateurs et les revendeurs qui s’exposent à des poursuites. ‘ Il n’y a pas de jurisprudence issue des dispositions de la loi DADVSI qui interdit la
commercialisation de produits capables de casser des mesures de protection mises en place pour empêcher les utilisations illégales mais les risques de sanction sont bien réels ‘, explique Henri Leben. L’amende peut
atteindre 30 000 euros et s’accompagner de six mois d’emprisonnement (auxquels peuvent s’ajouter des dommages et intérêts à verser au fabricant de la console et / ou aux éditeurs de jeux vidéo).
Des vendeurs prudents
Selon Henri Leben, la façon dont les revendeurs commercialisent leurs produits sur Internet est également très importante. ‘ Il ne faut pas encourager le piratage et il vaut mieux le dénoncer explicitement. Les
revendeurs doivent aussi veiller à ne pas reprendre de manière abusive la marque du fabricant de console ou à faire croire que leurs produits ont reçu le feu vert du constructeur. Il y aurait alors un risque de poursuite pour contrefaçon de
marque ‘, explique-t-il.Prudents, la plupart des revendeurs installés sur Internet dénoncent explicitement le piratage. Certains fournissent également des applications libres de droits avec leurs puces qui justifient une utilisation légale de ces.composants.
Reste que malgré ces précautions, ils pourraient être poursuivis au nom de la loi DADVSI. Pour l’instant, ils se disent confiants. ‘ Il est normal que Nintendo prévienne ses clients de l’annulation de la garantie
liée à la modification du matériel. En revanche, je ne suis pas du tout inquiet sur un plan légal. Le communiqué de Nintendo précise bien que les “modchips” sont illégaux dans certains pays mais ne parle pas de la France ce qui montre
que le flou juridique est bien réel ‘, explique l’un d’entre eux. Nintendo engagera-t-il des poursuites pour établir une jurisprudence ? La filiale française n’a pas été en mesure de répondre à nos
questions avant la parution de cet article. Malgré ces risques de piratage, le fabricant a de bonnes raisons d’être optimiste. En 5 mois, il a vendu près de 6 millions de Wii dans le monde et il prévoit d’augmenter sa
capacité de production pour atteindre les 14 millions d’unités vendues d’ici à la fin de l’année.
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