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Nintendo et la création : le poids du mythe et la réalité (3/5)

Troisième épisode de notre série de confidences d’un employé de Nintendo. Notre source s’inquiète – et elle n’est pas la seule chez Big N – du manque d’évolution dans la stratégie créative de Nintendo. Mythologie et réalité de la création s’entrechoquent.

Notre source, qui s’était jusqu’ici toujours montrée discrète et réservée quant à ses opinions sur son employeur, laisse transparaître une intense et profonde frustration. Elle nous confie son exaspération, partagée par un nombre croissant d’employés de Big N, face à ce qu’elle décrit comme la nature schizophrénique de la société. Souvent à la pointe de l’innovation et des tendances et dotée d’un flair certain pour ce qui fait « tilter » le public, la firme est en même temps handicapée par une structure paralysante, engoncée dans des procédures anachroniques qui doivent plus à sa propre culture d’entreprise qu’à des spécificités japonaises.

Notre contact dresse le portrait d’un colosse fragilisé, nostalgique d’une ère de règne sans partage, qui croule sous le poids des mythes qu’il a contribué à bâtir. Une mythologie qui l’empêche, selon lui, de prendre pleinement la mesure de ses forces et d’abandonner la couche de vernis qui l’immobilise.

La synergie, façon Nintendo

Depuis ses débuts, Nintendo a toujours su attirer à lui la fine fleur des game designers. Aucun autre éditeur-fabricant n’avait à la fois le prestige et les moyens nécessaires pour faire travailler une multitude d’équipes externes au développement d’idées de game design novatrices et d’une foule de prototypes de jeux.

Interrogée sur ce qu’elle entend par cette « encombrante mythologie », notre source nous a donné deux exemples assez récents. Le concept de Pikmin, ainsi, serait directement inspiré d’une simulation en temps réel (RTS) présentée à la firme par un créateur des années avant la sortie du jeu. L’histoire officielle du titre (Miyamoto en aurait eu l’idée en observant les créatures de son jardin) ne serait ainsi qu’une habile trouvaille marketing.

Autre exemple : Mario Galaxy. Selon notre source, trois moutures successives de ce qu’on appelait alors « Mario 128 » auraient été développées en interne, mais jugées insatisfaisantes. Nintendo aurait alors fouillé dans ses tiroirs pour en extraire un prototype prometteur conçu par un sous-traitant. Rapidement revu à la sauce Mario, il serait devenu le Mario Galaxy que nous aimons tous. Cette pratique, décrite comme courante par notre source, n’a rien de nouveau. Le célèbre et vénéré Super Mario Bros 2 (Super Mario USA) était à l’origine un titre totalement indépendant, bien que conçu par Miyamoto : Yume Kôjô: Doki Doki Panic, sorti en 1987 sur Famicom Disk System (FDS).

Olimar et ses Pikmin

Nintendo, brasseur de game design

La société est désormais confrontée aux limites de son modèle promotionnel et de sa mythologie commerciale : un génial créateur omniprésent, qui joue au chef d’orchestre devant une foule d’exécutants. Selon notre source, Nintendo possède une véritable caverne d’Ali Baba jusqu’ici largement inexploitée. Cette politique d’investissements colossaux, de commandes pléthoriques de prototypes et d’idées de game design, unique dans le monde du développement, doit enfin porter pleinement ses fruits.

Nintendo, qui – notre source le reconnaît – a désespérément besoin de nouvelles franchises pour le porter dans l’avenir, n’aurait qu’à exploiter son avantage colossal sur la concurrence : un catalogue sans équivalent, laissé en friche, qui pourrait propulser une tonne d’idées et de franchises neuves. Cette orientation stratégique permettrait aussi de dépoussiérer la galerie de portraits de la société, en donnant enfin une visibilité méritée à la nouvelle génération de créateurs maison – à laquelle notre source n’appartient pas, mais qui, selon elle, ne manque pas de petits génies. Que la lumière soit !

Lire le premier épisode : La 3DS, une portable lancée du mauvais pied (1/5)
Lire le deuxième épisode : Wii U, un développement à problème (2/5)

Notre série d’articles sur Nintendo se poursuit jusqu’à la fin de la semaine. Retrouvez demain le quatrième et avant-dernier épisode, consacré à la confrontation du modèle de Nintendo à ses (nouveaux) concurrents, dont Apple.

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La rédaction