Désormais toute personne qui consultera de manière habituelle des sites Internet qui font l’apologie du terrorisme ou qui appellent à la haine et à la violence, sera punie pénalement. » La petite phrase de Nicolas Sarkozy, prononcée lors de sa déclaration du jeudi 22 mars 2012, fait beaucoup de bruit sur la Toile. Effet d’annonce indispensable pour parer au choc des événements de Toulouse ? En tout cas, cette ébauche de mesure inquiète. Parce qu’elle est suffisamment précise pour raviver les craintes d’une surveillance accrue d’Internet… et trop floue d’un autre côté : on n’en connaît pas les modalités exactes.
Pour les opposants à cette mesure, comme Reporter Sans Frontières, elle fait surtout « peser des risques de dérive sur la liberté d’accès à l’information sur Internet ». L’association évoque même un « risque de surveillance en ligne généralisée au nom de la lutte contre le terrorisme ». Et critique par ailleurs le fait qu’elle pourrait avoir de graves conséquences sur le journalisme et l’étude du terrorisme : « Comment enquêter demain sur la montée des mouvances terroristes sur Internet et dans les réseaux sociaux sans pouvoir consulter leur mode de communication en ligne ? », se demande RSF. La question reste posée, d’autant qu’il est par ailleurs parfaitement possible de se rendre sur un site régulièrement sans être d’accord le moins du monde avec les idées qu’il propage.
Plus grave encore, les modalités techniques de cette mesure sont floues. Mais certains y voient, comme Reflets.info – dont nous vous conseillons les incroyables articles sur le dossier Amesys –, un nouveau moyen d’imposer la technique du Deep Packet Inspection, cette méthode orwellienne qui permet d’analyser avec précision, paquet de données par paquet de données, tout ce que vous faites sur le Web.
Seuls soucis : mettre en place une telle surveillance serait coûteux, dangereux pour les libertés individuelles et surtout très peu efficace pour lutter contre le terrorisme… car il y a fort à parier que pour consulter ces sites, un extrémiste pourrait facilement contourner ces mesures par l’anonymisation de ses connexions, en passant notamment par un VPN ou Tor, par exemple.
Pour l’UMP, pas de surveillance généralisée
Interdire la simple consultation de sites Web n’est toutefois pas une idée nouvelle. L’article 227-23 du code pénal punit déjà « le fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne » hébergeant des images pédopornographiques. Et n’a pas provoqué depuis sa mise en place de surveillance massive.
Devant le flou de la proposition de Nicolas Sarkozy, Laure de la Raudière, députée chargée du numérique à l’UMP, a tenté, sur Twitter, de préciser la pensée du président. Elle tend à indiquer qu’une surveillance du réseau par DPI n’est pas à l’ordre du jour, et que les traces de ces consultations « habituelles » seront plutôt trouvées par enquête policière sur demande d’un juge, directement sur la machine du suspect, comme aujourd’hui dans les affaires de pédopornographie.
@nkgl mais non! Enquête comme pour la consultation de sites pedopornographiques. (je ne parle pas de blocage )
– Laure de La Raudière (@lauredlr) March 22, 2012
Il n’en demeure pas que surveillance ou pas, la mesure de Nicolas Sarkozy étonne, et fait du Web un bouc émissaire facile dans ce dossier très complexe. D’autant qu’il sera difficile, comme le rappelle Le Monde dans une analyse juridique de la mesure, de la faire passer, puis de l’appliquer : outre sa probable censure par le Conseil constitutionnel, elle fournirait, selon le quotidien, de sérieux maux de tête pour savoir si certains sites prônent le terrorisme… ou non.
Les premières mesures de Sarkozy s’il est élu
Plutôt que de détailler son projet, Nicolas Sarkozy a indiqué que ces décisions ne seraient de toute façon pas votées avant l’élection présidentielle. Selon des propos qu’il a tenu à Valenciennes rapportés par Le Monde, il a indiqué qu’elles « passeront au Conseil des ministres. Les élections ont lieu dans un mois et demi, et dans un mois et demi, ce sera une des premières mesures que je ferai passer si les Français me font confiance. » Il a aussi rappelé qu’il chercherait le consensus politique sur ces questions. « Il ne faut pas, sur une affaire aussi sérieuse, qu’il y ait le moindre soupçon d’arrière-pensées », a-t-il plaidé.
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