Sondage après sondage, élections après élections, les Français manifestent leur aspiration à plus de sécurité. Vécue ou imaginaire, physique ou économique, la violence rend en tout cas pesante la vie quotidienne. En matière de fiscalité, pas besoin de sondages ! Il suffit d’interroger son voisin pour savoir qu’en France les impôts seraient toujours trop élevés, quel que soit le montant acquitté. Il est donc naturel que le gouvernement de Jean-Pierre Raffarin se préoccupe d’abord de ces deux thèmes. Il y a cependant un risque évident à considérer l’horizon hexagonal comme une ligne de crête tendue entre sécurité et fiscalité. Une vie quotidienne sereine, c’est également une bonne compréhension du lendemain. À l’orée du XXIe siècle, les Français n’ignorent pas que les questions du temps de travail et des retraites ne peuvent être évacuées. Que l’avenir est européen, génétique et technologique. Qu’internet n’est pas un gage de modernité abstrait mais un accès essentiel à la connaissance et le premier réseau mondial de communication. À charge pour les hommes politiques d’expliciter ces enjeux, faute de quoi de nouvelles formes d’exclusions s’ajouteront aux anciennes. À la veille des élections, le président de la République promettait un ordinateur dans chaque foyer d’ici à cinq ans. Depuis, le projet d’un vaste ministère de l’avenir, imaginé par Jean-Pierre Raffarin, est resté à l’état d’indiscrétion journalistique. Comme si l’avenir demeurait une affaire de spécialistes. Pour se convaincre du danger d’une telle vision, il suffisait de lire la presse américaine la semaine dernière. Deux informations se partageaient la Une de tous les quotidiens : les menaces pesant sur les 60 000 Américains résidant en Inde et, en caractère à peine moins gros, la décision de justice nimposant plus aux bibliothèques publiques de filtrer leurs accès à internet. Les Américains seraient-ils plus intelligents que les Français ?
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