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Neutralité des plateformes : le Conseil du numérique en appelle à la loyauté

Dans son rapport sur la neutralité, le Conseil national du numérique veut imposer aux plateformes d’être loyales. Il appelle aussi à la création d’agences de notation pour mesurer la neutralité des géants du Net.

Pour le conseil du numérique, la neutralité des plateformes est la pierre angulaire du développement d’Internet. Saisi en juillet 2013 par Bercy (Pierre Moscovici, Arnaud Montebourg et Fleur Pellerin) pour réfléchir et faire des propositions sur ce dossier, son rapport a été remis ce vendredi 13 juin à Arnaud Montebourg et Axelle Lemaire.

Pour ce travail qui se focalise sur les plateformes (Google, Amazon, Apple, Facebook, Netflix…), le CNNum a audité pendant 10 mois plus d’une centaine de spécialistes de tous les horizons du numérique : des économistes, des juristes, des professionnels du web, des institutionnels, des associatifs, des opérateurs et des philosophes.

Résultat : un document de 120 pages qui aborde de nombreux thèmes et activités. « Si le CNN est partie du cas Google qui fait l’objet d’une enquête à Bruxelles pour abus de position dominante, le rapport vise les grandes plateformes comme celles de l’hôtellerie par exemple, car le problème est général », a résumé à l’AFP Jean-Baptiste Soufron, secrétaire général du CNNum.

Lors d’un point presse, Axelle Lemaire a déclaré que «Google, Facebook, Apple ou encore Amazon sont des portes d’entrée pour tous à la société numérique, elles disposent d’un pouvoir extravagant sur le reste du marché : nos petites entreprises sont dans une situation schizophrénique de dépendance économique vis-à-vis de ces plateformes».

Permettre d’être un consommateur autant qu’un contributeur

Le rapport s’articule autour de quatre recommandations : renforcer l’effectivité des droits, assurer la loyauté du système de données, investir dans les connaissances, et soutenir l’émergence d’alternatives.

Pour le CNNum, cet environnement est concentré « autour d’une poignée d’acteurs qui se partagent un pouvoir important sur leurs utilisateurs et (entreprises) partenaires », et qui « influent sur l’innovation, l’accès à l’information et l’exercice des droits et libertés dans la société de l’information ».

La neutralité est « un pilier pour l’exercice effectif de la liberté de communication et de la liberté d’entreprendre au XXIe siècle. » Pour remplir cette vocation, « les réseaux de communication ouverts au public sont considérés comme des infrastructures [les FAI, NDLR] dont le rôle est essentiel, puisque la non-discrimination des informations qu’ils transmettent permet à chacun d’en être un consommateur autant qu’un contributeur. »

De fait, le Conseil national du numérique se montre très défavorable à des accès plus efficaces qui seraient réservés à certains acteurs contre paiement. Les plateformes doivent assurer un accès égal de tous aux informations et aux services.

La loyauté devrait « être intégrée dans une loi »

Parmi les « garde-fous » envisagés, le CNNum revient aux fondamentaux avant d’imaginer des règles propres au numérique. Il conseille de « mieux utiliser toutes les possibilités du droit existant » comme celui de la consommation ou du commerce sans se focaliser sur celui de la concurrence.

Autre idée, un « contre-pouvoir », avec la création « d’agences de notation » qui « mesureraient les niveaux de neutralité » des plateformes. « L’image que ces grands groupes renvoient est extrêmement importante pour eux, il n’ont d’autre choix que de bâtir une relation de confiance avec leurs utilisateurs », a indiqué le secrétaire général.

Enfin, le mot loyauté est utilisé pour la collecte et l’utilisation des données personnelles. « Leur nature même est aujourd’hui l’objet de profonds débats : biens inaliénables, bien commun, propriété privée transférable, droit d’usage ou d’utilisation. Elles ouvrent également de nombreuses considérations éthiques, économiques et de libertés fondamentales. C’est un nouveau continent économique et social qu’il faut organiser, en veillant notamment au respect de principes essentiels pour assurer un développement soutenable. »

Le rapport propose de créer « une obligation générale de loyauté sur l’utilisation de l’ensemble des données pour aller au-delà du seul principe de finalité. » Et pour ne pas se contenter d’une sorte d’autorégulation qui permettrait à chacun e faire selon son bon vouloir ou ses intérêts, cette notion de loyauté devrait « être intégrée dans une loi ».

Enfin, le CNNum demande que des conditions soient créées pour l’émergence d’alternatives. Une façon diplomatique d’évoquer la concurrence. « La régulation ne pourra seule garantir la soutenabilité du modèle de développement des plateformes. La « contestabilité » des acteurs dominants et l’existence d’alternatives pour les utilisateurs des plateformes et leurs partenaires sont autant de garanties pour leurs libertés. »

Le gouvernement a indiqué qu’il « tiendra compte de ces recommandations dans les prochains mois ». Arnaud Montebourg a aussi annoncé qu’il lancera une consultation «pour identifier et définir ce que pourraient être les indicateurs objectifs de neutralité des plateformes». Cette consultation portera principalement sur la question des données. «Elle sera également lancée dans les prochains jours et confiée au Conseil national du numérique». Ces résultats devraient enrichir le projet de loi sur le numérique et de la stratégie numérique française en Europe.

Source : Conseil national du Numérique.

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Pascal Samama