Toutes les innovations du festival de Cannes sont scrutées chaque année à la loupe par les professionnels du secteur dont l’économie est chahutée par le piratage et la montée en puissance des plateformes de VoD. Ils sont servis avec cette édition 2017 !
La réalité virtuelle consacrée en sélection officielle
C’est une consécration mais pas une première. Tous les grands festivals de cinéma se mettent à la réalité virtuelle. Cannes achève de donner ses lettres de noblesse à cette technologie en programmant pour la première fois une œuvre en VR : Carne y arena d’Alejandro Gonzalez Inarritu. On objectera que le festival n’a pas choisi n’importe quel réalisateur et ne prend pas beaucoup de risque en programmant le cinéaste mexicain maintes fois sélectionné sur la Croisette. Mais c’est un cap symbolique qui vient d’être franchi, même si le film ne concourt pas dans la compétition. On attend maintenant de voir si l’œuvre sera considérée au même titre que les autres par la critique.
Rappelons que la VR était apparue discrètement sur le marché du film du festival de Cannes en 2014. L’année dernière, le programme Next avait consacré deux jours entiers à cette technologie sous la bannière Virtual Reality Screenings avec des films courts projetés en mettant des casques Gear VR à disposition du public. Mais pour le moment les distributeurs de films se sont montrés assez frileux vis-à-vis de la VR. Exception faite de MK2 qui a ouvert un lieu dédié à Paris : MK2 VR. Pourtant, la réalité virtuelle est une technologie qui ouvre la voie à une nouvelle forme d’écriture où tout reste à inventer.
La participation des plateformes web fait polémique
Le président Thierry Frémaux s’est attiré les foudres de la profession en sélectionnant deux longs métrages Netflix en compétition officielle : Ojka de Bong Joon-ho et The Meyerowitz Stories de Noah Baumbach. Il faut dire qu’introniser ainsi une plateforme de SVoD qui se moque de la chronologie des médias, c’était risqué. La FNCF (Fédération nationale des cinémas français) a aussitôt exigé une clarification rapide de la situation. Le festival a tenté sans succès de négocier avec Netflix pour qu’il sorte les films en salles en France. Cannes a fini par changer ses règles : il va obliger dès l’année prochaine tous les longs métrages à s’engager en faveur d’une distribution en salles pour être sélectionné. Une contrainte qui risque de décourager certains réalisateurs de candidater.
Malgré les tentatives d’apaisement du festival, des spectateurs bien organisés ont tenté de perturber la première projection du film Ojka ce 19 mai à Cannes. Lorsque le nom de Netflix est apparu lors du générique à l’écran, il a été abondamment sifflé comme on peut le voir dans cette vidéo :
Projection perturbée et interrompue pour le premier film Netflix de la compétition #Okja #Cannes2017 pic.twitter.com/rmiU9YYGVq
— philippe dupuy (@djphilip) May 19, 2017
Il y a encore quelques années, le monde du cinéma se résumait aux producteurs, distributeurs, exploitants et diffuseurs audiovisuels. L’arrivée de plateformes de SVoD comme Netflix a tout bousculé. Le géant américain s’est en effet mis à produire ses propres longs métrages et séries TV qu’il met en ligne sur son service en circuit fermé, ou en conjuguant différentes fenêtres d’exploitation en même temps. Une nouvelle façon de faire qui court-circuite tous les acteurs du secteur. Netflix est ainsi accusé régulièrement de vouloir faire mourir les salles obscures. Mais ce que répète à l’envi son PDG Reed Hastings, c’est qu’il veut pouvoir sortir ses productions simultanément en salles et en ligne. Le directeur des contenus de Netflix, Ted Sarandos, n’abdique pas pour autant après cette tempête: « La distribution change (..) les festivals vont vraisemblablement changer », a-t-il prophétisé lors d’une conférence de presse à Cannes. Dans cette affaire, la France est apparue rigide et recroquevillée sur ses pratiques culturelles. Pour comparaison, aux Etats-Unis, des films Netflix et Amazon sont régulièrement sélectionnés aux Oscar.
Des séries TV dans la programmation
Cannes présente en exclusivité les deux premiers épisodes de la saison 3 de la série culte Twin Peaks créée par David Lynch et la saison 2 de Top of the Lake imaginée par Jane Campion. Certes, les deux réalisateurs ont reçu une palme d’or par le passé, pour Sailor et Lula pour David Lynch en 1990, et pour La leçon de piano pour Jane Campion en 1993. Mais la sélection, même en séance spéciale, a de quoi surprendre. Cannes reste après tout un festival de longs métrages, qui cloisonne les courts dans une section à part et qui ne s’est jamais risqué à lorgner du côté de la télévision.
#Cannes2017 TWIN PEAKS by David LYNCH – Événement #Cannes70
— Festival de Cannes (@Festival_Cannes) April 13, 2017
« C’est parce que ces deux séries sont signées Lynch et Campion que nous montrons leurs films, c’est une façon de donner des nouvelles de quelques cinéastes qui nous sont chers », s’est justifié auprès de l’AFP le délégué général du festival Thierry Frémaux, laissant entendre que l’opération ne serait pas renouvelée dans le futur.
Le son de cloche n’est pas le même du côté du président du festival de Cannes Pierre Lescure. «C’est une évolution normale de la production audiovisuelle », a-t-il déclaré. Une position qui rend d’autant plus incompréhensible la polémique sur Netflix. Mais qui laisse espérer que le festival de Cannes réussira sa mutation, ouvert sur toutes les oeuvres audiovisuelles quelle que soit leur technologie et support de diffusion.
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