Pierre Cheminant se souvient parfaitement de ce mois de mars 1978. “J’avais 12 ans quand l’Amoco Cadiz a sombré et je me rappelle qu’on allait ramasser les oiseaux mazoutés. Ce sont des choses qui marquent“.
Aujourd’hui responsable, à Brest, de la société de conception de sites Web Cyberouest, il a voulu mettre ses compétences au service des victimes du naufrage de l’Erika. Le résultat :
www.maree noire.org
“On aurait pu prendre nos pelles et nos seaux et partir sur les plages, mais on n’a pas le temps. En revanche, on sait faire des sites Web !“, explique-t-il. L’idée du site est lancée alors que la première vague de pollution arrive sur les côtes. En trois jours, les pages sont montées, le site ouvre dans la nuit du 27 au 28 décembre.
“Notre but, ce n’est pas de faire un site polémique et d’attaquer TotalFina comme d’autres sites. Même si, à titre individuel, chacun pense ce qu’il veut, nous voulons faire un site pratique. Maintenant que la marée noire est là, il faut nettoyer. C’est tout. La polémique, on verra après. “
Quand le proviseur se connecte…
Mareenoire.org donne donc des informations sur la localisation des nappes de pétrole et les plages souillées, apporte des conseils pratiques et, surtout, met en relation les communes avec les bénévoles souhaitant donner un coup de main.
La page d’accueil du site propose, pour ce faire, un formulaire permettant à chacun de s’enregistrer. Les données sont ensuite retraitées par l’équipe de Cyberouest. “Nous récupérons les données, nous les trions et nous envoyons par fax les listes de volontaires aux mairies qui le souhaitent. Nous aurions préféré envoyer tout cela par courrier électronique, mais nous avons constaté que beaucoup de communes étaient en retard en matière d’Internet “.
Les réactions sont rapides. En quelques semaines, plus de 1 300 personnes s’inscrivent sur le site. Pour le lycée Amélie-Zurcher de Wittelshiem, en Alsace, la chaîne a parfaitement fonctionné. Les 19 élèves de première année de bac professionnel Hygiène et environnement viennent de passer sept jours sur les côtes vendéennes.
“L’initiative est venue des élèves “, souligne Michel Schelcher-Beyer, proviseur du lycée. “Les deux délégués de classe sont venus me voir et nous avons lancé le projet. Il est vrai que la classe est d’autant plus sensibilisée au problème que la dépollution des hydrocarbures et de l’eau figure dans leur programme“. Le 10 janvier dernier, le proviseur s’est donc connecté au site mareenoire.org pour proposer l’aide de sa classe via le formulaire d’inscription. “C’est quelque chose de très pratique et de très positif“, reconnaît-il.
Tout est ensuite allé très vite. Un responsable des bénévoles rappelle le proviseur tandis que, dans le même temps, le projet du lycée reçoit l’accord du rectorat ainsi qu’une subvention de 75 000 francs du conseil général d’Alsace, pour couvrir les frais de transport et d’hébergement.
Du côté des communes sinistrées, le site reçoit évidemment un accueil favorable. Certes, certaines mairies refusent l’aide des bénévoles pour ne travailler qu’avec des professionnels, mais d’autres utilisent à plein la base de données établie par Cyberouest. C’est, par exemple, le cas des communes de Lorient et de Noirmoutier.
Une précieuse base de données
“ Nous recevions par fax la liste des bénévoles et je m’occupais de faire la sélection “, explique Françoise Olivier-Coupeau, en charge du recrutement des bénévoles à la mairie de Lorient. “Au total, j’ai retenu 12 personnes“.
Le chiffre peut paraître ridicule, mais Françoise Olivier-Coupeau avoue avoir opéré une sélection drastique. “Nous n’avons pris que des personnes de la région. Cela a permis d’éviter les dérives : au début, parmi les gens qui se présentaient spontanément, certains venaient vraiment pour les vacances. Ils travaillaient cinq minutes et ils allaient rouler leur cigarette. Avec le fichier obtenu grâce à Internet, c’était beaucoup plus qualitatif. C’étaient des gens qui avaient fait la démarche d’aller sur le Web et de s’inscrire. “
Lorient, comme de nombreuses autres communes, vient tout de même de ralentir le recours aux bénévoles. Maintenant que le gros de la pollution a été enlevé, le travail de fourmi restant à effectuer est confié, dans la plupart des cas, à des professionnels. Mais, selon Françoise Olivier-Coupeau, les mairies restent tout de même prêtes à mobiliser les bénévoles.
“Pour l’instant, la pollution est au large et on compte sur la mer pour désagréger tout ça, mais on ne sait pas ce qui peut arriver. ” La base de données reste donc précieuse. “Quand, dans quelques mois, l’attention des médias sera retombée, on aura encore les moyens de faire appel à des volontaires. Et il risque d’y en avoir pour des années“, rappelle Pierre Cheminant. Il ne faut pas oublier que la Bretagne garde encore des traces de l’Amoco Cadiz. “
www.mareenoire.org
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