« Prouver à quel point il est facile de suivre les gens à leur insu ». C’est l’objectif affiché de l’enquête du New York Times publiée mardi 16 avril dans les colonnes du journal… et le résultat est effrayant.
Pour cela, les enquêteurs ont procédé par étapes. Grâce aux photos disponibles en libre accès sur Internet, ils ont d’abord rassemblé les visages d’individus travaillant dans le quartier de Bryant Park au cœur de Manhattan, à New York, dans une base de données conséquente.
Les sites utilisés pour aspirer ces photos sont publics – le site leur entreprise ou encore le réseau professionnel de LinkedIn. Ensuite, les enquêteurs se sont servis des vidéos enregistrées par les caméras du quartier via le service de reconnaissance faciale commercialisé par Amazon, « Rekognition ». Un service accessible à toute personne munie d’Internet et d’une carte de crédit.
2 750 visages en 9 heures
Au final, les chiffres font peur : en seulement 9 heures, 3 caméras ont détectés 2 750 visages pour la modique somme de 60 dollars. La procédure est entièrement légale, explique le journal. Ce qui est d’autant moins rassurant.
Avec un score de « similarité » de près de 90%, les enquêteurs ont pu reconnaître le visage du docteur Richard Madonna, professeur à l’université d’optométrie de SUNY. Après lui avoir expliqué leur méthode, les journalistes du New York Times l’ont fait réagir :
« Ma première réaction a été : Oh mon Dieu, c’est incroyable », a déclaré le Dr Madonna. « J’ai été choqué de voir à quel point il me semblait facile de me reconnaître, parce que c’est vraiment le côté de mon visage », a-t-il expliqué au journal américain.
Outre l’exemple du Dr Madonna, le journal assure que toute cette base de données « incroyable » a été supprimée et qu’ils ont lâché les caméras de Bryant Park. Mais, cette enquête n’est qu’un petit aperçu de la facilité d’accès à la reconnaissance faciale.
9 000 caméras à New York
À New York, 9 000 caméras couvrent les rues de la ville. Et, depuis 2012, le département de police de la ville utilise un système de reconnaissance faciale développé par Microsoft, le « Domain Awareness System ». Combinées aux bases de données fédérales, les images enregistrées par tous ces appareils de surveillance donnent à la police américaine les moyens de tracker les citoyens, et ce en temps réel.
Contactée par le journal américain, les autorités de la ville de New York affirment que la reconnaissance faciale n’est pas systématique.
« Nous comparons les images faciales prises par les caméras sur les scènes de crime aux photos des casiers judiciaires », explique le sergent Jessica McRorie, porte-parole du ministère, dans un courriel adressée au New York Times. « Nous ne procédons pas à une collecte massive ou aléatoire de dossiers faciaux provenant des systèmes de caméras de la police de New York (NYDP) ni d’Internet, ni des médias sociaux. »
De son côté, face aux critiques de surveillance exacerbée, Amazon répond que leur service de reconnaissance faciale a des aspects bénéfices tels que retrouver des enfants perdus ou des criminels recherchés. L’entreprise de Jeff Bezos n’est pas la seule à proposer ce service.
Le droit à l’anonymat dans l’espace public
Cependant, les défenseurs des droits numériques y voient une atteinte à la liberté des citoyens. D’ailleurs, l’article n’hésite pas à comparer Big Apple à la Chine, fustigée pour ses pratiques de surveillance automatisées. Mais, le journal américain énumère différents projets pilotes disséminés sur le territoire américain.
« Une fois que le gouvernement a la capacité de nous suivre et de nous identifier où que nous allions, il est impossible de parler et de participer à la société de façon anonyme », explique au journal new-yorkais Jennifer Lynche, directrice des contentieux relatifs à la surveillance au sein de l’Electronic Frontier Foundation, association américaine de défense des droits numérique.
A grassroots community group in NYC, @STOPSpyingNY, is working to establish transparency and some measure of civilian oversight over NYPD surveillance tech. https://t.co/aS39zx1TEr
— EFF (@EFF) April 17, 2019
Ces révélations montrent l’efficacité redoutable de ces technologies. D’autant qu’elles ne sont plus difficiles d’accès. Voilà qui relance par le nécessaire débat démocratique autour de la régulation de l’utilisation des données personnelles. Un enjeu de taille pour les prochaines élections aux États-Unis en 2020.
Source :
The New York Times
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