Créer le mystère auprès du grand public et prendre ses adversaires par surprise, telle pourrait être la devise de Free. Passage en revue de ses plus beaux coups, alors qu’il s’apprête à dévoiler deux nouvelles Freebox.
2002 : le culte du secret pour lancer l’abonnement illimité
Pas de conférence de presse le 19 septembre 2002 ni d’informations distillées préalablement. Le petit FAI Free dont personne ne se méfie propose depuis un an un accès à Internet bas débit sans abonnement ni numéro surtaxé. Il va prendre tous les grands acteurs du marché de court en inaugurant une nouvelle formule commerciale : un abonnement illimité, sans engagement et sans frais de location de box pour 29,99 euros. Les abonnés affluent et les concurrents tentent de s’aligner en catastrophe.
Après cette première sidération commerciale, une autre surprise attend les rivaux de Free. La première Freebox commercialisée avec ce forfait illimité contient déjà tous les éléments pour faire du triple play, c’est-à-dire fournir le téléphone et la télévision en plus de l’accès à Internet. C’est le branle-bas de combat chez France Télécom qui se met alors en catastrophe à plancher sur un projet similaire. Mais sa Livebox ne sortira qu’en 2004. Garder le secret sur la teneur de ses projets a réussi à Free. Une stratégie qu’il maintiendra par la suite.
2010 : une invitation presse de dernière minute pour la Freebox V6
Au mois de décembre 2010, Free lance sa première invitation mystérieuse à la presse. En prévenant cinq petits jours avant l’événement. Si les journalistes se doutent qu’il s’agit de la Freebox V6, rien n’a filtré sur ses spécificités. Et ils ne seront pas déçus car le boîtier fait preuve d’innovations avec un lecteur Blu-ray, un navigateur Internet, un processeur Intel hyper puissant embarqué sur le Freebox Player, un disque dur de 250 Go en NAS, et enfin, les appels illimités vers les mobiles. De quoi clouer la concurrence sur place un petit moment.
2012 : Free s’amuse et orchestre le buzz
L’arrivée de Free sur le marché du mobile en 2012 est sans conteste la plus belle opération de communication de cet acteur. Le buzz est savamment orchestré sur les réseaux sociaux : une fusée est apparue sur le site mobile.free.fr avant Noël, puis sur le site live.free.fr. 2011, ainsi qu’un tweet de Xavier Niel à ce sujet.
the Rocket is on the launch pad
— Xavier Niel (@Xavier75) December 13, 2011
De nombreux easter eggs sont disséminés dans des pages hébergées par Free autour du thème de la fusée. Il y a aussi le compte parodique la Mamie du Cantal, lancé en pied de nez à Stéphane Richard qui avait estimé que Free ne pouvait pas proposer le même forfait mobile à un « geek parisien » qu’à une « mamie du Cantal ». Mais personne ne sait qui se cache derrière cette grand-mère.
Finalement, Xavier Niel finit par tweeter le 9 janvier les vers de Verlaine qui furent diffusés sur la BBC en 1944 à l’approche du Débarquement.
Les sanglots longs
des violons de l'automne
bercent mon cœur
d'une langueur monotone— Xavier Niel (@Xavier75) January 9, 2012
L’invitation pour une keynote le lendemain est confirmée. Et elle tombe justement le jour où son concurrent Numericable avait prévu de longue date une conférence de presse pour sa box. Pas vraiment un hasard.
La conférence, calibrée au millimètre, est également diffusée en ligne. C’est un moment de gloire pour Niel, qui dévoile son forfait illimité à 19,99 euros, -voire à 15,99 pour les abonnés Freebox- sous les applaudissements. Il se montrera également très agressif envers ses rivaux, les accusant d’orchestrer une « super arnaque », de prendre les gens pour des « vaches à lait » et des « pigeons ».
Et Niel de multiplier les surprises : non content de proposer un forfait illimité à bas coût, il enfonce le clou avec une seconde offre à deux euros, carrément gratuite pour les abonnés fixes. « Je suis heureux de vous offrir à tous un forfait à deux euros. Vous êtes assis dessus » lance-t-il à l’assemblée… Tous les journalistes présents cherchent alors sous leur siège pour découvrir une pièce de deux euros !
Ce lancement en fanfare est un pari réussi pour Free. Les consommateurs se ruent alors sur Free Mobile : ils sont 1,1 million d’internautes à affluer en moins de 9 heures. Du jamais vu dans l’histoire des télécoms. Les serveurs de Free tombent, le réseau mobile connaît des débuts difficiles, son réseau 4G est très limité mais qu’importe : Free Mobile a réussi magistralement son lancement.
2015 : la rumeur du smartphone
Depuis plusieurs mois, Xavier Niel promettait « un petit truc beau, un petit machin sympa » comme il l’avait déclaré fin 2014 sur l’antenne de BFM Business. Les rumeurs les plus folles circulent, jusqu’à imaginer un objet connecté, un smartphone estampillé Free ou l’Apple Watch distribuée en exclusivité en France.
Finalement, les journalistes sont prévenus le lundi 9 mars qu’une keynote se tiendra le lendemain. L’invitation contient la série de caractères #U3VycHJpc2U, qui veut dire « surprise » en base 64. Le jour dit, Free dévoile finalement la Freebox mini 4K, qui se compose du Server Freebox Mini 4K et du Freebox Player Mini. C’était la perspective qui faisait le moins rêver les fans. Mais elle vient combler un manque dans la gamme de Free : c’est un boîtier entrée de gamme avec fibre optique, contrairement à la box Crystal, et il est compatible 4K. Il tourne également sous Android TV, ce qui laisse présager un accord avec Google pour que les abonnés Free puissent enfin accéder sans problème à YouTube. Comme d’habitude, les retombées presse sont immenses, même si les observateurs avertis sont déçus en termes d’innovations technologiques.
2018 : un premier raté ?
Annoncée pour fin 2015, la Freebox V7 n’est toujours pas sortie. Trois ans de retard, c’est beaucoup. Pire : depuis le début de l’année 2018, l’état-major de Free ne cesse de promettre son lancement imminent. Xavier Niel parle du mois de septembre et le directeur général d’Iliad Thomas Reynaud promet en août qu’elle va être dévoilée dans « quelques semaines ». Tout le monde croit qu’une invitation sera lancée début octobre et suit avec attention les déclarations du compte de la mamie du Cantal, dont la fiabilité est pourtant loin d’être prouvée. Chaque lundi matin, on attend de recevoir un mail conviant à une conférence de presse pour le mardi 10h00. Mais toujours rien.
Plus le temps passe, plus Free prend le risque de lasser et décevoir ses fans. Et plus prosaïquement, il perd aussi des chances d’améliorer ses résultats financiers du dernier trimestre 2018, alors que sa croissance est en baisse dans le fixe comme dans le mobile depuis le début de l’année. La Freebox V7 sera-t-elle le premier raté de communication de l’histoire de Free ? C’est possible.
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