Le directeur informatique, ses informaticiens, ses utilisateurs, bref toute l’entreprise, seraient-ils des crétins ? Assurément non, répondent les fournisseurs. Ce sont juste des Messieurs Jourdain, qui “font de la prose sans le savoir”, qui “utilisent nos techniques sans le savoir “… et qui vont acheter sans le savoir ?L’expression est utilisée dans les argumentaires de vente, au point d’en donner le tournis. Saviez-vous que, sans le savoir, vous programmiez par contraintes ? Saviez-vous que votre entreprise gérait la connaissance, sans le savoir ? Saviez-vous, sans le savoir tout à fait, bien sûr, que vous faisiez déjà de la gestion de la relation client, de la gestion de projet, de l’UML, du progiciel de gestion intégré ? Comble du comble, si ça se trouve, vous développez sous Linux en toute méconnaissance de cause.Aucun secteur de l’informatique n’y échappe et il suffit de taper, par exemple, ” Programmation Jourdain prose ” dans un moteur de recherche quelconque pour s’en rendre compte. A l’occasion, remplacez ” Programmation ” par n’importe quel secteur informatique. Résultat garanti.La technique marketing est antédiluvienne. Elle consiste à vous mettre à l’aise, à vous vendre des techniques comme si elles étaient déjà acquises. Ainsi, Monsieur Jourdain a réussi à faire transiter les angoisses de grand-mère devant le vendeur du rayon micro vers la sphère professionnelle. Un informaticien chevronné saura faire la différence entre le tapis et la souris, et même entre un serveur de news et un serveur de messagerie. En revanche, dès qu’on le flatte, à la manière du maître de philosophie, la corde vibre. Ego satisfait devant l’évidence de la connaissance… Impossible de dire qu’il ne sait pas.L’innocent Monsieur Jourdain traîne derrière lui d’innombrables plantages, choix malheureux et raccourcis fatals. Il cache le piège de la facilité. Monsieur Jourdain, c’est le directeur informatique qui accepte d’être pris pour un ignorant. C’est le responsable de maîtrise d’ouvrage satisfait de terminer au plus vite son cahier des charges. C’est enfin l’informaticien persuadé qu’il a toujours eu l’intuition sans le cadre, le fond sans la forme. Monsieur Jourdain, c’est celui qui est content, finalement, de recevoir le sucre de lintelligence comme récompense de son futur achat.Et pourtant, traiter un informaticien de Monsieur Jourdain, ça devrait vraiment le vexer.Prochaine chronique le 26 lundi mars
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