L’année 2001 restera celle de tous les dangers pour Softbank. Début janvier, le président de la banque japonaise spécialisée dans les investissements internet, Masayoshi Son, a annoncé son retrait du conseil d’administration d’Ariba, l’éditeur de logiciels B to B dans lequel Softbank conserve tout de même une participation majoritaire. Le 28 décembre 2001, Softbank Corp. se dessaisissait de 3 % de ses actions Yahoo, cédées pour 39,4 milliards de yens (soit 340 millions d’euros) à SBC Communications. Certes le holding japonais reste toujours le principal actionnaire du portail internet, avec 17 % du capital (contre 20 % avant). Il est donc difficile de parler de désengagement. Mais le groupe, qui a déjà vendu une partie de ses actions d’E-Trade, de CNet Networks, de Sky Perfect Communications (opérateur de télévision par satellite), est étranglé entre une dette importante (plus de 400 milliards de yens ) et des pertes générées par ses participations dans les sociétés internet (évaluées à plus de 57 milliards de yens). En douze mois, le cours de l’action à la Bourse de Tokyo a été divisé par 2,5. Pour la première fois, Softbank a accusé une perte de 54,3 milliards de yens entre avril et septembre 2001 (contre un bénéfice de 36,3 milliards de yens l’année précédente). Le holding qui, au plus fort de son activité, a investi dans plus de 600 sociétés internet dans le monde, essuie de plein fouet les conséquences de l’éclatement de la bulle. Résultat, un coup de frein est mis sur les investissements aux États-Unis, en Europe et en Amérique latine. L’Asie semble échapper à ce mouvement : le groupe y poursuit sa politique d’investissement, notamment via SB Asia Infrastructure Fund. Et la filiale Softbank Investissement espère entrer sur la Bourse de Tokyo le 15 février pour y lever 11,3 milliards de yens.“Je serais surpris si Masayoshi Son ne se réinvente pas des qualités d’entrepreneur, et ne se dirige pas là où les opportunités sont importantes”, observe Peter Fuchs, directeur à la division Investment Banking de Shinsei Bank. En effet, ce patron coréen, qui irrite et séduit à la fois au Japon, a plus d’un tour dans son sac. Pour pallier la déconfiture des start-up, il consolide ses liens dans les télécoms à large bande et se lance dans la téléphonie ADSL.
Téléphoner sans NTT
En juin 2001, Softbank a pris le contrôle de Tokyo Metallic Communications, fournisseur d’accès internet à haut débit, qui dispose de sa propre infrastructure ADSL. La banque japonaise peut ainsi offrir ce service via Yahoo Japan sans avoir à négocier avec l’opérateur NTT pour l’utilisation de son réseau télécoms. Et les réservations pour l’internet rapide vont bon train, dans un pays où les communications téléphoniques sont onéreuses. Quatre mois après son lancement, le service ADSL Yahoo BB, à 2 280 yens par mois, compte déjà 360 000 abonnés. Qui plus est, grâce à BB Technology, filiale à 90 % de la banque et à 10 % de Yahoo Japan, Softbank cassera les prix des communications en offrant des services de téléphonie par le net aux Japonais dès le printemps prochain. Avec la promesse de coups de fil à 2,5 yens la minute entre le Japon et les États-Unis. “Les utilisateurs du net au Japon vont passer à 40 millions de personnes dans 5 ans, alors qu’ils ne sont que 20 millions aujourd’hui. Beaucoup d’entre eux vont probablement passer aux communications à large bande et nous voulons avoir la plus grosse part du marché”, prédisait Masayoshi Son au quotidien Nihon Keizai, il y a quelques jours. Son annonce n’a reçu que de tièdes échos de la part des investisseurs.“Le nouveau service de voix sur IP de la Softbank complète le service universel de NTT, mais ne s’y substitue pas. Il ressemble plus à un outil pour promouvoir Yahoo BB et pour attirer les abonnés à l’ADSL en leur donnant des services complémentaires, estime Mina Koide, analyste chez Merrill Lynch Japan. Ce type de campagne promotionnelle ?” la téléphonie sur IP gratuite pour un abonnement à l’ADSL ?” est courant en Corée.”“Une des forces du groupe est sa flexibilité à réallouer ses investissements”, poursuit Mina Koide. La personnalité de Masayoshi Son, lui même un investisseur, ne laisse pas indifférent. Mais Merryl Lynch Japan souligne le manque de visibilité à long terme de l’ADSL, ce qui ne devrait pas contribuer à une amélioration significative des résultats financiers du groupe. En investissant sur ce marché, mouvement qui était préparé depuis deux ans, Softbank assure pourtant à terme la rentabilité des services internet dont elle détient des participations et qui seront accessibles plus rapidement. En faisant une offre compétitive par rapport à l’onéreux service de NTT, Softbank et Yahoo débloquent le verrou principal qui, sur l’archipel, nuit à l’efficacité de services internet handicapés par des coûts de connexion à la boucle locale. Une manière intelligente de monopoliser le marché internet… mais au Japon seulement.
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