La peste soit de tous ces modes d’emploi abscons ! Cette littérature indigeste, censée nous éclairer sur le fonctionnement d’un objet techno, ne fait que nous renvoyer à notre accablante nullité ! Les manuels servent en fait de lest dans le carton d’emballage d’un produit high-tech qui, tout seul, paraîtrait bien léger compte tenu du poids plume de ses composants électroniques. Quand on paye, faut que ça pèse. Après une longue enquête en Europe, j’ai compris d’où vient le problème : tout mode d’emploi est issu d’un manuel de documentation technique japonais copié par des sous-traitants indiens, aidés d’un logiciel de traduction automatique. Et personne ne les lit : face à un nouvel objet high-tech, le Français appuie au hasard sur des touches, puis il appelle la hot line pour exprimer son mécontentement. L’Allemand ne lit que la table des matières, ligne à ligne, du début jusqu’à la fin ; quand il a terminé, il recommence parce qu’il a oublié le début. L’Américain n’a pas besoin de le lire, car c’est lui qui a fabriqué le produit, copié ensuite par les Japonais. L’Anglais demande toujours la permission avant de commencer à le lire : il attend encore la réponse. L’Irlandais du Nord n’a le droit de lire que la version anglaise ; au bout de deux pages et dix bières, il ne comprend plus rien et insulte les Anglais. L’Italien vole le mode d’emploi pour le revendre au marché noir sans s’apercevoir que c’est la version japonaise qu’il a dérobée. L’Espagnol le pose à côté de son missel et le contemple respectueusement. L’Israélien passe des heures à décrypter les messages codés laissés entre les lignes par les Palestiniens. Le Scandinave utilise la version WAP waterproof (à cause du sauna). Le Russe remplace une page sur deux par des annonces matrimoniales vantant ses nièces et le renvoie aux États-Unis. Messieurs les fabricants, vous savez ce qu’il vous reste à faire : brûlez vos manuels ! On ne sen portera pas plus mal.
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