Pressé par ses actionnaires de mettre en avant les effets concrets de la convergence entre Vivendi et Universal, Jean-Marie Messier, président du groupe de communication, a dévoilé son premier produit ” synergique “. Universal Mobile Music, qui sera lancé le 14 septembre, combine la partie contenants du groupe avec une offre de téléphonie du réseau mobile français SFR, et la partie contenus, avec des services proposés par Universal Music , comme l’écoute de morceaux musicaux ou la vente de places de concert.”Preuve que la convergence, ça marche et que les synergies ne sont pas seulement un concept abstrait “, selon le PDG, l’offre est cependant remise en cause par les spécialistes. “C’est surtout l’adaptation de SFR aux nouvelles conditions du marché de la téléphonie mobile en France. Mais les effets de synergies au sein du groupe sont finalement très limités“, explique un spécialiste du secteur. “ Aujourd’hui les opérateurs essayent d’optimiser leur potentiel de vente. Avec un taux d’équipement en mobiles de près de 55 %, le marché français est mûr. Cela va entraîner un éclatement de l’offre et une micro-segmentation“, affirme Bruno Duarte, d’Arthur D. Little France.
Les clients des concurrents
La majorité de la population étant abonnée, les opérateurs doivent désormais viser les marchés de niche ou débaucher des prospects chez les concurrents. Universal Music Mobile répond à ces deux objectifs. Le marché cible est celui des 12-25 ans, sur lequel SFR ne détient encore que 27 % de parts de marché, contre 34 % sur l’ensemble de la population. “Beaucoup plus “fun” que les autres“, selon J2M, Universal Music Mobile vise en particulier l’offre ” ados ” de Bouygues Télécom, qui a su attirer les jeunes avec ses tarifs planchers. La nouvelle marque permet à SFR de se situer véritablement sur la cible : “ Après le lancement d’Orange, SFR faisait figure de marque sérieuse et professionnelle mais ne représentait en aucun cas une identité forte pour les jeunes“, explique Jean-Baptiste Danet, président de la filiale française du cabinet d’étude des marques Interbrand. Pourtant si ” Universal ” est plus fédérateur auprès des jeunes, elle ne figure pas aujourd’hui dans le classement mondial des cent marques les plus connues établi par Interbrand… Quoi qu’il en soit, l’offre Universal Music Mobile a été conçue comme un véritable outil de guerre pour la conquête des abonnés des deux autres opérateurs. Distribuée dans quelque 23 000 points de presse pour moins de 9 euros (59 francs), elle est constituée d’une unique carte à puce à enficher dans un téléphone, Universal Music Mobile faisant le pari que ses futurs clients en possèdent déjà un. Seul bémol : la plupart des téléphones distribués sur le marché sont ” SIMlockés “, c’est-à-dire verrouillés pour ne fonctionner que sur le réseau de l’opérateur d’origine. Ce sont donc les clients de SFR qui iront le plus facilement vers la nouvelle offre. Quant à ceux qui ne disposent pas de mobile, ils devront se diriger vers le seul pack proposé par Universal Music Mobile, un téléphone Nokia 3310 à 150 euros. “ C’est une erreur stratégique pour qui veut séduire les jeunes. Cette population recherche les dernières innovations technologiques et les derniers appareils à la mode“, relève un analyste.
Pas de révolution…
Ce qui n’empêche pas Jean-Marie Messier de viser 200 000 abonnés à la fin de l’année et 1 million fin 2002, pour un investissement publicitaire de quelque 6 millions d’euros. L’omniprésent patron de Vivendi-Universal veut surtout faire d’Universal Music Mobile son cheval de bataille dans la stratégie de convergence des métiers de son groupe. Les abonnés de cette offre bénéficieront de services exclusifs apportés par Universal Music comme des places de concert, la possibilité d’acheter des disques à prix réduit ou d’écouter des morceaux, parfois en avant-première. “ Sérieusement, écouter de la musique sur un téléphone ça existe depuis longtemps. Cette convergence-là tous les opérateurs sont capables de la proposer. Là où Universal Music Mobile aurait pu se différencier c’est sur le téléchargement de MP3, mais les technologies sont encore loin d’être prêtes“, tempête un autre analyste.En clair : Universal Music Mobile pâtit de l’étroitesse des tuyaux. Seule l’arrivée du GPRS [internet rapide sur mobile, ndlr] lui permettrait de proposer de réels services. Sauf qu’aujourd’hui, aucun jeune ne dispose d’un téléphone GPRS dans lequel enficher la carte Universal Music Mobile. Et même avec le GPRS, Bruno Duarte est sceptique sur le téléchargement de MP3 : “ Pour l’instant les coûts sont prohibitifs. Le mégaoctet de données téléchargées est facturé 12 euros. Pour un morceau de 3 minutes, ça fait plus de 30 euros“.L’autre synergie très attendue portait évidemment sur Vizzavi, codétenu avec Vodafone. Les sources les plus proches du portail multi-accès évoquent déjà des pertes de plus de 200 millions d’euros et des dépenses de 300 millions dans le rachat de portails appartenant à des filiales de Vodafone. Selon un sondage Nielsen/Netratings, Vizzavi Grande-Bretagne a attiré en juillet 104 000 visiteurs, alors que la version française du portail en réunissait 55 000, ce qui le place à des niveaux d’audience ” non représentatifs ” pour les instituts de mesure d’audience.
Avec son propre portail
On attendait donc aussi Jean-Marie Messier sur la convergence entre son portail multi-accès et son offre de téléphonie mobile. Il n’en sera (presque) rien. Les utilisateurs d’Universal Music Mobile auront accès au portail, à sa partie musique, “ largement alimentée par Universal Music“, a rappelé J2M. Mais Vizzavi ne sera en rien la porte d’entrée des utilisateurs d’Universal Music Mobile sur le net. Ils disposeront du site Universalmobile.fr. Pour Universalmobile.com, il faudra attendre : le nom de domaine a été enregistré par une société américaine prête à le revendre pour 300 000 euros, selon nos informations.Si Jean-Marie Messier veut faire d’Universal Music Mobile autre chose qu’une offre pré-payée de plus sur le marché français, il devra la transformer en opérateur mobile virtuel et procéder rapidement à son internationalisation…
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