Tout le monde – ou presque – connaît l’étrange pratique des Indiens d’Equateur Jivaros, qui consistait à réduire les têtes de leurs ennemis. Cette étrange habitude était destinée à prouver que les ancêtres avaient été vengés et, surtout, à laisser un témoignage de leur victoire. Sans vouloir prendre un raccourci tiré par les cheveux, la société moderne est aussi obnubilée par la réduction, l’amoindrissement des objets, comme preuve de sa supériorité et de sa victoire sur eux.
Dans notre quotidien, les formats “classiques ” n’ont pas pour autant disparu : les livres de poche n’ont pas enterré les éditions de luxe, tout comme l’Austin Mini n’a pas supplanté les grosses berlines. Mais il en va autrement pour les outils de communication : ils ne doivent plus être autour de l’homme, mais plutôt avec lui, sur lui. Les ordinateurs portables le sont vraiment aujourd’hui, portables. A peine plus gros que les calculatrices qu’une génération vieille de vingt-cinq ans rangeait il y a peu encore dans son cartable de collège. Il y a dix ans – soit une éternité -, les premiers téléphones mobiles, du style Radiocom 2000, étaient aussi transportables qu’une cabine téléphonique… Les progrès de l’électronique et du design ont rendu ces appareils à peine plus grands que des cartes de visite. Ainsi, l’homme, pour être moderne, doit pouvoir tout emmener en un tournemain sans ressembler à un GI traînant son paquetage au bout du monde.
Aujourd’hui, une nouvelle étape semble avoir été franchie. De la réduction, on est passé à l’invisibilité. L’objet ne doit plus se contenter d’être petit : il ne doit plus être du tout. Pour s’en convaincre, il suffisait d’arpenter les allées du pharaonique salon Telecom 99 à Genève. La plupart des possesseurs de téléphone mobile – soit 95 % des gens présents, au bas mot – avaient recours à l’écouteur et au mini-micro, téléphonant les mains libres ou occupées à autre chose… Telecom 99 a ainsi vite attrapé des airs d’asile de fous parlant seuls dans leur coin, voire au petit coin. Tous ces gens qui paraissaient s’adresser à vous – dans ce que vous croyiez être un bel élan de fraternité internationale – ne faisaient en réalité que réserver un hôtel ou rechercher un collègue perdu…
Quelle sera la prochaine étape ? L’intériorisation ? Je plaisante à peine. Un scientifique britannique ne s’est-il pas fait récemment greffer pendant quelques semaines une puce pour télécommander sa maison intelligente ? Vous imaginez le cauchemar que ce serait si le clin d’?”il ne servait plus à promettre du bonheur, mais juste à ter- miner un coup de (sans) fil ?
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