En France, depuis deux ans, le capitalisme et les entrepreneurs sont encensés. Deux raisons à cet engouement : la performance des marchés boursiers, et aussi l’ampleur des opportunités liées à la nouvelle économie, qui offre à de nombreux esprits entreprenants la possibilité de faire fortune très vite. Désormais, le capitalisme n’est plus l’affaire d’une poignée de grandes familles, il donne sa chance au plus grand nombre. Mais parmi ceux qui s’y aventurent, combien vont réussir sur le long terme et surtout lesquels ? Le recul de l’expérience américaine, où la nouvelle économie a déjà quelques années d’ancienneté, montre qu’il existe une forte corrélation entre le rôle assumé par les fondateurs de start-up et le succès de leur création à long terme.Première constatation : les sociétés en hypercroissance dans le secteur des technologies doivent gérer des contraintes extrêmes. Elles sont obligées de redéfinir constamment leur stratégie pour survivre. Très vite, il leur faut s’imposer comme leader sur des marchés dont elles sont aussi les pionnières, puis, dans la foulée, préparer leur entrée en Bourse où l’on exigera d’elles une précision d’horloge suisse en matière de prévision de chiffre d’affaires ou de profitabilité.
Un PDG surdimensionné permet de croître plus rapidement
Et l’IPO n’est pas une fin : alors que leur marché, très porteur, commence à attirer les convoitises, elles sont confrontées à des choix stratégiques majeurs (développement de nouveaux produits, acquisitions, alliances). Des scénarios qui se déroulent désormais sur un horizon d’un à cinq ans, quand dix à vingt ans étaient la règle au cours des années 70… Pour les fondateurs, rarement expérimentés en matière de management, ce rythme infernal est difficile à suivre.Dans ce contexte impitoyable, bâtir une start-up durable exige, paradoxalement, le détachement de l’entrepreneur de sa société. Il doit savoir très rapidement remplacer son “amour maternel” pour l’entreprise naissante par un intérêt patrimonial. Contrairement à leurs aînés “brick and mortar”, les fondateurs de la nouvelle économie n’ont plus le temps d’apprendre à gérer sur le tard. La machine à embaucher tourne à plein dès le démarrage et les erreurs de profil ou de timing sont fatales : quand recruter et comment motiver un directeur des ventes ? Comment attirer le directeur financier qui saura mener la start-up à l’IPO ? En dix-huit mois au plus, les jeux sont faits.Le trait commun à toutes les start-up qui réussissent a été d’engager très rapidement un PDG surdimensionné. Le fondateur a totalement abandonné le pouvoir sous le contrôle d’un conseil d’administration puissant dont il faisait partie ou qu’il dirigeait. C’est le modèle suivi par la plus belle success-story de ces quinze dernières années dans la high-tech : Cisco Systems, avec son CEO John Chambers ?” les fondateurs étaient Leonard Bosack et Sandy Lerner. C’est aussi le cas de Yahoo!, l’enfant prodige de la Net-économie, chez qui David Filo et Jerry Yang ont très vite laissé les commandes à Tim Koogle et Jeff Mallett, respectivement PDG et directeur général. Cette conduite est adoptée par plus de 90% des entreprises à succès : Scient, eBay, Netscape, QXL, Excite@Home, etc. Il est vrai qu’elle a toujours été dominante aux Etats-Unis, dans le secteur de la high-tech, bien avant l’irruption du Net. Jeff Bezos de Amazon, Keith Krach de Ariba ou Bernard Liautaud de Business Objects sont les exceptions qui confirment la règle, mais tous ont engagé des seconds très solides.
Dans l’ombre, le fondateur reste le garant des valeurs de la société
Quel est alors le rôle du fondateur ? Celui ?” essentiel ?” de porteur de l’ADN culturel de la société. Et plus cet ADN est bien implanté et diffusé, plus la culture de l’entreprise sera forte et soudée, et résistera à la concurrence, aux revirements stratégiques et aux fusions successives. David Filo et Jerry Yang ne figurent même pas dans l’organigramme de Yahoo!, mais leur rôle est fondamental : ils sont les détenteurs ultimes des valeurs et de la vision de la société.Le tandem fondateur-manager est un des facteurs clés du succès à long terme quand le maintien au pouvoir du fondateur après la première phase de lancement peut être un facteur d’échec ou de ralentissement. Le site britannique de vente de loisirs Lastminute.com aurait aujourd’hui des trimestres d’avance sur ses résultats et une présence dominante aux Etats-Unis si un ténor du management était venu épauler les fondateurs dès le début, leur évitant l’apprentissage par tâtonnements et les retards d’exécution.
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