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(Mise à jour) Yahoo! protégé par le Premier amendement

L’affaire Yahoo! rebondit. Un tribunal fédéral de Californie conteste la portée de la décision française sur le filtrage des enchères nazies. Selon la justice américaine, les objets de la haine ont toujours droit de cité sur le portail Internet.


Première parution le 08/11/2001Le 22 mai 2000, le juge Jean-Jacques Gomez condamnait Yahoo.com à filtrer l’accès des internautes français aux milliers d’objets nazis, disponibles à l’époque sur le service d’enchères en ligne du géant du Net. Aujourd’hui, le juge fédéral Jeremy Fogel limite la portée de ce jugement.Selon la justice américaine, la décision française est contraire à la Constitution et aux lois des Etats-Unis. Elle porterait en effet atteinte aux droits de Yahoo! relatifs au Premier amendement, qui protège outre-Atlantique la liberté d’expression.Pour Yahoo! et son avocat en France, Christophe Pecnard, qui avait plaidé la difficulté de se conformer simultanément à la législation des deux cents pays d’où le portail est accessible, c’est “une belle décision, un succès”. Pour la société, le portail Yahoo.com est, comme son adresse ne l’indique pas, “un portail Internet américain, pour les Américains ” (sic).

” Impérialisme juridique “

Dans ses attendus, le juge californien avoue être sensible à la politique française en matière de répression de l’incitation à la haine raciale, mais, d’un strict point de vue juridique, il fait droit aux demandes de Yahoo!. Et c’est peut-être là que se situe le problème.En se retranchant derrière le Premier amendement et le droit à la liberté d’expression, la société américaine instrumentalise la Constitution des Etats-Unis et en offre une vision dévoyée. Pour elle, l’important est de poursuivre l’exploitation commerciale des objets litigieux.Aujourd’hui, alors même que le service d’enchères de Yahoo! est devenu payant, le philatéliste ou le numismate peut faire son shopping en achetant des timbres et des devises à l’effigie d’Adolf Hitler et ses affidés. Involontairement ou pas ?” Internet étant un média universel ?” la décision du juge Fogel revient à appliquer le droit américain à l’ensemble de la planète.Pour Stéphane Lilti, avocat de l’Union des étudiants juifs de France (UEJF) dans le premier procès Yahoo!, il s’agit d’une mesure d’“impérialisme juridique”. “La France n’est pas une république bananière”, ajoute le vice-président de la Licra (Ligue contre le racisme et l’antisémitisme), Mark Knobel, adversaire de Yahoo! dans cette affaire.

La raison économique prévaut

Selon lui, dans le contexte actuel, Yahoo! a tout fait pour faire apparaître la décision du tribunal de grande instance comme une mesure antiaméricaine.Toujours pour Mark Knobel, faisant référence à l’affaire Front14, la justice américaine est en train de déresponsabiliser totalement les hébergeurs américains par rapport aux contenus diffusés à partir de leurs serveurs. Sur ce point précis, Yahoo!, qui possède également l’hébergeur gratuit Geocities, se montre beaucoup plus prude.La société indique qu’elle a déjà débranché sur simple demande des sites hébergés sur Geocities, qui visait un public français et dont le contenu était contraire au droit en vigueur dans l’Hexagone.Il est vrai que ces sites coûtent aujourd’hui plus qu’ils ne rapportent.

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Philippe Crouzillacq