Première publication le 24 mars 2006Les fleurons français et américain de l’industrie des télécoms pourraient ne faire plus qu’un. Un mariage qui soulève des questions politiques.Les deux géants des télécommunications ont admis ce vendredi être en pourparlers pour une éventuelle fusion de leurs activités. Pour couper court aux rumeurs qui commençaient à circuler, Alcatel et Lucent ont publié une brève
déclaration commune reconnaissant l’existence de discussions en vue d’une éventuelle fusion ‘
entre égaux ‘ et ‘ au prix du marché ‘. D’ici à la fin de ces consultations, les
deux entreprises se refusent à tout autre commentaire.Ce n’est pas la première fois que les deux équipementiers télécoms envisagent un tel rapprochement puisqu’un éventuel rachat amical de Lucent par Alcatel
avait été envisagé en 2001.
peut-être l’accent mis dès la première communication commune sur l’égalité des rôles de chacun. Certains commentateurs envisagent d’ailleurs une prédominance française dans le capital avec un management confié aux Américains, un
arrangement qui pourrait satisfaire les deux parties.Mais les aspects managériaux et financiers ne sont pas les seuls, car la naissance d’un géant transatlantique des télécoms soulève également des enjeux politiques. En France comme aux Etats-Unis, une partie du développement qui
est fait dans ces entreprises est en effet très proche des marchés publics, et en particulier militaires. ‘ La question qui va devoir être réglée est de savoir si ces pays considèrent comme un enjeu stratégique de conserver un
constructeur d’équipement télécoms national ‘, estime Jean-Charles Doineau, senior analyst chez Ovum.Lucent est ainsi bâti sur l’héritage des Bell Labs, fondés en 1925, proches de l’armée américaine et parmi les plus prestigieux laboratoires de recherche au monde. Couronnés par onze prix Nobel, les Bell Labs ont été
à l’origine du cinéma parlant, du transistor, du rayon laser, du système Unix ou du langage C. C’est donc un pan entier de l’histoire de la technologie et de leur histoire tout court que les Etats-Unis pourraient
chercher à sauvegarder.Dans le cas où la fusion irait à son terme, le nouvel ensemble pèserait en tout cas très lourd : Alcatel a réalisé en 2004 12,4 milliards d’euros de chiffre d’affaires, et Lucent 9,44 milliards de dollars
(7,89 milliards deuros) en 2005. Le premier emploie 56 000 salariés, le second 30 200. La nouvelle entité aurait une taille comparable à celle de Cisco et deviendrait ainsi le leader incontestable sur le marché des équipements
télécoms.Quant aux synergies, elles sont bien présentes : Lucent apporterait sa forte présence aux Etats-Unis et sa maîtrise de la norme CDMA, Alcatel son expertise du haut-débit filaire et du GSM. Peu de restructurations, du moins en
France, seraient donc à craindre.Alors que les rapprochements ont repris dans le monde des télécoms, tant du côté des opérateurs (AT&T/BellSouth) que des équipementiers
(Ericsson/Marconi), ce type d’opération apparaît en tout cas vital pour les deux entreprises si elles veulent rester en mesure de peser sur le marché.
‘ Le marché mondial des télécoms s’est aujourd’hui stabilisé à la moitié de ce qu’il était en 2000 alors que le développement de nouvelles technologies s’accélère. Les entreprises doivent donc faire
de plus en plus de paris technologiques avec des moyens restreints, et Lucent comme Alcatel ont besoin d’accroître leurs ressources pour ne laisser passer aucune opportunité ‘, résume Jean-Charles Doineau.
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