“ La sélection entre les trois outils de mesure d’audience [internet] sera faite par le marché“, indiquait en juillet Fabienne Schawlbe, directrice générale de Jupiter Media Metrix France. Le marché a choisi son champion. Exsangue, Jupiter Media Metrix, l’un des trois tenants mondiaux du secteur avec Netvalue, n’a pas eu d’autre choix que de se vendre à son rival Netratings, filiale du Néerlandais VNU, pour 71,2 millions de dollars (78,8 millions d’euros). Soit 50 % de son chiffre d’affaires 2000.
Hypothétiques bénéfices
“Rien ne permet d’affirmer que ce regroupement sera bénéfique. Les deux sociétés sont déficitaires et rien ne prouve que le secteur de la mesure d’audience soit viable“, affirme un analyste, qui suit les deux groupes en Bourse. En juin 2001, les pertes trimestrielles de Jupiter Media Metrix ont atteint 48 millions de dollars. À cette date, la société ne disposait plus que de 46 millions de cash, de quoi tenir un trimestre. Netratings affiche des pertes moins conséquentes, mais son chiffre d’affaires 2000, 20 millions de dollars, est sept fois inférieur à celui de Jupiter. La différence entre les deux sociétés s’est faite uniquement sur le trésor de guerre amassé par Netratings lors de son introduction en Bourse. L’entreprise disposait en juin 2001 de 351,7 millions de dollars, ce qui lui permet de tenir jusqu’à la rentabilité attendue pour 2003.Arielle Dinard, présidente de Jupiter Media Metrix International, estime que l’effondrement de la comptabilité de sa société est dû à “une expansion internationale trop rapide et aux conséquences de la fusion entre Jupiter et Media Metrix en juin 2000“. À cette date, Jupiter Research, spécialisée dans les études portant sur les nouvelles technologies, avait fusionné avec Media Metrix, leader de la mesure d’audience. “ L’organisation de notre entité nous a fait perdre 6 mois et nous avons commencé à nous restructurer trop tard “, admet-elle. La fusion des deux sociétés aboutirait à une contraction inédite du marché. Selon nos informations, la nouvelle entité devrait se retirer d’une dizaine des 29 pays dans lesquels elle est présente. Peter Wilcox, directeur Europe de Netratings, n’a pas souhaité confirmer cette restructuration. Pourtant, sans attendre, Jupiter Media Metrix procède en ce moment même à la fermeture de deux de ses filiales, en Norvège et au Danemark.
Coupes sombres en série
En parallèle, l’activité d’organisation de séminaires de Jupiter devrait disparaître ou, du moins, être réduite à portion congrue. La partie études de marché ne devrait pas trop souffrir, d’autant qu’elle est aujourd’hui à l’équilibre en Europe, contrairement à la mesure d’audience.En effet, l’étude de l’utilisation du net est un gouffre financier. Elle repose sur le principe du panel : des internautes représentatifs sont sélectionnés puis ” traqués ” dans leurs usages quotidiens d’internet. En France, par exemple, Jupiter Media Metrix suit quelque 8 125 internautes, contre plus de 10 000 pour Netratings, présent dans l’Hexagone via un joint-venture avec Mediamétrie. Un panéliste coûte 250 euros (1 640 francs) en moyenne par an, soit entre 2 et 3 millions d’euros par an et par pays. À ces sommes s’ajoutent des charges de personnel relativement importantes (environ 10 personnes par entité). En face, la demande n’est pas pléthorique : en France, Jupiter a 40 clients, et son allié Netratings 43. Ils proviennent en majorité des médias, suivis par les banques, les fournisseurs d’accès et les portails. De plus, un client sur dix étant commun aux deux sociétés au niveau mondial, leurs revenus ne s’additionneront pas totalement. Un seul système de panel sera conservé après la fusion, sans doute composé des meilleurs éléments des deux initiaux.
Un concurrent opportuniste
“ La mesure d’audience va devenir un sous-produit “, estime pour sa part Bernard Ochs, vice-président de Netvalue, désormais seul concurrent de Netratings-Jupiter Media Metrix. Sa société a licencié près de 50 % de son personnel depuis le printemps et a supprimé sa présence commerciale aux États-Unis, même si elle prévoit une ouverture de filiales au Benelux et dans les pays d’Europe centrale et orientale. Sa stratégie a également été bouleversée. “Nous voulons faire du panel consommateur, ce qui nous permettra de rentrer dans le budget marketing des grandes entreprises.” Netvalue s’est associé avec l’Américain Comscore, disposant de panels beaucoup plus importants (50 000 personnes environ) mais non représentatifs. “Nous redresserons les résultats de Comscore avec notre panel, ce qui nous permettra de donner des statistiques inédites à nos clients, comme le chiffre d’affaires de chacun de leurs concurrents, ou de connaître les dépenses moyennes d’un internaute sur un site.” Ce produit sera lancé en France début 2002. Netvalue en attend beaucoup pour atteindre la rentabilité, prévue pour 2003. Avec seulement 20 millions d’euros en caisse et des dépenses moyennes mensuelles d’1 million d’euros, Netvalue n’aura pas le droit à l’erreur. Une fusion avec Comscore n’est d’ailleurs pas exclue.Netratings aussi cherche à ajouter de la valeur à ses résultats. François Blum, directeur de la filiale française, Mediamétrie Eratings, compte proposer des analytical services, des formules comprenant la fourniture des données brutes accompagnées d’analyses et de mises en perspective. Jupiter avait, lui, racheté Adrelevance, un service de pige publicitaire, qui n’a jamais été lancé en Europe.
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