Les occasions de conduire un concept car sont rares et pour le moins précieuses. Lorsque cette voiture est également la championne de sa catégorie, l’essai relève du fantasme. Et pourtant, c’est bien le Mercedes EQXX, la voiture électrique dotée de la plus grande autonomie au monde, que nous avons eu l’occasion d’essayer.
Il n’existe aujourd’hui qu’un seul exemplaire roulant de l’EQXX, le second étant une maquette dépourvue de pièces mécaniques. C’est dans ce modèle que nous avons pu monter et c’est lui que nous avons pu conduire, sur le circuit d’Immendingen, propriété de Mercedes. L’heure est venue de vous faire part de nos impressions.
Mercedes EQXX : un concept ? Un nouveau modèle ? Les deux ?
La Mercedes EQXX est un concept car électrique, un coupé sportif dont l’objectif est de battre des records en matière d’autonomie. Considéré comme un laboratoire sur quatre roues, cette Mercedes s’est fixée un objectif fou : dépasser les 1200 km d’autonomie.
Le Vision EQXX n’a donc pas pour vocation d’imaginer les lignes graphiques des futures berlines de la marque à l’étoile. Sa mission est tout autre : elle consiste à tester l’intégration d’une nouvelle batterie au sein d’un environnement logiciel repensé, là aussi dans un objectif d’efficacité. Pour le dire autrement, que ce soit sur le design, le choix des matériaux, la motorisation ou encore l’OS, Mercedes a placé dans cet EQXX ce qu’il avait de mieux en matière d’autonomie. Sans rival à l’heure actuel sur ce plan, le concept de Mercedes peut être vu comme un état de l’art sur l’autonomie des voitures électriques.
Comment l’EQXX est-il parvenu à ce niveau d’autonomie ?
Tout commence par le design. Afin de battre des records de kilomètres parcourus en véhicule électrique, l’EQXX ne pouvait adopter la forme d’un SUV. Son esthétique et plus particulièrement son aérodynamisme sont tournés vers un objectif d’autonomie maximale. De ce fait, le véhicule adopte une allure sportive, avec un centre de gravité très bas et un coefficient de traînée réduit au maximum. Ainsi, le Cx n’est que de 0,17, ce qui constituerait un record si l’EQXX venait à être commercialisée.
Pour réduire au maximum ce coefficient de traînée (et donc la résistance au vent), les ingénieurs de Mercedes ont eu recours à quelques subterfuges. Le plus impressionnant d’entre eux, c’est ce diffuseur mécanique à l’arrière. Celui-ci s’active dès que la voiture dépasse les 60 km/h. Un mécanisme permet alors de le rétracter d’une vingtaine de centimètres, ce qui améliore l’aérodynamisme. En parallèle, l’EQXX dispose également de deux trappes à l’avant (les bien nommées jalousies) qui peuvent, elles aussi, se fermer pour améliorer le coefficient de traînée. D’ailleurs, un menu dédié de l’interface permet d’avoir un aperçu en temps réel des performances aérodynamiques du véhicule. Bluffant !
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Si le design est essentiel pour gagner des kilomètres en autonomie, il est un point qui est peut-être plus crucial encore : la batterie. Jusqu’ici, à quelques exceptions près, le jeu chez les constructeurs automobiles consistait à mettre la plus grosse batterie possible pour avoir la meilleure autonomie. Sur ce point, Mercedes figure d’ailleurs au sommet du podium avec l’EQS et son énorme accumulateur de 107,7 kWh.
Sur l’EQXX la donne change fondamentalement. La batterie dispose certes de près de 100 kWh de capacité, mais la chimie des cellules est très différente de ce que le constructeur utilisait jusqu’ici. De fait, pour une capacité quasi équivalente à celle de l’EQS, la batterie de l’EQXX est 50% plus compacte et 30% plus légère. Sur ce point, on frôle le secret industriel, ce qui explique pourquoi Mercedes ne rentre pas dans tous les détails. Le constructeur avoue cependant que la partie supérieure de sa batterie est constitué d’un matériau composite (carbone, fibre et sucre) qu’il a été pioché du côté de son écurie de Formule 1. Cette nouvelle batterie offre également un rendement plus élevé, estimé à 95%. Concrètement, cela revient à dire que 95% de l’énergie produite arrive directement dans les roues, ce qui laisse assez peu de déperdition. L’autre particularité de cette batterie, c’est qu’elle ne dispose pas d’un système de refroidissement liquide. Ce qui lui permet de gagner en poids, mais la limite à 140 kW en puissance de charge rapide DC.
L’EQXX dispose également d’un toit solaire. Sur les photos, celui-ci se distingue par sa couleur noire qui tranche avec le gris métal du reste du véhicule. Mercedes n’est pas le premier constructeur automobile à avoir recours à cette technologie. Elle figure en option chez Hyundai pour son Ioniq 5 ou encore chez Toyota sur le bZ4X. Et que dire de la marque Lightyear qui s’en sert comme source principale pour sa 0, la première voiture solaire de série. Sur l’EQXX, ce panneau solaire sur le toit est vu comme une source d’électricité d’appoint. D’ailleurs, il n’alimente pas directement les moteurs, mais les soulage d’un poids : celui de fournir en énergie le système 12V à l’intérieur du véhicule, autrement dit l’infodivertissement.
Design, type de matériaux, panneaux solaires et nouvelle technologie de batterie, tous ces choix industriels ont une conséquence sur un facteur majeur en matière d’autonomie : le poids du véhicule. Il n’est donc pas étonnant de voir l’EQXX afficher un « modeste » 1 755 kg sur la balance, dont 495 kg de batterie s’il vous plaît. À titre de comparaison, la grande majorité des voitures électriques dépasse les deux tonnes.
Le poids, le design aérodynamique, le toit solaire et, bien sûr, une technologie de batterie efficiente, voilà les armes qui ont permis à l’EQXX de réaliser ses premiers exploits.
Un habitacle futuriste et une interface qui fait la part belle à l’autonomie
Mercedes ne s’est pas contenté de travailler sur le design et la batterie de son concept. L’EQXX est également l’occasion de réfléchir à un habitacle et surtout une interface tournés vers l’autonomie. L’élément le plus marquant de cet intérieur futuriste, c’est l’écran. Mercedes dispose déjà de l’écran le plus impressionnant du marché avec son Hyperscreen, mais celui de l’EQXX met la barre encore plus haut. Il s’agit d’une dalle OLED 8K de 47 pouces qui s’étale d’un bout à l’autre de la planche de bord en se courbant légèrement. En effet, contrairement à l’Hyperscreen, ce ne sont pas trois écrans qui sont placés sous une dalle de verre unique, mais bien un seul et même écran fourni par Continental Automotive.
Plus intéressant, peut-être, que l’énorme écran de l’EQXX, c’est son interface toute tournée vers l’autonomie. En effet, elle dispose de plusieurs menus dédiés pour chaque élément ayant un impact sur la décharge de la batterie. Le menu du toit solaire par exemple permet de voir combien celui-ci a récupéré d’énergie et quelle quantité de kilomètres a été gagnée grâce à cette réserve. La partie aérodynamisme n’est pas en reste. Une modélisation de la voiture en temps réel donne la valeur de coefficient de trainée (Cx) à chaque instant. De fait, cette valeur évolue selon que le diffuseur est sorti ou que les jalousies sont ouvertes ou fermées.
Enfin, face au conducteur se trouve sans doute l’élément le plus ludique de cette interface : le compteur de vitesse. Celui-ci est présenté sous la forme d’une sphère bleutée avec la valeur de vitesse en son centre. Sa particularité : il permet au conducteur d’ajuster sa conduite en temps réel pour que celle-ci soit le plus efficiente possible. Comment ? Avec un jeu de couleurs qui vient nuancer l’aspect de la sphère. Un léger halo blanc sur la partie supérieure de la boule indique au conducteur qu’il est invité à accélérer, du moins que l’EQXX peut augmenter sa vitesse sans dégrader sa consommation. Inversement, lorsque le halo devient rouge sur sa partie inférieure, c’est que le conducteur a eu le pied un peu lourd, soit sur l’accélérateur, soit sur la pédale de freins.
Assez ingénieux, le système est très plaisant à utiliser. On se surprend à surveiller les réactions de la sphère à la moindre manœuvre, ce qui invite également à adopter une forme d’écoconduite. Enfin, compte tenu de son emplacement (juste en face des yeux du pilote) et de sa discrétion, ce gadget n’empêche pas de garder les yeux sur la route et ne diminue pas, a priori, la sécurité au volant.
1 200 km d’autonomie, ça, c’est fait
L’objectif que l’EQXX s’était fixée, Mercedes l’a déjà réalisé. Le constructeur allemand avait déjà indiqué être parvenu à rallier Cassis en partant de Stuttgart, sans passer par la case recharge. Nous avions d’ailleurs rendu compte de la prouesse dans une actualité.
Mais ce que Mercedes n’a dévoilé que plus récemment, c’est qu’il avait repris la route avec son EQXX, pour aller encore plus loin. En effet, le 21 juin dernier, notre EQXX a pris le départ de Stuttgart, destination le circuit de Silverstone en Grande-Bretagne. 14h et 30 minutes plus tard, la reine de l’autonomie achevait son périple de 1 202 km avec une vitesse moyenne de 83 km/h.
Lors de ses deux périples, le concept de Mercedes a consommé bien moins que les 10 kWh/100 qu’il s’était fixé lors de sa conception. En effet, sa consommation moyenne lors du Stuttgart – Cassis s’élevait à 8,7 kWh/100. Cette consommation est descendue à 8,3 kWh/100 km sur le second itinéraire. C’est ce chiffre que nous avions en tête au moment de prendre le volant de l’EQXX.
Essai sur circuit : notre « presque » tentative de record d’autonomie
Notre test de l’EQXX nous a emmenés sur le circuit fermé d’Immendingen, près de Stuttgart. Il ne s’agit pas d’un circuit de course comme on pourrait l’imaginer, mais bien d’un tracé classique qui pourrait s’apparenter à une route nationale vallonée qui invite à la relance. La boucle d’une quinzaine de kilomètres dispose de portions limitées à 50, 80 et 110 km/h, il ne s’agit donc pas d’un exercice de vitesse, bien que nous ayons eu l’occasion de juger des capacités d’accélération du concept. En conséquence, notre objectif n’était pas de battre le record du tour sur le circuit, mais bien d’avoir un aperçu de la consommation de l’EQXX. Pour le dire autrement, nous souhaitions savoir si l’autonomie affichée lors des deux parcours test (8,7 et 8,3 kWh/100 km) tenait des conditions avantageuses dans lesquelles l’essai avait eu lieu ou si cette valeur était vraisemblable.
L’analyse de nos données de course (cf tableau ci-dessous) permet de voir qu’au cours des 15,42 km parcourus en un peu moins de 20 mn, nous avons atteint une consommation de 8,49 kWh/100 km, soit un résultat tout à fait dans la lignée des expérimentations de Mercedes. Une analyse plus détaillée des quatre graphiques permet de voir les différences entre notre session d’essai et le tour de référence (traits blancs) réalisé sur le circuit par un pilote de Mercedes. Pour l’anecdote, ce professionnel du volant est parvenu à baisser la consommation à 7,9 kWh/100 km.
Certes, il ne s’agit pas d’un trajet de 15 h et de plus de 1 000 km, mais notre modeste virée en EQXX nous a tout de même permis de constater que Mercedes n’enjolivait pas ses résultats d’autonomie. Le concept du constructeur allemand est tout à fait capable d’une consommation inférieure à 9 kWh et par conséquent d’une autonomie record.
Enfin, un mot sur les sensations de conduite. L’EQXX n’est certes qu’un concept, mais donne l’impression d’être une voiture déjà aboutie. Que ce soit sur la conduite ou sur le système, nous n’avons pas eu l’impression d’avoir affaire à un modèle de démonstration, mais bien à une voiture dont le niveau de finition est proche d’un véhicule de série. Enfin, si l’EQXX n’a pas la puissance de feu d’une AMG One, il a su faire preuve de mordant et d’une capacité d’accélération plus qu’agréable.
Quel avenir pour l’EQXX ?
Que va-t-il advenir de ce laboratoire sur roues, alors qu’il a déjà réalisé son objectif d’autonomie ? Quelles technologies dont il a facilité le développement seront reprises dans les prochains modèles de la marque à l’étoile ?
Pour l’instant, le destin de l’EQXX n’est pas scellé. Bien qu’ils aient atteint leur objectif de 1200 km parcourus, les ingénieurs de Mercedes espèrent pousser leur voiture un peu plus loin. Si officiellement, la voiture a atteint l’objectif fixé, officieusement, ses ingénieurs espèrent la pousser un peu plus loin et dépasser les 1 300 km avec une seule charge. La prochaine étape pour l’EQXX sera donc de rouler, et rouler encore au fil de quelques opérations de promotion, certes, mais lors desquelles les personnes derrière le projet tenteront d’exploiter ses capacités au maximum.
Quid désormais des technologies qu’elle embarque ? Verra-t-on de sitôt un diffuseur articulé sur une future classe C ? C’est une possibilité. En réalité, c’est la technologie de batterie qui amène le plus d’interrogations. Plus compacte, plus légère et dépourvue de refroidissement liquide, elle semble toute désignée pour équiper les prochains modèles de la marque. Mais, car il y a un mais, ce changement de batterie imposerait à Mercedes d’accepter de reculer de deux pas sur la partie recharge.
En effet, pour développer l’EQXX, les ingénieurs de Stuttgart ont eu carte blanche sur la partie plate-forme. Les choix qui ont été faits concernant la batterie limitent sévèrement sa puissance de recharge. Celle-ci plafonne à 140 kW. Or, la plupart des véhicules récents peuvent charger à 150 kW et plus, quant aux plus performants, leur puissance de recharge tutoie les 250 kW. Limité à 140 kW, l’EQXX peut dire adieu aux fameux 10 à 80% de batterie en moins de 30 mn. Mais a-t-on besoin de charger aussi vite, lorsqu’on n’a presque plus besoin de s’arrêter à une borne de recharge ? En effet, les trajets dépassant les 1 000 km sont relativement rares, il est donc permis de penser qu’un véhicule doté d’une telle autonomie n’ait pas un besoin impérieux de recharger plus vite que son ombre. Mercedes est-il prêt à prendre un tel risque ?
Finalement, c’est l’OS de l’EQXX qui semble le plus simple à adapter à un autre modèle de la marque. Ce que nous avons vu dans l’habitacle du concept car pourrait tout à fait être transposé sur l’écran Hyperscreen qui équipe l’EQS, la Classe S et l’EQE. Même si l’ensemble est tourné vers l’autonomie, il est tout à fait envisageable que l’interface soit légèrement adaptée (plus besoin d’un indicateur en temps réel de Cx, par exemple) pour donner naissance à la prochaine version de MBUX, l’OS de la marque à l’étoile.
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