Matisse, Picasso sur les mêmes cimaises, celles du Grand Palais. Les deux plus grandes figures de l’art moderne en une exposition. Jubilation. Illumination et révélations aussi. Mais pas innovation. De leur vivant, déjà, les artistes acceptent la confrontation de leurs ?”uvres : en 1918, le galeriste Paul Guillaume présente leur première exposition conjointe. 28 toiles, et ce commentaire de Guillaume Apollinaire, inspiré par le tableau Coupe d’oranges : “Si l’on devait comparer l’?”uvre d’Henri Matisse à quelque chose, il faudrait choisir l’orange. Comme elle, l’?”uvre d’Henri Matisse est un fruit de lumière éclatante.” Picasso renchérira en disant de son ami : “Il porte ce soleil dans le ventre”, et Matisse prendra l’habitude de lui envoyer des oranges !Vive, évanescente, presque réduite à un à-plat, cette Coupe d’oranges est à comparer à Nature morte au pichet et aux pommes de Picasso, déjà géométrique (confrontation commentée sur www.matissepicasso.com, l’un des deux sites officiels). Le fauve face au cubiste. Une opposition réelle, mais évidemment réductrice, comme en témoignent les 70 peintures, 22 sculptures, 50 dessins et 17 tôles et gouaches découpées réalisées entre 1906 et 1965 et exposées dans le musée parisien. Tout au long de cette période, les deux peintres s’influencent, se rapprochent, s’opposent, dans un dialogue constant, qui fera dire à Picasso : “Jamais personne n’a si bien regardé la peinture de Matisse que moi. Et lui la mienne…”De Matisse, Picasso retiendra le pied de nez aux académismes, tant au niveau du dessin que de la couleur, et reprendra le thème des odalisques. Avec Picasso, Matisse repensera l’espace et les formes, tentant une articulation géométrique du premier et une simplification des secondes, notamment dans sa période “cubisante”, 1913-1917. Et les deux hommes n’auront de cesse de se confronter à la figure, amie/ennemie avec laquelle il faut faire ou se défaire.C’est ce parcours, ces allers et retours entre les deux pensées, les deux ?”uvres, que le site www.matissepicasso.org, conçu autour et au-delà de l’exposition du Grand Palais, veut rendre dans un souci d’exhaustivité inédit. Voulu par Anne Baldassari, commissaire de l’exposition, financé pour moitié par LVMH (le site aura coûté quelque 300 000 euros) et soutenu par les successions des deux artistes (qui ont renoncé à leurs droits à condition que les ?”uvres sur le net ne soient pas piratables), ce site veut être “le premier centre de recherche virtuel sur Matisse et Picasso “. On y trouve évidemment l’intégralité des tableaux exposés ?” la plupart en haute définition ?” mais aussi plusieurs dizaines d’autres ?”uvres, des photos des artistes dans leur atelier, une énorme chronologie (section “L’Histoire d’un dialogue”), et, à venir, des articles de presse de l’époque. La rubrique la plus passionnante et la plus accessible est sans doute “?’uvres et contexte”, qui confronte les caractères des deux peintres, interroge leur relation aux Stein (leurs mécènes communs) ou raconte le début de l’échange de toiles entre Picasso et Matisse, un soir de 1907. Passionnant.Matisse-Picasso, du 22 septembre au 6 janvier, Galeries nationales du Grand Palais, Paris. Réservations : 01 40 13 49 13
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