C’est une tendance naturelle chez les journalistes, même les plus confirmés : au bout de quelques décennies passées à relater des anecdotes et des bruits de couloirs, la tentation est forte (et louable !) de “quitter le terrain” pour se frotter aux règles contraignantes de l’essai ou encore de la biographie. Encore faut-il être séduit par son modèle !Ce qu’il y a d’ennuyeux dans le livre de Christine Mital, rédactrice en chef au Nouvel Observateur, et Erik Izraelewicz, éditorialiste aux Echos, c’est que la thèse précède l’analyse. De par sa construction, cet ouvrage est aussi irréfutable que le déroulé d’un long raisonnement mathématique. C’est pourquoi, il est difficilement attaquable. Et, pour tout dire, lassant.Le postulat est livré d’entrée de jeu au lecteur, à la première page du livre. “Je ne crois pas que l’État puisse administrer désormais l’économie”, déclarait Lionel Jospin le 13 septembre 1999. De cette déclaration découlent des chapitres en forme de corollaires. Puisque Lionel Jospin a reconnu douter du rôle de l’État comme régulateur économique, toute sa carrière politique est revisitée à travers ce spectre. Exactement comme certains commentateurs politiques reconsidèrent le “modèle Jospin” depuis qu’ils ont appris qu’il fut trotskiste dans les années 1970. Conclusion : Monsieur ni-ni (formule soufflée à François Mitterrand lors de la campagne présidentielle de 1988) ne serait que l’incarnation d’un “passe-partout idéologique” d’un “no man’s land de la pensée” et d’un “réformateur masqué”. De croustillantes anecdotes et des déclarations de l’hôte de Matignon viennent étayer cette thèse. Mais ce qui fait défaut, c’est une comparaison historique. En refermant ce livre on a l’impression que “monsieur ni-ni” serait le seul Premier ministre de la Cinquième république à s’être frotté au principe de réalité du pouvoir. Ce dont on peut douter.
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